Charles Boyer

Légende :

Charles Boyer, César, membre du réseau Brutus, sans date

Genre : Image

Type : Photographie

Source : © ANACR de Marseille Droits réservés

Détails techniques :

Photographie analogique en noir et blanc. Voir aussi l'album photo lié.

Date document : Sans date

Lieu : France - Provence-Alpes-Côte-d'Azur - Var - Signes

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Contexte historique

Charles César Albert Boyer naquit le 21 octobre 1884 à Aix-en-Provence (Bouches-du-Rhône), d’un père procureur de la République et d’une mère sans profession. Licencié ès Lettres, docteur en droit, avocat, franc-maçon, Charles Boyer fut chef de cabinet dans plusieurs préfectures. Radical-socialiste, il fut également élu en 1913 conseiller général du canton d’Aups, dans le Var. Il s’engagea volontairement au début de la Première Guerre mondiale, puis fut promu, en avril 1917, rédacteur des services civils chérifiens. Les responsabilités qu’il exerça au Maroc, sous Lyautey, avant et après-guerre, l’amenèrent à diriger l’Office marocain de Marseille. Du fait de son action efficace en ce domaine, il fut nommé, sur proposition du ministre des Colonies, chevalier de la Légion d’honneur, dans la promotion de l’exposition coloniale de 1931. Le 31 octobre 1932, il épousa à Marseille Marguerite Lucienne Marie Meiffren. Le couple dut se partager entre Aups et la cité phocéenne, où Charles Boyer gérait un magasin d’objets traditionnels marocains, rue-de-la-Palud, et où il avait élu domicile au 2 boulevard-Georges-Clemenceau. Il présida également les Amitiés africaines qui venaient en aide aux combattants du Maghreb.

Lié à Lucien Barthélémy, vice-président avant-guerre du Parti radical socialiste dans le département, Charles Boyer participa, comme lui, au réseau Brutus, qui recrutait principalement dans les rangs socialistes. Celui-ci était animé par un autre avocat avec lequel il n’avait pas de lien de parenté, André Boyer, et Gaston Defferre. Charles Boyer utilisa son deuxième prénom, César, comme pseudonyme et la boutique de la rue-de-la-Palud servit de boîte aux lettres.

Charles Boyer y fut arrêté le matin du 11 juillet 1944 par les hommes du SIPO-SD (la Gestapo) de Marseille, qui avaient été informés par les services allemands de Lyon. Le magasin fut transformé en souricière et plusieurs résistants furent pris au piège. Le domicile de Charles Boyer, boulevard-Georges-Clemenceau, fit l’objet d’une perquisition et son épouse fut également arrêtée. Tous deux furent conduits au siège de la Gestapo, 425 rue-Paradis. Charles Boyer fut interrogé très durement puisque les services du SIPO-SD ne purent « l’utiliser » le lendemain pour la souricière établie dans son magasin. Il fut ensuite transféré aux Baumettes.

Charles Boyer apparaît sous le numéro 1 en tête de la liste dressée dans le rapport « Antoine » par Ernst Dunker-Delage, homme clé de la section IV du SIPO-SD. Ce rapport fait le bilan des arrestations qui conduisirent aux exécutions de Signes. Madame Boyer, qui figure sous le numéro 2 du même rapport, aurait dactylographié depuis plusieurs mois des rapports politiques pour le Mouvement de Libération nationale (MLN). Interrogée par Dunker-Delage, elle ne donna aucune indication sur la Résistance. Dans le registre de saisies de la police de sécurité allemande (SD) – où les dates mentionnées ne correspondent pas aux dates d’entrée - Charles Boyer figure page 124 sous le numéro 905, à la date du 10 août 1944. Il était en possession de 10 451,50 francs qui furent saisis.

Madame Boyer fut remise aux autorités françaises. Son mari, dont le rapport « Antoine » indique : « A été condamné à mort le 12/7/1944 par notre tribunal militaire et fusillé », fut exécuté à Signes le 18 juillet et enterré, de manière sommaire, avec 28 autres victimes dans la « première fosse ». Sa dépouille, transportée le 17 septembre à la morgue du cimetière Saint-Pierre à Marseille (cercueil 725), fut parmi les 32 premières identifiées. Le médecin légiste constata que des projectiles, pénétrant au niveau du maxillaire supérieur, avaient provoqué l’éclatement de l’occipital. Un autre projectile avait pénétré à la base de l’abdomen et était ressorti par le dos.

Après les obsèques nationales célébrées pour l’ensemble des martyrs de Signes au cimetière Saint-Pierre le 21 septembre 1944, Charles Boyer fut inhumé à Aups, dans le Var. Charles Boyer a été reconnu Mort pour la France. Son nom a été donné à une allée d'Aups et figure sur le monument aux morts de cette ville. 


Auteur : Robert Mencherini

Sources :  Actes de décès et naissance ; archives nationales 72 AJ 104, AIII, le Kommandeur de la SIPO et du SD de Marseille, « Rapport final sur l’identification d’un groupe de Résistance de Marseille par le Kommandeur de Lyon dans l’affaire “industriel”. L’affaire Antoine », Marseille, 11 août 1944 ; DAVCC Caen, dossier de Mort pour la France, André Boyer, 21P 429 819 ; DAVCC Caen, 27 P 244, « Bouches-du-Rhône, charnier de Signes, Procès-verbaux d’enquête, exhumations » ; DAVCC Caen, 27 P 45, registre de saisies de la police de sécurité (SD), Marseille, commencé le 14 juin 1943 (avec jour d’inscription : Tag der Eintragung) ; archives départementales des Bouches-du-Rhône, 58 W 20, Interrogatoire de Dunker par le principal chef de la BST, à propos du rapport Antoine, 9 juillet 1945 ; Journal officiel de la République française, 5 juin 1917, 22 octobre 1932 ; presse quotidienne régionale, septembre 1944 ; Vérité, organe du mouvement de libération nationale, 1944-1945, en particulier, les numéros 1 et 42 ;  Jean-Marc Binot et Bernard Boyer, Nom de code : Brutus. Histoire d’un réseau de la France Libre, Paris, Fayard, 2007 ; Madeleine Baudoin, Témoins de la Résistance en R2, intérêt du témoignage en histoire contemporaine, thèse de doctorat d’État, Université de Provence, 1977 ; Madeleine Baudoin, Histoire des groupes francs (MUR) des Bouches-du-Rhône, de septembre 1943 à la Libération, Paris, PUF, 1962 ; Simone et Jean-Paul Chiny, La Résistance et l’occupation nazie à Marseille, Marseille, comité de l’ANACR, 2014, p. 297 ; Jean-Marie Guillon, notice in Maitron-en-ligne ; Robert Mencherini, Midi rouge, Ombres et lumières. Histoire politique et sociale de Marseille et des Bouches-du-Rhône, 1930 - 1950, tome 3, Résistance et Occupation, 1940-1944, pp. 161 et 487, tome 4, La Libération et les années tricolores, Paris, Syllepse, 2014, pp. 58-60.