Liste de détenus transférés de Dachau vers le camp de Stutthof

Légende :

Liste nominative des détenus transférés du camp de Dachau à celui de Stutthof établie le 16 septembre 1944. Sur cette liste figure le nom de Paul Weil. 

Genre : Image

Type : Liste

Source : © Service international de recherches Droits réservés

Détails techniques :

Document dactylographié

Date document : 16 septembre 1944

Lieu : Allemagne - Bavière

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Contexte historique

Le camp de Stutthof (à ne pas confondre avec le Struthof) est situé en Prusse Orientale sur un terrain marécageux à 36 km à l'est de Dantzig. Au départ, il est destiné à l'internement des Polonais de Dantzig et de Poméranie. Très vite des politiques et des criminels allemands y sont aussi enfermés ainsi que des Soviétiques qui constituent, après l'attaque allemande contre l'URSS, le groupe le plus important. L'épidémie de typhus qui éclate durant l'hiver 1944-1945 ainsi que l'évacuation du camp devant l'approche de l'Armée Rouge le 25 janvier 1945, contribuèrent au développement d'une forte mortalité. Sur les 120 000 déportés passés par le KL Stutthof, 65 000 environ seraient ainsi décédés.

En 1947, Paul Weil et son ami Alphonse Kienzler ont livré leurs témoignages sur ce camp dans un ouvrage intitulé "De l'Université aux Camps de Concentration - Témoignages Strasbourgeois". Voici quelques extraits de celui de Paul Weil :

"A l'infirmerie, presque tous les médecins sont polonais. Il font ce qu'ils peuvent avec très peu de médicaments, dans des salles non chauffées. Grande propreté, mais aucune hygiène; tout n'est qu'apparence et mise en scène. La nourriture est encore inférieure à celle du camp, car la plupart des kapos infirmiers prélèvent la part du lion sur le ravitaillement des malades. Ceux-ci sont obligés par eux à faire leur travail; ils se résignent à manger moins pour ne pas travailler et recevoir des coups. Les kapos infirmiers ne sont pas du métier mais des détenus de droit commun allemands. Ils font du zèle au détriment des malades: ils veulent garder leurs prérogatives et ne peuvent réussir qu'en alignant leurs méthodes sur celles des SS, qu'ils arrivent à dépasser en fait dans la cruauté. Les meurtres causés de propos délibéré par ces infirmiers sont extrêmement fréquents. L'infirmerie fait peur aux malades. Aussi sur 100 détenus dont la mort est due à des causes naturelles (à la faim, à la dysenterie, à la pneumonie, à la septicémie), 6 ou 7 seulement meurent chez nous, les autres préfèrent rester dans les Blocks sur leurs couches et travailler jusqu'au dernier souffle. Chaque matin, la visite attire une centaine de consultants. Ils arrivent portant à quatre sur une planche un mort de la nuit et restent des heures durant dans la neige devant la salle d'examens; beaucoup s'affaissent là; un plus grand nombre meurent dans la salle des douches. Les malades israélites n'ont pas droit à la visite; mais grâce à la ténacité et à l'autorité du professeur Finkelstein, de Kaunas, que nous retrouverons plus tard abattu sur la route, quelques-uns d'entre eux peuvent se faire faire un pansement, voire une incision, en hâte, à la sauvette."

Les fusillades :  "Nous en avions beaucoup entendu parler à Dachau. Mais nous ne réalisons complètement l'horreur de ces tueries que lorsqu'un infirmier nous appela un jour qu'on entendait des détonations, pour nous montrer à quelques mètres devant le laboratoire l'exécution d'une colonne de femmes polonaises. À dater de ce jour, chaque midi un ordre arrivait de "faire le noir", c'est-à-dire de baisser tous les stores des fenêtres qui donnaient sur le crématoire. Des femmes au nombre de quelques dizaines étaient groupées derrière un immense tas de sciure, puis, accompagnées du kapo du crématoire, pénétraient une à une dans la baraque. Par la fenêtre, nous apercevions la malheureuse qui entrait dans la chambre de mort; derrière la porte était un officier en blouse blanche et en gants de caoutchouc noir qui l'abattait avant qu'elle l'aperçût dans la pénombre. Bruit sourd de la tête sur le plancher ; deux détenus saisissaient le corps et le balançaient dans la salle des fours. Tout ceci se passait au son de la musique d'un poste de radio qui n'arrivait pas à couvrir le bruit de la détonation. En vérité, ces femmes savaient parfaitement qu'elles allaient à la mort. On leur parlait d'un départ éventuel pour un bon kommando; mais tout le camp connaissait l'heure de ces exécutions, et pour notre part nous n'avons jamais su la cause du sourire qu'elles avaient presque toutes avant d'entrer dans la sinistre baraque."

Les gazages : "Plusieurs fois, le dimanche en particulier, les femmes devaient partir pour des kommandos fictifs; elles étaient entassées dans des wagons à cloisons hermétiques; puis un SS jetait une bombe à gaz asphyxiant au milieu d'elles. Le soir, c'était le tour des hommes. On les parquait dans un bâtiment et, un à un, on les voyait se diriger en courant vers le lieu où ils allaient être abattus."

Les assassinats par piqüres : "Le médecin SS passe chaque semaine dans les " stations ", choisit les plus maigres et les envoie, ainsi que ceux dont les résultats de laboratoire sont positifs, dans une station spéciale, attenante à la salle de dissection. Chacun d'eux viendra s'allonger sur une table pour recevoir d'un sous-officier SS, toujours ivre, la piqûre intracardiaque de formol et d'acide phénique à saturation qui le tuera sur le coup. Un de nos camarades lettons nous fait remarquer que cette méthode est encore relativement humaine; car auparavant, la même injection était pratiquée par une piqûre intraveineuse, de sorte que le moribond devait encore aller se jeter de lui-même sur le tas des morts. Les femmes étaient obligées de se rendre, elles, au crématoire. Rien n'effacera la vision de ces pauvres loques, au corps flottant dans leurs rayés maculés, attendant un après-midi entier, à la porte de la salle de mort leur tour de recevoir la piqûre. Nous la voyions pratiquer par la fenêtre de la maisonnette. Elles attendaient couchées sur le gazon. Le kapo avait donné à chacune d'elles une cigarette et elles allaient l'une après l'autre, sans soutien, d'elles-mêmes, recevoir la mort."


Sources : 
Livre mémorial de la Fondation pour la Mémoire de la Déportation.
De l'Université aux Camps de Concentration - Témoignages Strasbourgeois, Faculté des lettres de l'université de Strasbourg, hors-série, 1954.