Infirmières s’affairant auprès des blessés dans la grotte de la Luire

Légende :

Ces blessés, cachés sous le porche de la grotte de la Luire dans le Vercors, vont être sauvagement abattus et les infirmières déportées.

Genre : Image

Type : Photographie

Producteur : Inconnu

Source : © archives Vincent-Beaume Droits réservés

Détails techniques :

Photographie argentique noir et blanc.

Date document : juillet 1944

Lieu : France - Auvergne-Rhône-Alpes (Rhône-Alpes) - Drôme

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Analyse média

Devant la montée des Allemands sur le Vercors le 21 juillet, l’hôpital de campagne de Saint-Martin-en-Vercors doit se replier vers le sud. Blessés, malades et leurs soignants, 122 personnes, s’embarquent donc dans un car, deux camions et une voiture et tentent de rejoindre Die. Mais les Allemands arrivant par la vallée de la Drôme sont sur le point d’y entrer. Le premier groupe arrivé dans la vallée remonte donc sur le massif et avec les autres encore sur le massif, vont se cacher sous le porche de la grotte de la Luire repérée la veille sur la commune de Saint-Agnan-en-Vercors.

Les jeunes infirmières volontaires se débrouillent comme elles peuvent pour soigner les blessés étendus entre les rochers, avec un matériel sommaire et peu de médicaments, sans éclairage la nuit, soignant aussi bien les quatre Allemands prisonniers que les maquisards français.


Auteurs : Robert Serre 

Contexte historique

Durant la dizaine de jours qui suivent leur arrivée sur le massif du Vercors, les Allemands massacrent, mais ne font guère de prisonniers. On ne relève que trois hommes pris dans cette période et déportés : Henri Combe, 18 ans, ouvrier en chaussures à Romans, est envoyé à Dachau par Dagostini et ses miliciens, Sylvain Martinet, arrêté le 28 à Saint-Jean-en-Royans, mourra dans le camp de Bremen (Farge ?) et Antoine Ensenat, garçon de café à Romans, pris le 31, partira pour Flossenbürg.
Cependant, l’affaire de la grotte de la Luire conduira les sept infirmières sur le chemin de la déportation.

Le 27 juillet, un détachement de la Wehrmacht découvre le refuge. La plupart des occupants vont être abattus. Quelques-uns réussiront à s’évader. Les sept infirmières sont emmenées en camion à la caserne Bonne à Grenoble. Le 3 août, elles partent dans un car à Lyon où elles sont enfermées dans les prisons Montluc et Saint-Joseph. Le 11 août, elles montent dans le train en gare de Perrache. C’est la déportation à Ravensbrück des sept infirmières : Rosine Crémieux ("Bernheim"), 20 ans, Cécile Goldet, 43 ans, France Pinhas, 27 ans, Maud Romana (d’Argence), 24 ans, de Romans, Suzanne Siveton, 21 ans, et Anita Winter ("Wortès"), 26 ans, née à Madrid, reviendront en vie. Odette Malossanne, surnommée "Etty", qui avait 25 ans le jour de son arrestation à la Luire, mourra en déportation. Sa tombe est à Beaumont-lès-Valence.
Rosine Crémieux est juive, ce sont les morts d’un oncle et de deux cousins dans les deux guerres pour la défense du pays qui ont déterminé son engagement dans la Résistance. Ses ascendants alsaciens avaient déjà émigré en 1870 en Normandie pour rester français, ils fuient la menace des occupants nazis en venant se cacher chez des paysans du Vercors tandis que Rosine travaille à Lyon où elle suit des cours de secourisme qui lui permettent de rentrer au Service de santé du Vercors. Cécile Goldet, Odette Malossane, Maud Romana et Anita Winter sont protestantes.
Le 11 août 1944, Lyon est sous les bombes, la libération de la ville est proche. Mais à Montluc, un transport se prépare. Au matin, une gardienne arrive avec sa liste, ouvre la porte des cellules et crie les noms des désignées, dont six des sept infirmières, France Pinhas étant retenue pour le convoi suivant. Ce transport – le train n° 14 166, composé de 9 wagons de troisième classe, en compartiments de huit places – part de Lyon-Perrache le jour même. Il ne contient que des détenus de Montluc, résistants arrêtés dans la région, surtout le Rhône, l’Isère et la Drôme (12 %), hommes et femmes, juifs (dans les wagons de tête) et non juifs, entassés séparément dans les wagons. Chaque wagon est gardé à ses deux extrémités par un soldat. Les fenêtres sont fermées avec du fil de fer, les rideaux baissés.
Il était prévu de faire passer ce train par Paris, mais l’avance des armées alliées ne le permet plus. Il passera, mais difficilement puisqu’il lui faut une semaine pour atteindre la frontière, par Mâcon, Chalon-sur-Saône, où les déportés qui, depuis leur compartiment, ne peuvent rien deviner à cause des stores baissés, reçoivent de la Croix-Rouge un peu de ravitaillement, un demi-tour à Is-sur-Tille au nord de Dijon où le pont a sauté, deux jours sur une voie de garage à Vittel où, après quatre jours sans manger, les déportés reçoivent de la soupe grâce à la présidente de la Croix-Rouge et un restaurateur charitable qui apporte une brassée de nouvelles : les Alliés approchent de Paris, le débarquement en Provence a réussi, mais, surtout, le maquis s'apprête à délivrer les prisonniers. Espoir fou qui ne se réalisera pas !
Le train, bien qu’obligé à de nombreux arrêts pour réparations de voies sabotées par les maquis, avance toujours : Épinal, Belfort, Strasbourg. Les infirmières de la grotte de la Luire ne passent pas inaperçues dans ce train et Béatrix de Toulouse-Lautrec, dans le wagon voisin, les entend chanter : « Du compartiment voisin du nôtre, s’envolent des chansons scoutes, des vieux airs français, chantés à plusieurs voix. C’est très joli. Ce sont les infirmières du Vercors : elles sont huit. […] De tout le wagon, ce sont les plus sympathiques, les plus jeunes et les plus gaies. Elles ont été en prison à Grenoble et transférées à Montluc, il y a peu de jours. Elles nous content de merveilleuses histoires sur leur vie au Vercors. […] Toutes ces filles sont gaies, prennent les choses du bon côté, décidées à ne se laisser abattre par rien. Elles chantent… »

En Alsace-Moselle devenues allemandes, le train est coupé : les wagons contenant environ 350 Juifs, hommes, femmes, enfants, sont accrochés à un train en partance pour Auschwitz. 222 hommes non juifs descendent en gare de Rothau et gagnent, avec huit kilomètres de marche, le camp de Natzweiler-Struthof. Il reste 64 femmes. Après avoir longtemps cherché la bonne voie, le train finit par franchir la frontière le 18 août au pont de Kehl. « Je crois que les infirmières du Vercors ont entonné La Marseillaise et Ce n’est qu’un au revoir, avant de quitter le sol de France », écrit Béatrix de Toulouse-Lautrec. Elles sont emmenées jusqu’à Berlin, puis au KL de Ravensbrück où elles parviennent enfin le 22 août au terme de onze journées d’un voyage épouvantable au cours duquel déjà de nombreuses prisonnières sont mortes.
Après quatre heures d’attente en rangs par cinq sous le soleil, nos six infirmières, plus d’autres Drômoises, Marie-Louise Dragol-Bordet, également prise dans le Vercors, Jeanne Béraud, Marie-Louise François et sa fille Secondine, Lucienne Gilles, Juliette Granier, Germaine Lieutaud, marchent de la gare de Fürstenberg au camp. Elles sont immatriculées après leurs compagnes, dont France Pinhas, parties dans le convoi suivant mais arrivées avant.

Au hasard des multiples ouvrages évoquant ces infirmières, nous retiendrons quelques annotations reflétant les conditions de survie à Ravensbrück ou dans les kommandos où elles sont envoyées au travail.
Odette Malossane n’avait pas vocation à niveler le terrain d’aviation du Petit Kœnigsberg avec quelques-unes de ses camarades : « Notre travail – un travail qu’il faut avoir fait pour sentir combien il était au-dessus de nos forces de femmes et de jeunes filles – a été de construire une piste-aérodrome en pleine forêt. Nous avons déraciné les arbres et pioché dans le sable, devenu du roc glacé par - 30°. Au début nos forces nous ont permis de fournir jusqu’à dix-huit et dix-neuf wagons de sable. Peu à peu notre travail, même accéléré par quelques coups de bâton, n’a plus donné de rendement. À la fin, nous pouvions à peine érafler le roc glacé... » Travail inutile souvent, qui démoralise d’autant plus les détenues qu’elles sont conscientes de cette stupidité volontaire. Rosine Crémieux, en mars 1945, doit creuser un fossé destiné à être… rebouché. Mais, qu’importe, puisqu’il s’agit aussi de faire mourir.
La nourriture, à midi et le soir, se réduit à un litre de soupe maigre où flottent quelques légumes (rutabagas, betteraves, choux, courges, orties, parfois des pommes de terre…) ou quelques grains de céréales. À laper comme un chien car on a rarement une cuillère. « Une vague soupe de rutabagas qu’on nous servait sur le lieu du travail même, sous le gel, la neige et la pluie ». Manger était évidemment la première condition de survie.
Le froid faisait partie de la procédure d’élimination et avait été un des critères de détermination des emplacements de camps au nord de l’Allemagne ou sur les versants alpins. Des températures inférieures à – 20° sont souvent citées dans les témoignages. Les déportés n’ont alors même plus la force de remuer pour lutter contre le froid qui les envahit. Aucun de ceux qui sont revenus n’a oublié les appels prolongés dans un vent glacial, les courants d’air dans les tunnels, le travail avec les doigts gourds, la manipulation d’objets métalliques collants sous l’effet du gel, les déblaiements de neige sur les voies ferrées, aussitôt à recommencer tant la bourrasque était violente, les vêtements très minces n’assurant aucune protection efficace contre le froid, le dortoir où l’on ne peut dormir, avec une seule couverture généralement déchirée, et les fenêtres ouvertes … par hygiène. « Réveil à 3 heures, appel jusqu'à 6 heures, ensuite travail toute la journée, par tous les temps, avec une simple robe, par -30° », disait Odette Malossane.
La toilette est quasiment impossible. Tout juste peut-on se nettoyer avec un peu d’eau, du moins en principe, car plusieurs camps ont un approvisionnement très insuffisant. Comment pourrait-il y avoir suffisamment d’eau avec quatre fois plus de personnes que prévu ? Odette Malossane l’a vécu à Ravensbrück : « Quand nous rentrions le soir, nous n’avions pas d’eau pour nous débarbouiller la plupart du temps, pas de lumière, et nous couchions dans nos vêtements trempés... ». Périodiquement interviennent des sélections pour la chambre à gaz. Cécile Goldet a tenté ce qu’elle pouvait pour faire échapper ses compagnes à la mort : « J’ai essayé de cacher un grand nombre de femmes en les faisant sauter par la fenêtre, en changeant leur numéro, en les cachant sous des paillasses et en faussant leurs feuilles de température ».
Résister dans un camp de concentration est évidement bien difficile. Se laver pour garder un peu de dignité, se montrer solidaire, partager un morceau de pain, soutenir moralement une camarade sont des actes de Résistance. L’encouragement moral était d’une grande importance. Odette Malossane est un exemple pour ses compagnes et n’hésite pas à en appeler à leur patriotisme, disant à ses compagnes : « Si nous ne revenons pas, nous serons mortes pour que la France vive, et nous ne serons pas complètement disparues, puisqu’il restera le grand idéal pour lequel nous sommes tombées. On ne devra pas nous pleurer, mais surtout réaliser le but qui nous a amenées là. »
Saboter l’appareil de production allemand est un palier supplémentaire, mais très dangereux : punie pour avoir refusé de travailler, Rosine Crémieux est expédiée en octobre 1944 au kommando d’Abteroda, où elle retrouve des conditions de vie précaires dans une usine BMW de moteurs d’aviation « j’étais tourneuse-fraiseuse de têtes de bielle, initiée par un travailleur français. Très vite j’appris, comme beaucoup de mes compagnes, à légèrement fausser les pièces… » Ses sabotages lui valent d’être envoyée en mars 1945 à Markkleeberg, un camp de représailles.
Les soins : Nous avons la chance de posséder le témoignage de Cécile Goldet qui subit d’abord un véritable interrogatoire par une femme SS, l’infirmière en chef du Revier (baraquement destiné aux prisonniers malades), Elisabeth Marschall, membre du parti nazi, une énorme femme, taillée comme un gendarme, grasse et lourde, accompagnée du médecin SS Percy Treite : « Je n’aime pas les Françaises, dit-il. Elles sont sales, paresseuses, menteuses. Ce peuple est dégénéré, ne sait pas travailler. […] si vous ne marchez pas droit vous le payerez cher ». Cécile commence son service au block de chirurgie. « C’est le royaume du pus. Nous sommes trois infirmières pour cent cinquante malades. Elles sont deux par paillasse, souffrantes, gémissantes. Vision d’horreur... Toutes ces plaies suppurent, les pansements en papier ne tiennent pas, et le pus coule partout... sur les couvertures, sur les voisines ». Cécile doit tricher, changer les bandages en cachette, car l’infirmière SS Élisabeth a rappelé les ordres : « Il est formellement interdit de faire les pansements plus de deux fois par semaine, dans quelque état que soit la malade». « La plupart de mes malades ont les membres gelés, continue Cécile Goldet. Les Juives hongroises […] revenues en partie à pied de Francfort […] sont épuisées et gémissent beaucoup. [Certaines ont] les deux pieds noirs jusqu’aux chevilles. […] Nombreuses sont celles dont les moignons suppurent après l’opération. Elles souffrent atrocement jusqu’à la mort » Les pansements sont « faits en série, à l’appel du numéro, sans contrôle préliminaire, sur des êtres qui mourront une heure après ».

Pour aider les malades qui ont une petite chance de survivre, Cécile Goldet doit absolument trouver de la nourriture par des trocs, en récupérant la ration des mourantes, en resquillant pendant la distribution. Elle soigne la nuit celles qui n’ont pas été admises au Revier, en badigeonnant clandestinement des gorges douloureuses à travers la fenêtre.
Cécile passe ensuite au service des infectieux, dans la partie consacrée à la scarlatine : « Un long corridor de un mètre soixante-dix de large. Des grabats par terre et des femmes couchées comme des sardines dans une boîte, serrées les unes contre les autres, toutes de côté sur une hanche, dans l’impossibilité totale de bouger. Les soins sont réduits au minimum : quelques cachets distribués sans discernement par le docteur qui répugne à entrer parmi les malades et donne au hasard des demandes.... réduit immonde, jamais nettoyé, où mangent, dorment, souffrent toutes ces scarlatineuses,. Je dois également soigner les diphtériques. Chambre carrée de quatre mètres sur quatre. Les châlits sont à deux étages, comme toujours, et deux malades par paillasse. La chambre doit être fermée à clef et dans le noir toute la nuit. Celles qui étouffent et râlent empêchent les autres de dormir. Celles qui meurent tombent de leur lit, font des efforts pour atteindre la fenêtre, espérant y trouver l’air qu’elles cherchent en vain, et butent en mourant sur le lit de leurs camarades. Telles je les trouve le matin, mortes en travers de la pièce ».
Résumant ses souvenirs des expériences de stérilisation qu’elle a été obligée de suivre, Cécile Goldet écrit encore : « On stérilisait surtout les tziganes et les juives, mais aussi parfois les prisonnières allemandes prises en délit d’avoir eu des rapports avec des ouvriers étrangers. On m’a amené dans mon service des femmes et même des enfants à ventre ouvert qui ont été laissés après l’opération sans être recousus ». Et Cécile Goldet évoque un souvenir douloureux : « Ce matin, j’ai une fillette de douze ans dont le ventre, largement ouvert, n’a pas été recousu. Elle a subi une stérilisation. Cette malheureuse gosse sert d’expérience à son bourreau, le docteur Treite, qui surveille, par la plaie béante, les suites de son opération. C’est la porte ouverte à la paille, aux poux, à toute la saleté qui habite sa paillasse, car le pus a tôt fait de réduire en bouillie son pansement de papier ».

Les témoignages de ses compagnes nous permettent de reconstituer la mort d’Odette Malossane, l’infirmière de Saint-Jean-en-Royans. "Etty" et cinq cents prisonnières doivent travailler à Torgau dans une poudrière souterraine. Ces femmes refusent de tourner des obus et les remplir de poudre, des obus qui seront envoyés sur les amis qu’elles ont quittés. Elles disent aux Allemands qu’elles ne feront que des travaux en-dehors des productions de guerre. Tenant tête à ses bourreaux, "Etty" est envoyée en Poméranie, au Petit-Koenisberg, kommando disciplinaire des femmes, « entassées dans une sorte de salle des fêtes où elles mourraient les unes après les autres ». En janvier 1945, le bruit du canon annonce l’arrivée prochaine des libérateurs russes. Le 2 février, les avions bombardent le camp, les Russes ne sont pas loin. Les SS ordonnent aux femmes de prendre la route de Ravensbrück. « Et nous les avons toutes vues partir, en rangs, cinq par cinq, courbant la tête sous les rafales de neige, toutes, toutes. Yvonne […], Nanouk […], "Etty" rescapée de la grotte de la Luire au Vercors… Elles sont parties à pied, derrière les camions des SS. Nanouk n’est pas allée bien loin, nous avons retrouvé son corps à l’entrée du camp, deux balles dans la tête… Les autres… mortes ou abattues sur la route, et, pour celles qui ont tenu jusqu’à Ravensbrück, la longue agonie sous la tente ». "Etty", parmi celles-ci, véritable loque humaine, dit à ses camarades : « Cette fois c’est fini. Je n’en peux plus ». « À leur arrivée dans ce lieu maudit […] elles furent entassées sous une tente installée au camp. Sans lits, sans couvertures bien sûr... Sa bonne camarade [il s’agit de Cécile Goldet], parvint à approcher la tente, non sans mal certainement, et reconnut "Etty". Elle n’était plus "Etty" du mois de septembre, avec de belles couleurs, mais "Etty", comme nous toutes, transformée en squelette. Nous n’avions plus que les os et la peau. Chacune pesait environ 30 kilos... Cette camarade parvint à lui faire passer un peu de linge blanc (chemise, culotte). Ceci parut si merveilleux à "Etty" qu’elle pleura. Il faut dire qu’à Kœnigsberg nous vivions dans un état de saleté impossible à décrire. De là, cette camarade fit rentrer" Etty" à l’infirmerie... Mais sortant de la tente, et venant de Kœnigsberg, donc considérée comme un personnage dangereux, elle fut expulsée... Deux ou trois jours plus tard, "Ett"y est morte sous la tente... »

L’écrasement des nazis est inéluctable, la fin approche. Avec l’avancée des Soviétiques, les nazis décident l’évacuation des camps vers le centre de l’Allemagne. À pied le plus souvent, dans des « marches de la mort ». « Nous avions faim, il faisait très froid, nous marchions jour et nuit ». Certaines réussissent à s’échapper, dont trois infirmières de la Luire, Rosine Crémieux, Maud Romana et Suzanne Siveton. Rosine Crémieux, qui a pu s’échapper en profitant de la pénombre et des mitraillages, erre en Allemagne orientale dévastée par la guerre, avant d’être secourue et cachée par un Allemand ancien membre des Jeunesses communistes qui avait connu les camps au début du nazisme. Puis elle part vers l’ouest et les Américains, «parcourant une centaine de kilomètres à pied ». D’autres, bien rares, ont de la chance : Himmler, au terme de négociations avec la Croix-Rouge suédoise, accepte d’échanger 500 femmes allemandes contre 300 déportées françaises qui seront emmenées en France par les soins de la Suisse. Trois départs de Françaises se succèdent. Parmi ces « chanceuses », se trouvent les Drômoises Cécile Goldet et Yvonne Oddon. Le 14 avril, leur convoi arrive à Paris.


Auteurs : Robert Serre
Sources : AD Rhône, 3808 W 313, 3808 W 323, 3808 W 328. ADD 132 J 59. Rosine Crémieux, la Traîne sauvage, souvenirs, Flammarion, 1999. Cécile Goldet, Lest we forget, plaquette publiée en Amérique en 1948. Béatrix de Toulouse-Lautrec Ravensbrück, Les cahiers du Rhône, n° 65, décembre 1946, éd. La Baconnière, Neuchâtel, 1945. Collectif, Le Vercors raconté par ceux qui l’ont vécu. La Picirella, Témoignages. Escolan et Ratel, Guide-mémorial du Vercors résistant. Colonel Richard Marillier, Vercors, 1943-1944, Le malentendu permanent, éditions de l’Armançon, 2003. Pour l’amour de la France. Gilles Vergnon, Ida Guillet-Malossane, Dis-moi, Mamie, Mémoires d’une grand-mère du Royans-Vercors, éditions à Die/MPT Saint-Jean-en-Royans, 1993. Pons, Ladet. Tragédie de la Déportation, 1940-1945, Témoignages de survivants des camps de concentration allemands, choisis et présentés par Olga Wormser et Henri Michel, Hachette, 1955. Documents pour servir à l’histoire de la guerre, Camps de concentration, service d’information des crimes de guerre, Office français d’édition, Paris 1946. Robert Serre, De la Drôme aux camps de la mort, les déportés politiques, résistants, otages, nés, résidant ou arrêtés dans la Drôme, éd. Peuple Libre / Notre Temps, avril 2006.