Diffusion et perception de la mémoire et de l'histoire de la Résistance

Légende :

Le bulletin municipal de la ville de Sens consacre une page à l'exposition « L'Yonne dans la Seconde Guerre mondiale », qui s'est tenue à la médiathèque de la Ville pendant deux mois et demi, au printemps 2014. Par ses caractéristiques, cette exposition montre que, dans l'Yonne, la mémoire de l'Occupation et de la Résistance est encore bien présente et que la recherche historique y est intense sur cette période

Genre : Image

Type : Article de presse

Source : © Magazine Sens Mag' de la Ville de Sens, mars-avril 2014 Droits réservés

Détails techniques :

Document imprimé en couleur (mars 2014).

Date document : Du 7 mars au 24 mai 2014

Lieu : France - Bourgogne - Franche-Comté (Bourgogne) - Yonne - Sens

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Analyse média

La page du bulletin municipal présente, sous un titre thématique, un texte informatif et une reproduction de l'affiche éditée à l'occasion de l'exposition présentée à la médiathèque. Cette exposition a été conçue par les historiens de l'Association pour la Recherche sur l'Occupation et la Résistance dans l'Yonne (ARORY). Elle se compose de trente panneaux thématiques qui couvrent tous les aspects de l'Occupation, de la Collaboration et de la Résistance. Elle a été conçue pour être aisément mobile et est gracieusement prêtée à tous ceux qui en font la demande.

Quatre illustrations sont visibles sur l'affiche reproduite : la une du journal collaborateur Le Bourguignon, qui rend compte de l'entrevue de Saint-Florentin entre le maréchal Pétain et le maréchal Goering, le 1er décembre 1941 ; un groupe de maquisards dans la forêt, en juillet 1944 ; un autre groupe de maquisards auquel se mêlent des civils, dans les jours qui précèdent la Libération ; une photographie des troupes américaines entourées de civils lors de la libération de Villeneuve-sur-Yonne, le 22 août 1944.

Le texte qui entoure cette reproduction d'affiche nous apprend que le contenu des panneaux de l'exposition est le résultat d'un long travail de recherche historique, et que ces panneaux sont complétés par des documents provenant des archives municipales de Sens, et par des objets prêtés par un collectionneur, qui rendront plus attrayante et plus concrète cette exposition.

La réalisation de cette exposition est le fruit d'une collaboration entre l'association de recherche historique (ARORY), la médiathèque et les archives municipales de Sens.

Des activités sont organisées autour de l'exposition de manière à diffuser les connaissances auprès du public et du monde scolaire : visites guidées et commentées pour le public et pour les élèves des classes dont les enseignants en feront la demande, conférences thématiques. Un livret pédagogique comprenant des compléments historiques et des propositions d'activités pédagogiques avait été envoyé dans les collèges et lycées du Sénonais et pouvait être offert à tout professeur qui en faisait la demande.


Auteur : Joël Drogland

Sources :

Bulletin municipal de Sens, Sens Mag', mars-avril 2014.

Contexte historique

L'Yonne est un département de la zone occupée qui a été fortement marqué par la Seconde Guerre mondiale, ce qu’expliquent au moins quatre éléments :

- L'importance de l'exploitation économique et humaine du département : réquisitions de produits agricoles, de bois, de chevaux dans un département très rural ; mise en place du STO qui touche aussi les familles paysannes, absence de 10 000 prisonniers de guerre, pénuries diverses et permanentes ;

- Les réalités de la collaboration, particulièrement dans l’arrondissement de Sens avec la présence pendant trois ans du sous-préfet Stéphane Leuret, militant zélé de la Révolution nationale, mais aussi de la collaboration et même membre d’un parti collaborationniste. Trois camps d’internement ouverts et administrés par l’administration française étaient présents dans cet arrondissement ;

- L'importance de la Résistance. Les organisations de résistance y sont nombreuses et très diverses : quasiment tous les grands mouvements de zone Nord et de nombreux réseaux d'évasion et de renseignement. Dès 1943, les sabotages et les réceptions de parachutages sont nombreux. À la fin de 1943 et surtout au début de 1944, de nombreux petits maquis mobiles se constituent, alors qu'existent déjà de très nombreux groupes de résistants sédentaires. Durant l'été 1944, les sabotages se multiplient, ainsi que les accrochages avec l'armée allemande. Quelques maquis deviennent des maquis-refuges puis de véritables maquis de combat ; le plus important, celui du commandant Verneuil (Jean Chapelle), chef militaire de Libération-Nord, rassemble plus d'un millier d'hommes près de Quarré-les-Tombes, dans le Morvan icaunais. Les attaques de maquis se multiplient et la répression à l'égard des populations civiles des fermes, des hameaux et des villages environnants est importante. Dans de nombreuses régions de notre département, ces événements ont profondément marqué les populations et structuré la mémoire ;

- L'importance de l'épuration extrajudiciaire. Si le total des condamnations prononcées par la chambre civique et la cour de justice de l’Yonne n'est pas particulièrement élevé, il n'en va pas de même de ce que les historiens appellent « l’épuration extrajudiciaire ». De l'été 1943 à l'automne 1944, avec un pic de juin à août 1944, exécutions de collaborateurs, de trafiquants du marché noir, et règlements de comptes divers ont effectivement fait 350 victimes dans le département. Un véritable climat de guerre civile a régné durant quelques mois, qui a lui aussi contribué à marquer les populations et à structurer la mémoire.

Pour toutes ces raisons, l'Yonne est un département où la mémoire de la Seconde Guerre mondiale est fortement enracinée depuis l'immédiat après-guerre, renforcée dans les années 1980 et 1990, et encore bien vivante aujourd'hui. Cette mémoire, inscrite dans l'espace, est régulièrement réactivée dans le temps, et a longtemps tenu lieu d'histoire.

L'Yonne est un département dans lequel la recherche historique sur ce sujet a été intense, surtout depuis 20 ans, grâce à des conditions particulièrement favorables : des archives départementales riches, bien classées et dotées d'instruments de recherche, un personnel sensibilisé à l'histoire contemporaine (dont la présence pendant plusieurs années d’un directeur des archives également correspondant du Comité d'Histoire de la Seconde Guerre mondiale) ; la présence de correspondants départementaux du Comité d'Histoire de la Seconde Guerre mondiale qui ont travaillé de 1950 à 1980, durant toute l'existence du comité ; la réalisation de mémoires de maîtrise sous la direction de professeurs de l'Université de Dijon sensibilisés à la thématique de la Seconde Guerre mondiale et de la Résistance (J.-R. Suratteau et Marcel Vigreux ayant eux-mêmes été des résistants) ; la publication par un ancien résistant communiste, Robert Bailly, de plusieurs ouvrages exposant une grande quantité de faits ; la fondation de l’ARORY en 1988, avec son équipe et l'appui logistique de l’AERI, fondée notamment par le résistant Serge Ravanel en 1993, et du Conseil général de l’Yonne.

Aujourd'hui, ce sont sans doute les activités de recherche historique de l'ARORY et leur diffusion par des publications, des conférences et des expositions qui sont le principal vecteur d'entretien de la mémoire de cette période.


Auteur : Joël Drogland

Sources :

Joël Drogland, « Écrire l'histoire de l'Yonne dans la Seconde Guerre mondiale. Sources, méthodes, enjeux », Bulletin de la Société archéologique de Sens, Tome IX, 2016, pp. 149-184.