L'Art Français, n°3, novembre 1942

Légende :

Organe des comités de peintres, sculpteurs, graveurs du Front national de lutte pour l'indépendance de la France.

Genre : Image

Type : presse clandestine

Source : © gallica.bnf.fr / Bibliothèque nationale de France Libre de droits

Détails techniques :

Journal ronéotypé

Date document : Novembre 1942

Lieu : France - Ile-de-France

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Analyse média

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Contexte historique

Le Parti communiste français confia le combat artistique au Front national des arts dont la consigne était de s'enrôler et d'enrôler le plus de gens fiables possible dans les Francs-Tireurs et Partisans, de créer des comités dans chaque immeuble ou cités d'ateliers, de lutter contre les déportations, de trouver des papiers et des cachettes. Côté artistique, il s'agissait de multiplier les messages résistants à l'aide d'outils spécifiques à la création.
André Fougeron surtout le conduisait. Venu des milieux anarcho-syndicalistes de l'avant-guerre, il avait adhéré au Parti communiste français lors de son interdiction, en 1939. Il transforma son atelier à Montmartre en imprimerie clandestine, où il dessinait les titres de publications résistantes que ses amis fabriquaient à ses côtés : L'Art français, L'Université libre, Les Lettres françaises et Le Palais libre. Il regroupa les artistes qu'il avait connus, généralement entre le Front populaire et la guerre, à la Maison de la culture de la rue de Navarin et de la rue d'Anjou : les peintres Pignon, Edouard Goerg, Desnoyer, Montagnac ou Walch. En 1942, l'agent qui assurait la liaison de l'atelier de Montmartre fut arrêté, entraînant le déménagement du matériel vers un nouvel atelier moins exposé, dans un quartier où les peintres officiels avaient élu domicile dans le passé. C'est le peintre décorateur Paul Goyard qui louait en son nom un local dans le XVIIe arrondissement jusqu'à ce qu'il fût découvert et envoyé au camp de Buchenwald. Vieux compagnon de route du Parti communiste français, il avait renoué avec son activisme de 1936, lorsque son atelier de Saint-Denis servait à confectionner des panneaux et les banderoles des manifestations de rue, ou les décors dessinés par Fernand Léger pour le spectacle dramatique de Jean-Richard Bloch : Naissance d'une cité. Chez lui, le petit périodique L'Art français, ("Organe des comités de peintres, sculpteurs, graveurs du Front national de lutte pour l'indépendance de la France"), créé en 1941 et animé par Joseph Billiet, Desnoyer, Goerg, Fougeron, Montagnac, Walch, dans la clandestinité, continuait à exprimer des positions résistantes contre la politique nazie et vichyssoise.

Les images explicitement de la Résistance demeurent rares et elles utilisent les armes de l'adversaire. Si les occupants détournèrent les premiers V de la victoires apparus sur les murs de Paris, les résistants faisaient courir les lettres de Laval le long du trait de la svastika ou se servaient du slogan "Vive la relève" pour dessiner le visage de Hitler.

Le Front national des arts fut à l'origine en 1944, d'un album collectif davantage préparé. L'album de lithographies Vaincre, tiré à la presse à bras par Marcel Mannequin, à 300 exemplaires numérotés, contenait des lithographies vendues au profit des FTP :  douze planches répondaient en fait clairement à la propagande antinazie et antivichyste.

André Fougeron réunissait les œuvres de huit artistes dont Taslitzky, alors en déportation à Buchenwald, Aujame, Berthommé-Saint-André, Fougeron, Goerg, Ladureau, Montagnac et Pignon. Maurice Denis (mort entre temps), Amblard (retenu par la Mission des arts et traditions populaires en Auvergne), Desnoyer (à Montauban), Marquet (à Alger), Gromaire (à Aubusson), Lurçat (à Saint-Céré), également prêts à participer à un tel album, ne purent remettre leurs oeuvres en raison des circonstances.

Le style de chacun demeurait fidèle à ce qu'il était avant la guerre même si les thèmes étaient violemment exprimés, jusqu'à la caricature. Avec l'assurance que l'album serait vendu dans la clandestinité, les messages étaient explicites, à travers les scènes de torture allemande, Laval en "Bougnaparte", Pétain en officier nazi, les camps, les cachots, les déformations de l'expression, les étirements des corps, l'importance du texte et de la symbolique. L'ensemble devait être préfacé par Paul Eluard venu voir avec Pierre Villon, responsable du Front national, les planches de l'album, mais l'agent de liaison Annie Hervé à laquelle il avait confié sa copie, fut arrêtée et dut la détruire en l'avalant. Le plus gros du travail étant pourtant accompli, la distribution commença à près de quatre mois avant la Libération. Après avoir participé activement à l'épisode de l'épuration, le Front national des arts était dissous en 1946, remplacé par l'Union des arts plastiques rattachée à l'Union nationale des Intellectuels.


Laurence Bertrand Dorléac in DVD-ROM La Résistance en Ile-de-France, AERI, 2004

Sources :
IMEC, Archives André Fougeron.