Stèle en hommage aux martyrs de Saint-Denis-de-Jouhet (Indre)

Légende :

Stèle en hommage aux martyrs de Saint-Denis-de-Jouhet, Jean Auroy et Jean Traversat, assassinés par les Allemands le 19 juin 1944, située au lieu-dit "Lusignan" (Indre)

Genre : Image

Type : Stèle

Source : © ANACR Indre Droits réservés

Détails techniques :

Montage d'après photographies numériques en couleur.

Date document : 1945

Lieu : France - Centre - Val-de-Loire (Centre) - Indre - Saint-Denis-de-Jouhet

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Analyse média

La stèle a été érigée en 1945. Chaque année, le 19 juin, se tient une cérémonie sur les lieux.


Contexte historique

Blessés le 12 juin au combat des Laboureaux, Jean Auroy du GIE et Jean Traversat, secrétaire du Comité départemental de Libération, sont soignés à l'hôpital de La-Châtre. Craignant pour leur sécurité, il est décidé de les mettre en lieu sûr. Cinq résistants prennent en charge les deux blessés. Le 14 juin 1944, l'itinéraire prévu passe par Le-Magny et Saint-Denis-de-Jouhet. Une pluie fine tombe, brouillant la visibilité. Apercevant un camion arrêté, dans le doute, le chauffeur oblique. Trop tard. Les Allemands attaquent. Quatre maquisards se dégagent. Le cinquième gendarme en tenue fait croire aux Allemands qu'il est otage des maquisards. Il est relâché. Les deux résistants, blessés et dans l'incapactié de se défendre, sont achevés sauvagement à coups de crosse par les nazis*.

 

Jean, Rémy Auroy (1)

Né le 22 mai 1921 à Saint-Saturnin (Cher), exécuté sommairement le 19 juin 1944 à Saint-Denis-de-Jouhet (Indre) ; AS, FFI. Cheminot. Fils d’Alphonse, Louis Auroy et de Justine Dumontet, Jean Auroy était célibataire, homme d’équipe à la SNCF, à Montluçon (Allier), où il résidait, rue Beaumarchais ; membre des Forces françaises de l’Intérieur (FFI), d’origine Armée Secrète (AS), il fut blessé grièvement à la jambe lors de l’attaque des Allemands contre le maquis, le 16 juin, à Jeu-les-Bois (Indre). Il fut transporté à l’hôpital de La-Châtre (Indre) le 17 juin puis en fut évacué le 19 juin ; la voiture qui le transportait croisa une colonne allemande à Saint-Denis-de Jouhet ; il ne put s’échapper et fut massacré à coups de crosse par les soldats allemands, à 16 h, à "Lusignan", commune de Saint-Denis-de-Jouhet. « Mort pour la France » ; déclaration de dècès par Armand Ageorges, 58 ans, menuisier.
Son nom figure sur la stèle érigée à proximité de la D 72, sur le chemin de Lusignan, à l’endroit du crime, ainsi que sur la plaque commémorative de la gare de Montluçon.

 

Jean, Pierre, Marie Traversat (alias Duché) (2)

Né le 28 juillet 1923 à Brive (Corrèze), abattu le 19 juin 1944 à Saint-Denis-de-Jouhet (Indre) ; étudiant ; scout routier, secrétaire départemental des MUR ; lieutenant FFI. Fils aîné de Pierre, Louis Traversat, contrôleur des Contributions directes, chef départemental du mouvement Combat en Haute-Vienne, et de Marie Antoinette Émilie Roiffé, sans profession, Jean Traversat se comporta à l’image de ce père exemplaire, qui, arrêté le 4 février 1944, fut déporté à Mauthausen.
Avant 1939, Jean Traversat correspondit avec un jeune Allemand et prit ainsi conscience de la folie du projet nazi. Au lycée Gay-Lussac à Limoges, en 1941, il grava une croix de Lorraine sur le bouchon de son encrier ! Dès 1934, il s’était adonné au scoutisme : louveteau puis scout, enfin routier en 1941 au clan Saint-Martin, où il devint chef d’Équipe. Trois fois par mois, il menait ses hommes camper à plusieurs dizaines de kilomètres de Limoges. Il fut, à l’instar de ses grands-parents et parents, un « chrétien jusqu’à la moelle » et, immédiatement après l’installation au pouvoir du Maréchal Pétain, il fit partie des irréductibles : son engagement dans la Résistance active devint de plus en plus grand. Il diffusa Combat et Témoignage chrétien, se rendit le 11 novembre 1942 saluer le monument aux morts, et prit la défense des juifs pourchassés par le régime de Vichy. Du 11 juillet au 26 octobre 1943, il fut enrôlé dans les Chantiers de jeunesse, à Saint-Genest, à Pontgibaud et à Tournebise. Mais un soir, il apprit qu’il devait se rendre à Gravanches (Clermont-Ferrand) pour travailler dans une usine fabriquant des mines et des obus destinés à l’occupant. Dans la nuit du 14 décembre, il entra dans la clandestinité sous une fausse identité, avec une carte au nom d’Edmond Monnet, né à Senon (Meuse). Après un bref séjour à Limoges et à Paris, il se retrouva à Châteauroux, où il trouva un emploi à la S.C.O.T. (Société Coopérative des Ouvriers Techniques) et fut agréé comme « permanent départemental » des MUR de l’Indre, et désigné par les pseudonymes de Duqueroy, Étienne et principalement d’Étienne Duché. Vite nommé secrétaire départemental des MUR, il assura la liaison entre le département et la Région 5. Il fut chargé d’installer la mission Périclès, une école supérieure des cadres du maquis, en provenance du Jura, sous les ordres du commandant Robert. Membre également du réseau Alliance, il se donna à la résistance sans retenue. Lorsque le 21 mai 1944 sa mère lui rendit visite à Châteauroux, elle fut effrayée à la vue de la quantité d’armes qu’il cachait dans sa chambre : des grenades, des revolvers et des postes de radio. Il lui demanda surtout de ne pas s’inquiéter : « S’ils m’arrêtent comme réfractaire et m’envoient en Allemagne, ne t’inquiète pas, là-bas aussi je ferai du bon travail. Et si la Gestapo m’arrête et me fusille, eh bien ! Je serai mort pour mon pays et il n’y a rien d’autre à voir pour l’instant ». Il prit le maquis au lendemain du débarquement anglo-américain sur les côtes de Normandie, dans les environs de Châteauroux, au Luant. Il n’eut alors de cesse de « communiquer sa foi dans la victoire prochaine, malgré les embûches et les difficultés dressées sur la route ». Il fut gravement blessé au foie le 12 juin au cours d’un combat sanglant. Il parvint cependant à s’échapper et à rejoindre le PC du groupe. Transporté à l’hôpital de La-Châtre, il y resta six jours. Le 19 juin, la voiture qui le conduisait dans une « ferme amie » tomba sur une colonne allemande à Saint-Denis-de-Jouhet. Il fut massacré à coups de crosse par des soldats allemands. Son corps fut jeté sur le bord d’un chemin à "Lusignan", à deux kilomètres environ, le visage percé de quatre balles.
Dix-neuf jours après sa disparition, il fut cité à l’ordre du groupe Indre-Est par le commandant Robert : « Le lieutenant Jean Traversat, dit Duché : Secrétaire départemental des MUR de l’Indre, a fait à ce titre un travail dangereux et efficace. Sa probité, son dévouement, sa haute conscience morale et son intelligence en avaient fait pour tous un ami sûr et l’affirmaient comme un de nos jeunes chefs les plus brillants. Volontaire le 12 juin 1944 pour contre-attaquer l’ennemi à Jeu-les-Bois, s’est porté en première ligne pour servir en bazooka, faisant preuve pendant tout le combat d’un total mépris du danger. Blessé grièvement, s’est replié seul jusqu’à l’infirmerie. Fait prisonnier au cours d’un transport de blessés, n’a donné aucun renseignement pouvant servir l’ennemi, malgré un interrogatoire très dur. Lâchement assassiné à Saint-Denis-de-Jouhet, par un ennemi qui a déjà fusillé un de ses oncles, Paul Roiffé, à Brantôme et qui a déporté son père en Allemagne. Restera pour nous comme un des symboles les plus purs de la résistance française ».

Le 16 décembre 1944, le conseil municipal de Brive donna le nom de Jean Traversat à une rue. Par décret du 19 novembre 1945, il fut nommé au grade de chevalier de la Légion d’honneur à titre posthume et le 24 mars 1945 cité à l’ordre de la Division à titre posthume par le colonel Rivier, commandant de la 12e Région militaire. A celui qui « restera comme une des plus remarquables figures de la Résistance » fut attribuée la Croix de guerre avec une étoile de bronze. De retour de Mauthausen, son père lui rendit le plus bel hommage qui soit : « Par cette mort héroïque, vue et acceptée courageusement, (Jean) s’est trouvé tout d’un coup, par le couronnement logique de sa vie, promu au niveau d’héroïsme et de sainteté - véritable consécration dans la lumière éternelle - où je me vois maintenant appelé à me tourner vers lui comme vers mon maître et mon protecteur ». Chaque 19 juin, une cérémonie de commémoration se déroule à "Lusignan", devant un monument érigé en sa mémoire.


Auteurs :

* ANACR Indre.
Michel Gorand, biographie de Jean Auroy (1)- Gilbert Beaubatie, biographie de Jean Traversat (2) pour le Dictionnaire des fusillés.

Sources :

(1) Registre des décès de Saint-Denis-de-Jouhet.
Arch.Nat. F 41-394. 
Livre Mémorial des « Cheminots victimes de la répression », Perrin/SNCF, 2017, p. 95

(2) Archives du Centre Edmond Michelet à Brive ; avec l’aide de Françoise Germane et de Didier Boudin. 
R. Guichardan, Jean Traversat. Scout-Routier. Héros de la Résistance, Paris, Bonne Presse, 1945, réédité en 1993. 
Marie Granet, Bulletin du Comité d’histoire de la Deuxième Guerre mondiale, n° 52, mars 1957. 
Dictionnaire du Monde religieux dans la France contemporaine, Paris Beauchesne, vol. VII : Le Limousin, sous la direction de Louis Pérouas. 
Notes de Michel Gorand. 
État civil.