Maquette du n°19 des Étoiles

Légende :

Maquette du journal clandestin Les Étoiles imprimé à l’imprimerie Gerin (Romans-sur-Isère).

Genre : Image

Type : Presse clandestine

Source : © Collection madame André Gerin Droits réservés

Détails techniques :

Papier pelure de format 21 x 27 cm. Les titres sont écrits à la main à l’encre violette. Certaines annotations sont écrites au crayon.

Date document : juin 1944

Lieu : France - Auvergne-Rhône-Alpes (Rhône-Alpes) - Drôme - Romans-sur-Isère

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Analyse média

L’imprimerie Gerin, à Romans-sur-Isère (rue Mirabeau), composait et tirait clandestinement des journaux (Franc-Tireur, Les Étoiles, La Drôme en armes, Le Patriote Romanais-Péageois) et des tracts, notamment pour le Parti communiste.

Il s’agit ici de la première page de la maquette du journal clandestin Les Étoiles, n°19. La maquette, réalisée avant les diverses opérations, prévoyait l’emplacement et la surface qui seraient réservés aux différents articles.
L’ensemble de la maquette compte 4 pages. L’auteur en est vraisemblablement l'imprimeur André Gerin. Sur les pages 2 et 4 sont collés des articles tapés à la machine (avec un ruban d’encre violette) à l’emplacement qu’ils occuperont. Les titres sont écrits à la main à l’encre violette. Certaines annotations sont écrites au crayon.

Le journal Les Étoiles est rédigé en particulier par Louis Aragon, « réfugié » à Saint-Donat-sur-l’Herbasse, à une dizaine de kilomètres de Romans, sous le pseudonyme de "Lucien Andrieux". L’imprimeur a reçu les articles devant constituer le numéro et les a répartis sur les quatre pages de la maquette, sur les indications d’Aragon, et en fonction de leur importance. Cette publication portera le n°19.
Actuellement, les 17 premiers numéros sont connus et ont été analysés par Georges Aillaud : du n° 1 de février 1943 au n° 9 du 15 juillet 1943 les exemplaires sont dactylographiés et ronéotés ; du n° 10 d’août 1943 au n° 17 de mars 1944, ils sont imprimés dans divers lieux. Le Catalogue de la Bibliothèque nationale des périodiques clandestins diffusés en France de 1939 à 1945 cite Lyon, Toulouse, Saint-Flour et Valence. Il est vraisemblable que ce n’est pas à Valence, mais à Romans, comme le prouve la découverte (en 2010) de cette maquette dans les archives de la famille de l’imprimeur.

Aucun exemplaire des n°18 et 19 n’a été conservé (ou tout au moins retrouvé).

Le titre principal est : À l’heure, où notre lutte pour la libération déjà étonne le monde,
L’EXEMPLE VIENT DE L’ESPRIT,
avec l’annotation « Titre fort ».
Les sous-titres doivent être en italique soulignés : Sans aliéner leur indépendance, Entrer au Front National, c’est opter pour la France, S’unir pour agir.


Auteurs : Jean Sauvageon

Contexte historique

Plusieurs journaux locaux dont la diffusion est limitée à une petite région existaient avant la guerre. Ce sont surtout des publications d'annonces légales. Leur orientation est, en général, de droite, souvent catholique. Ils ont continué à être imprimés pendant la guerre, soit en adoptant les thèses vichystes, soit en voulant rester neutres, en s'adaptant aux exigences de la censure, en publiant, sous la pression, des textes de la propagande collaborationniste. Leur attitude modérée leur a permis de survivre, malgré la censure.

D’autres imprimeurs ont sciemment sorti clandestinement des journaux ou documents clandestins.

André Aversenq, de La Roche-de-Glun, près de Tain-l’Hermitage, imprimait L’Humanité, il est arrêté le 3 septembre 1943 et déporté à Dachau. Eugène Groullier, de Montélimar, imprimait Libération, il est arrêté le 11 décembre 1943 et déporté à Buchenwald d’où il reviendra.

À la Libération, les organes de presse ont fait l’objet d'enquêtes essayant de déterminer leur degré de culpabilité de collaboration avec l'ennemi.

Albert Gerin qui publiait Le Bonhomme Jacquemart, journal hebdomadaire romanais, déclare le 13 mars 1946 : « Pendant l'Occupation, comme tous les journaux, j'étais obligé de faire paraître des articles qui m'étaient inspirés par les fiches de documentation, il m'est arrivé de ne pas faire paraître de tels articles et, une fois, j'ai été suspendu pendant huit jours à titre de sanction. » Mais sous cette couverture de journal plutôt collaborationniste, l'imprimerie Gerin a participé à l'impression clandestine de documents favorables à la Résistance. Dans le « Questionnaire sur les journaux ayant paru sous l'Occupation », Albert Gerin répond : « En 1943-44, nous avons imprimé des milliers de cartes d'identité et fourni des faux tampons. En 1944, nous avons imprimé La Drôme en armes, Les Étoiles, Franc-Tireur, des tracts et des romans de la série Bibliothèque française. »

Le commissaire du gouvernement, en date du 10 mai 1946, indique, à propos du Petit Valentinois : « ce journal n'a pas volontairement fait de la propagande pour les Allemands. Il s'est borné à insérer quelques articles imposés par Vichy et, au contraire, a adopté une attitude résistante, procurant des fausses cartes d'identité à de nombreux jeunes gens. »

Pour le journal Le Crestois, à l'époque très catholique, le rapport du commissaire du gouvernement en date du 18 mai 1946 indique : « ce journal avait toujours eu une attitude favorable à la Résistance, ne publiant qu'à la dernière extrémité et après plusieurs mises en demeure les articles imposés par Vichy ». Au cours de son interrogatoire, le directeur, M. Pluvy, indique : « J'ai été en lutte constante avec la censure de Valence lorsque je publiais des articles personnels. Je devais obtenir l'autorisation préalable du censeur […] Au mois de mai 1943, le gouvernement de Vichy m'a fait présenter un contrat m'obligeant à suivre l'orientation donnée par le gouvernement et m'invitant à publier des articles destinés à soutenir l'action gouvernementale. J'ai refusé de signer un tel contrat car j'ai estimé à ce moment-là que j'aurais aliéné ma liberté. » Le journal a néanmoins continué à paraître « grâce à l'inspecteur Laversanne du ministère de l'Information ».

À Nyons, le journal Le Pontias paraissait hebdomadairement avant 1939 et publiait surtout des annonces légales et des informations locales. N'ayant pas signé le contrat du gouvernement de Vichy, l'imprimerie n'avait pas d'attribution de papier et la parution devint mensuelle. « De nombreuses fois, j'ai été dans l'obligation d'insérer des extraits des feuilles roses envoyées par Vichy et intitulées "Documents réservés à la presse". [...] à plusieurs reprises, j'ai été en butte avec le censeur de Valence qui trouvait que je n'étais pas assez docile », déclare le propriétaire, M. Ayzac, le 9 mars 1946. Il a imprimé clandestinement des tracts pour la Résistance.

D’autres journaux comme Valence républicain ou Le Journal de la Drôme ont été placés sous séquestre en février 1945.

Même s’il est parfois difficile de dénouer la part de collaborationnisme, d'opportunisme, de souci de perdurer, de nécessité de percevoir le papier contingenté, l’encre et le matériel nécessaire mais aussi de couverture officielle, de nombreux imprimeurs en permettant d'éditer des tracts, des journaux, des documents clandestins pour la Résistance ont joué un rôle non négligeable.


Auteurs : Jean Sauvageon
Sources : Archives familiales de madame André Gerin. François Eychard et Georges Aillaud, Les Lettres Françaises et Les Étoiles dans la clandestinité. 1942-1944, Le cherche midi, Paris, 2008. Catalogue de la Bibliothèque nationale des périodiques clandestins diffusés en France de 1939 à 1945, Paris, 1954. Dvd-rom La Résistance dans la Drôme-Vercors, éditions AERI-AERD, février 2007. Robert Serre, De la Drôme aux camps de la mort, Éditions Peuple Libre & Notre Temps, Valence, 2006.