Jean Léger, un résistant acteur de la mémoire

Légende :

Le résistant déporté Jean Léger fait une conférence devant des élèves du lycée Jacques-Amyot à Auxerre, le 15 mars 2011

Par ses interventions publiques et par son livre Petite chronique de l’horreur ordinaire, il a été un acteur essentiel de la mémoire dans le département

Genre : Image

Type : Photographie

Source : © Cliché : Frédéric Gand Droits réservés

Détails techniques :

Photographie numérique en couleur (2011).

Date document : 15 mars 2011

Lieu : France - Bourgogne - Franche-Comté (Bourgogne) - Yonne - Auxerre

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Analyse média

Décédé le 22 mars 2015, Jean Léger fut un infatigable témoin qui transmit son expérience de résistant déporté et qui défendit les valeurs pour lesquelles il s’était engagé dans la Résistance.

Dans les années 80, il se fait d’abord conférencier, complétant ses souvenirs par la lecture d’ouvrages historiques, ce qui lui permet de proposer aux élèves et aux adultes des interventions solides et précises. Pendant plus de 25 ans, il sillonne les établissements scolaires du département, à raison de six ou sept interventions par an, sans compter les conférences. Des générations d’élèves et de nombreux enseignants l’ont ainsi rencontré et accueilli. Tous gardent le souvenir d’un récit bouleversant mais mesuré, d’une évocation personnelle mais distanciée. Chacune de ses interventions marque son auditoire, lui apportant chaque fois de nouvelles révélations. Attentif à la question de la concurrence des mémoires, Jean Léger déplorait que la mémoire de la Shoah s’impose au détriment de celle des résistants.

Jean Léger a également longtemps fait partie du jury du Concours national de la Résistance et de la Déportation (CNRD), et en a guidé plusieurs fois les lauréats et leurs professeurs au camp du Struthof, où il avait été détenu. Cet engagement auprès de l’Éducation nationale lui vaut plusieurs décorations, dont les Palmes académiques et la Légion d’honneur. Lors de la cérémonie d’inauguration d’une salle (avec pose d’une plaque) portant son nom au lycée Jacques-Amyot, le 12 juin 2009, l’inspecteur d’Académie lui présente officiellement les excuses de l’Éducation nationale pour le sort qui lui fut réservé au lendemain de la guerre et le félicite pour son combat républicain et patriotique.

Jean Léger a milité activement au sein du milieu associatif des anciens résistants et déportés : à l’ANACR (Association nationale des anciens combattants de la Résistance) et à la FNDIRP (Fédération nationale des déportés et internés résistants et patriotes). Vers la fin de sa vie, Jean Léger est vice-président de la Commission départementale des Anciens Combattants et président de l’ADIF (Association départementale des déportés, internés et familles de disparus). Il fut aussi vice-président de l’ARORY (Association pour la Recherche sur l'Occupation et la Résistance dans l'Yonne) et a toujours manifesté son soutien aux recherches historiques menées par cette association.

Féru de littérature, passionné de Jean Giono, Jean Léger n’était pas dénué de talent pour écrire et l’a prouvé dans son ouvrage publié en 1998, Petite chronique de l’horreur ordinaire. Sans complaisance pour lui-même, il réussit à faire partager au lecteur son regard sur l’univers macabre et sordide des camps. Son récit se rehausse de fréquentes analyses sur le fonctionnement du système concentrationnaire.


Auteur : Frédéric Gand

Sources :

Jean Léger, Petite chronique de l’horreur ordinaire, éd. ANACR-Yonne, 1998.

CD-ROM La Résistance dans l'Yonne, AERI-ARORY, 2004.

C. Delasselle, J. Drogland, F. Gand, T. Roblin, J. Rolley, Un département dans la guerre. Occupation, Collaboration et Résistance dans l’Yonne, Paris, éd. Tirésias, 2007.

Contexte historique

Jean Léger est né le 5 avril 1925 à La Chapelle-sur-Oreuse, où ses bons résultats scolaires lui ouvrent les portes de l’École primaire supérieure de Sens. Il y réussit le concours d’entrée à l’École normale d’instituteurs, qu’il intègre à la rentrée 1941, dans les locaux du lycée Jacques-Amyot d’Auxerre. Il y diffuse des tracts et des écrits antinazis que lui procure son camarade de promotion Delaporte, qui est en liaison avec une organisation nivernaise de résistance ; il y manifeste également son hostilité à la politique du maréchal Pétain (campagne des V, affiches déchirées...). En 1943, son ami Roger Rondeau lui fait part des activités de résistance de son père, Alfred Rondeau, maire de La Chapelle-sur-Oreuse, qui opère au sein de plusieurs groupes de résistance du Sénonais. À la suite d’un parachutage, un dépôt d’armes est constitué en mai 1943 dans les carrières de Michery. Les responsables en sont Marc Bizot et Bernard Furet, son ami et camarade de promotion. Avec Roger Rondeau, Maurice Berdou, Gaston et Lucien Brûlé, Jean Léger transporte des armes du dépôt de Michery à la ferme d’Alfred Rondeau, au hameau de Hollard, où elles sont cachées dans une maison du village appartenant à la famille Rondeau.

En septembre 1943, il fait les vendanges à la ferme Rondeau. Le 22 septembre 1943, revenu chez lui à La-Chapelle dans la soirée, il échappe à une vague d’arrestations menée par les Allemands à la ferme Rondeau (Alfred Rondeau, toute sa famille et son ami Maurice Berdou sont arrêtés). Aussitôt informé, il jette dans les sources du lavoir des armes cachées dans une maison du village.
Peu après sa rentrée scolaire au lycée d’Auxerre, il apprend l’exécution d’Alfred Rondeau, le 28 octobre 1943. Le 25 novembre suivant, il est arrêté en pleine classe et embarqué menotté dans une traction noire jusqu’au siège de la Gestapo. C’est le début d’un long parcours carcéral. Conduit à Sens pour y être interrogé sur l'affaire Rondeau, il y reste quelques semaines avant de regagner la prison d'Auxerre à la mi-décembre. Il y partage sa cellule avec Jorge Semprun, qui évoquera son souvenir dans son premier roman Le grand voyage. À la mi-février 1944, il est conduit à la prison parisienne du Cherche-Midi où il reste deux semaines. Puis Jean Léger entame son long périple concentrationnaire. Classé NN (Nacht und Nebel), il est d’abord conduit au camp de concentration de Natzweiler-Struthof en Alsace annexée et est affecté au Kommando de Kochem ; transféré à Dachau, il est affecté au Kommando d'Allach. Il n’échappe pas à l'enfer de la déportation (travaux du tunnel de Kochem, construction de la route d’accès au Struthof, débardage de traverses de chemin de fer dans un froid glacial au Kommando d’Allach). Il est aux portes de la mort quand il est libéré, le 30 avril 1945 : il pèse 42 kg et est atteint de tuberculose et de typhus. Un long séjour hospitalier l’attend près de Fribourg en Allemagne. Il lui faudra 22 mois pour guérir. À son retour en France, lui qui se destinait à l’enseignement n’est pas le bienvenu dans l’Éducation nationale, au prétexte qu’il est un ancien tuberculeux. Il n’est d’ailleurs pas décidé à reprendre ses études car il va mal et ne s’imagine pas les reprendre auprès de jeunes étudiants.
Il fonde alors une famille et quitte la France pour l'Afrique noire en mai 1952. Au Gabon, il est responsable du personnel dans une exploitation de bois, puis devient chargé des relations publiques dans l’aviation de brousse. Près de trente ans plus tard, il retourne en France et décide de témoigner au début des années 1980.


Auteur : Frédéric Gand

Sources :

Jean Léger, Petite chronique de l’horreur ordinaire, éd. ANACR-Yonne, 1998.

CD-ROM La Résistance dans l'Yonne, AERI - ARORY, 2004.

C. Delasselle, J. Drogland, F. Gand, T. Roblin, J. Rolley, Un département dans la guerre. Occupation, Collaboration et Résistance dans l’Yonne, Paris, éd. Tirésias, 2007.