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Le Comité départemental de Libération (CDL) des Bouches-du-Rhône

Légende :

Article intitulé « Le Comité départemental de Libération (CDL) des Bouches-du-Rhône : son organisation, son rôle, ses buts sont présentés et définis par Max Juvénal », Le Provençal, 13 octobre 1944

Genre : Image

Type : Article de presse

Source : © Archives Départementales des B-d-R - 9 W Droits réservés

Détails techniques :

Document imprimé sur papier journal.

Date document : 13 octobre 1944

Lieu : France - Provence-Alpes-Côte-d'Azur - Bouches-du-Rhône - Marseille

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Analyse média

Ce texte figure, en encadré, en bas de la une du quotidien Le Provençal du vendredi 13 octobre 1944. Il résume l’allocation faite la veille, à la radiodiffusion de Marseille, par le président du CDL des Bouches-du-Rhône. Au cours de celle-ci, Max Juvénal revient rapidement sur le rôle essentiel joué par le CDL au moment de l’insurrection. Mais son but est d’expliquer les nouveautés intervenues depuis la Libération, puis de présenter l’instance qu’il préside. Il s’attache d’abord à sa composition : la nouvelle instance regroupe des organisations et courants politiques (Parti communiste, Parti socialiste, « groupe Marin », du nom de Louis Marin, homme politique de droite, député de Lorraine, très hostile à l’Allemagne, plusieurs fois ministre, dirigeant de la Fédération républicaine, « les « partis chrétiens », de fait le Comité de coordination des organisations chrétiennes), une confédération syndicale (la CGT) et des mouvements de Résistance : Forces unies de la jeunesse patriotique (FUJP) qui rassemblent les organisations de jeunesses résistantes, Front national, « mouvement de libération » et « mouvement de libération nationale ». Il est à remarquer que ces deux derniers mouvements, en général regroupés sous l’étiquette « Mouvement de libération nationale (MLN) », ex-« Mouvements unis de Résistance (MUR) » sont dissociées par Max Juvénal : le premier est issu de « Libération » et le second de « Combat ». Cette distinction permet au MLN de disposer de trois représentants.

Le président du CDL admet que d’autres organisations, représentatives de la population, y ont leur place, depuis les « femmes résistantes » jusqu’aux « paysans », en passant par les « prisonniers de guerre, les anciens combattants », et que les « associations culturelles et sportives » peuvent y avoir voix consultative.

Max Juvénal énumère ensuite la liste des commissions du CDL et précise leur rôle. Elles s’attachent à la mise en place des nouveaux pouvoirs à l’échelle locale comme la commission des Comités locaux pour les municipalités ou, comme les commissions d’épuration, de régularisation, de vigilance, et de sécurité, à l’épuration et au maintien de l’ordre. Le nombre de commissions (quatre sur cinq) qui se consacrent à ces deux domaines est significatif de leur importance au début octobre 1944.

Max Juvénal poursuit d’ailleurs sur ce thème auquel il consacre la fin de son allocution. Il dénonce les collaborationnistes « qui n’ont pas encore désarmé », les « malfaiteurs » qui ont profité de la Libération pour se livrer à des abus et insiste sur la nécessité d’établir une justice en rupture avec l’arbitraire de Vichy et qui offre des garanties. Le président du CDL conclut par le rappel des valeurs républicaines, « après quatre années d’asservissement ».


Robert Mencherini

Contexte historique

La une du Provençal du 13 octobre 1944 met en évidence la situation de la France et de la région lorsque paraît cet article. On est encore loin de la sortie de l’état de guerre : bien que les institutions nationales se mettent en place (on annonce la convocation prochaine de l’Assemblée consultative), l’offensive militaire contre le Reich se poursuit et le Ravitaillement constitue toujours une préoccupation centrale au sein de la population.

Depuis la fin août 1944, le CDL des Bouches-du-Rhône joue, au côté du commissaire régional de la République, un rôle important dans un département qui constitue une base arrière essentielle pour les troupes françaises et alliées. Il s’est réuni en séance plénière, souvent deux fois par jour. Deux nouvelles organisations ont rejoint son « noyau actif » restreint constitué sous l’Occupation, les Forces unies de la jeunesse patriotique (FUJP) et le « groupe Marin ». Max Juvénal, blessé pendant les combats de la Libération, remplacé provisoirement par le vice-président, Francis Leenhardt, Lionel, a retrouvé la présidence effective du CDL dans la première semaine de septembre sur une civière. Dans l’après-midi du lundi 4 septembre, il a été conduit en ambulance à la préfecture où Raymond Aubrac a décidé de le loger.

Dès le début de son activité au grand jour, le CDL s’est entouré de plusieurs commissions, dont la composition évolue, mais qui traitent des arrestations et de l’épuration, des forces armées et du maintien de l’ordre. En septembre-octobre, il consacre beaucoup de temps à recevoir les Comités locaux de Libération qui désignent les délégations spéciales de chaque commune. Il reçoit aussi régulièrement les responsables de divers dossiers et commissions. Il est étonnant que, dans cet article, ne soit pas mentionnée une commission qui joue également un grand rôle, celle du ravitaillement (l’importance de la question du Ravitaillement est signalée par un article du même journal). Faut-il y voir la volonté de Max Juvénal de privilégier les thèmes de l’épuration et du maintien de l’ordre ou un simple oubli du journaliste ?

Dans les semaines qui suivent, ainsi que le laisse entendre Max Juvénal dans son allocution, de nouvelles organisations sont admises au sein du CDL des Bouches-du-Rhône : le Mouvement national des prisonniers de guerre et déportés (MNPGD), l’Association républicaine des anciens combattants (ARAC), l’Union des Femmes de France (UFF). Le Comité de défense et d’action paysanne et la confédération générale des agriculteurs se partagent un siège. Un délégué du Comité d’action et de défense des immigrés (CADI) est également invité, à titre consultatif. L’Union provençale des syndicats chrétiens (CFTC) ne sera admise de plein droit qu’en janvier 1945. Le Parti radical et radical socialiste tape en vain à la porte pendant plusieurs mois : on lui reproche de ne pas avoir résisté en tant qu’organisation, bien que plusieurs de ses membres aient participé à la lutte contre l’occupant. Finalement, un compromis ambigu est trouvé en février 1945, le CDL se prononçant pour la participation d’un membre radical socialiste reconnu comme résistant.

Mais ces changements ne modifient pas l’équilibre politique au sein du comité. C’est le courant MLN-socialiste qui assure la présidence du CDL des Bouches-du-Rhône jusqu’à la fin de l’année 1945. Max Juvénal, désigné à l’assemblée consultative, est remplacé, en novembre 1944, par Francis Leenhardt, puis, en septembre 1945, par un autre membre du MLN, Jean-Louis Sourdeau. Mais, à ce moment-là, les CDL cèdent, dans les faits, la place aux conseils généraux.


Auteur : Robert Mencherini

Sources :

Archives Départementales des Bouches-du-Rhône - 9 W, P-V des délibérations du CDL, articles dans la presse régionale ;

Raymond Aubrac, Où la mémoire s’attarde, Paris, Odile Jacob, 1993 ;

Mencherini Robert, La Libération et les années tricolores (1944-1947). Midi Rouge, ombres et lumières, tome 4, Paris, Syllepse, 2014.