Témoignages sur le rôle de Paul Eluard dans la Résistance

Légende :

Emission "Ce jour là j'en temoigne : Chronique du temps de l'ombre 1940 1944", 25 août 1976

Genre : Film

Type : Témoignages

Producteur : Antenne 2

Source : © Institut national de l’audiovisuel Droits réservés

Détails techniques :

Durée : 03min 11s

Date document : 25 août 1976

Lieu : France

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Analyse média

 - VERCORS, écrivain et résistant raconte son amitié avec ELUARD et la parution du recueil "L'honneur des poètes", puis la rencontre avec Aragon et Elsa Triolet
- Madeleine BRAUN, secrétaire du Front National clandestin, parle des revues littéraires de la résistance
- Claude MORGAN, écrivain, évoque la parution de la revue "Les Lettres françaises" et son envol grâce à la collaboration d'Eluard.
- Madeleine BRAUN raconte comment le poème "Liberté" de Paul ELUARD a pu paraître officiellement dans la revue de Max Pol FOUCHET avant qu'elle ne devienne clandestine : le censeur de Vichy ne l'ayant pas lu jusqu'à la fin, a pensé qu'il s'agissait d'un poème d'amour. Le poème étant paru sous le titre "Une seule pensée" et pas encore sous son titre actuel "Liberté".


INA

Contexte historique

Né en  1895 à Saint-Denis d'un père comptable, puis agent immobilier, et d'une mère couturière, Paul Éluard a grandi en banlieue parisienne. Ayant interrompu ses études à l'âge de seize ans pour des raisons de santé, il s'oriente vers la littérature. Engagé au front pendant la Guerre de 14-18, il rejoint, à l'issue du conflit, l'équipe de la revue Littérature, qui s'ouvre aux avant-gardes, en particulier à Dada. Il suivra Breton et Aragon dans l'aventure surréaliste à partir de 1924. Il commence à publier des recueils de poèmes : Capitale de la douleur en 1926, L'Amour, la poésie en 1929, L'Immaculée conception en 1930, La Vie immédiate en 1932. Le premier des surréalistes à adhérer au PCF dès 1926, il est suivi par plusieurs de ses amis, avant d'en être exclu en 1933. Cependant, au printemps 1936, Éluard rompt avec Breton. Réservé sur l'attitude distante des surréalistes face au Front populaire, de plus en plus attiré par le réalisme et le communisme, il ne signe pas la déclaration du 3 septembre, "Camarades, plus de lumière !", qui dénonce les premiers procès de Moscou. A la faveur de la solidarité contre le franquisme, il accepte, sur la demande d'Aragon, de publier dans L'Humanité du 17 décembre le poème "Novembre 1936". La parution de "Les vainqueurs d'hier périront" dans Commune, la revue de l'Association des écrivains et artistes révolutionnaires (AEAR), en mai 1938, suivie du tribunal d'exclusion organisé par Breton, consomment la rupture définitive. La Nouvelle revue française l'accueille alors à bras ouverts. La parution, en 1939, de Chanson complète et de Donner à voir aux éditions Gallimard marquent l'accession d'Éluard à la consécration.

En février 1941 paraît un poème de lui dans la NRF, avec une dédicace à Jean Paulhan, l'ancien directeur de la revue, reprise après la défaite par Drieu La Rochelle qui lui a donné une orientation nettement pro-collaborationniste. Isolé, Éluard accepte en 1941, non sans une certaine défiance, de patronner le groupe des jeunes néo-surréalistes de La Main à la Plume, où paraît en octobre 1942, avec un achevé d'imprimer du 3 avril, son recueil Poésie et Vérité 1942, qui s'ouvre sur le poème "Liberté". Cette pratique qui consiste à antidater les livres permet à de petits éditeurs de contourner les nouvelles dispositions de la censure qui exige, depuis avril 1942, un numéro d'autorisation sur chaque publication. Mais Eluard ne tarde pas à être sollicité par d'autres entreprises semi-légales, comme la revue Messages qu'anime Jean Lescure, et clandestines, comme les Éditions de Minuit et Les Lettres françaises. Avec Jean Lescure, il se lance dans la préparation de la cinquième livraison de Messages, qui entend rassembler, sous le titre Domaine français, des textes d'écrivains de l'opposition, et qui verra le jour en décembre 1943 aux Editions des Trois Collines à Genève. Aux Éditions de Minuit, dont il devient un des responsables éditoriaux, il prépare une anthologie de poésie qui paraît le 14 juillet 1943 sous le titre L'Honneur des poètes. Dans sa préface, Éluard définit le rôle de la poésie dans la Résistance : "Une fois de plus, la poésie mise au défi se regroupe, retrouve un sens précis à sa violence latente, crie, accuse, espère". Entre-temps, Éluard a réadhéré au parti communiste. Non sans réticence : il a posé comme condition de conserver sa liberté de création. A Claude Morgan qui lui demande de collaborer aux Lettres françaises, il conseille d'accroître le caractère littéraire du journal clandestin. Son poème intitulé "Courage" paraît à la une du numéro 5 des Lettres françaises, daté de janvier-février 1943. Au mois d'avril, lors d'un bref passage d'Aragon et Elsa Triolet à Paris pour coordonner les comités d'écrivains clandestins des deux zones, les vieux amis se retrouvent. Éluard donne à Aragon ses Sept poèmes d'amour en guerre qui paraissent à La Bibliothèque française. Son nouvel engagement conduit à sa rupture, le 2 mai 1943, avec le groupe de la Main à Plume qui, après une tentative de rapprochement avec la revue Messages, vient de publier contre celle-ci un tract intitulé "Nom de Dieu !", et où "Messages" est devenu "Messe à tous les âges". La présence d'Eluard à Messages n'est pas pour rien dans une brouille autant motivée par la rivalité que par des raisons politiques. En juin 1944, Éluard fonde L'Éternelle Revue, cahiers clandestins de poésie, qu'il fera reparaître au grand jour après la Libération. Devenu, comme Aragon, un "poète national", Éluard reste fidèle à son engagement au PCF même dans les moments difficiles de la Guerre froide. Il seconde Aragon au Comité national des écrivains jusqu'à sa mort prématurée d'une angine de poitrine en novembre 1952.


Gisèle Sapiro in DVD-ROM La Résistance en Ile-de-France, AERI, 2004

Bibliographie :
Paul Éluard, Poésie et Vérité 1942, La Main à Plume, 1942.
(Paul Éluard), "Préface", L'Honneur des poètes, Editions de Minuit, 14 juillet 1943.
Jean du Haut (Paul Eluard), Sept poèmes d'amour en guerre, La Bibliothèque française (1943).
Paul Éluard, Au Rendez-vous allemand, Paris, Minuit, 1944.
Paul Éluard, Au Rendez-vous allemand, suivi de Poésie et Vérité 1942, Paris, Minuit, 1945, rééd. 1992.
Paul Éluard, Oeuvres Complètes, vol. I Paris, Gallimard, coll. "Bibliothèque de la Pléiade" 1968, rééd. 1990.
Paul Éluard, Lettres à Gala 1924-1948, Paris, Gallimard, 1984.
Michel Fauré, Histoire du surréalisme sous 1'Occupation, Paris, La Table Ronde, 1982, rééd. 2003. Jean-Charles Gateau, Paul Éluard ou Le frère voyant  1895-1952, Paris, Robert Laffont, 1988.
Jean Lescure, Poésie et liberté. Histoire de Messages, Paris, IMEC, 1998.
Lucien Scheler, La Grande espérance des poètes, 1940-1945, Paris, Temps Actuels, 1982.
Anne Simonin, Les Éditions de Minuit. Le devoir d'insoumission (1942-1955), Paris, IMEC, 1994.