Reuily, secteur de la ferme de Malassis (secteur d'Issoudun, Indre)

Légende :

Stèle en hommage à 6 fusillés le 2 septembre 1944, située Reuily, secteur de la ferme de Malassis (secteur d'Issoudun, Indre)

Genre : Image

Type : Stèle

Source : © ANACR Indre Droits réservés

Détails techniques :

Montage d'après photographies numériques en couleur.

Lieu : France - Centre - Val-de-Loire (Centre) - Indre - Reuilly

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Contexte historique

Le 2 septembre 1944, comme le 1er septembre, des véhicules allemands circulent, à flot continu, entre Saint-Pierre-de-Jards (Indre) et Reuilly (Indre), sur la D28 : c’est la retraite vers l’Est de la France. A la ferme de Malassis, commune de Reuilly, à 200 m de cette route, la batteuse est en action avec une dizaine d’hommes en plein travail. Un motocycliste allemand armé arrive à la ferme pour réparer son engin ; soudain des maquisards interviennent et des échanges de coups de feu ont lieu avec l’Allemand qui est tué ; d’autres soldats allemands arrivent, les tirs continus, puis encerclent la ferme de Malassis et celle, voisine, de La-Fontaine-Saint-Martin, commune de Chéry (Cher). Le passage de trois avions alliés à basse altitude interrompt le combat pendant quelques instants mais les 2 fermes seront pillées et incendiées et 6 civils seront fusillés, vers 14h30, dont le fermier Lagarde de Malassis.

La stèle de Malassis-La-Fontaine est érigée à proximité des fermes sur la D28 : « Aux fusillés du 2 septembre 1944, victimes de la barbarie allemande » :
Boursier Émile,
Cousin Pierre,
Lagarde Jean,
Legrand René,
Rousval Yves,
Vernaudon Germain. (1)

 

Récit d’André Lagarde,
rescapé dont le père, Jean Lagarde, a été fusillé,
Témoignage du 2 septembre 2003

J’avais 13 ans à l’époque, c’était le 1er septembre 1944, les Alliés avaient débarqué depuis le 6 juin en Normandie, les Allemands, en échec, étaient en déroute et cherchaient à regagner l’Allemagne. Les colonnes de SS et Wehrmacht défilaient sur la route (départementale 28), à deux bonnes centaines de mètres de la ferme de Malassis où j’habitais. C’était un défilé incessant de véhicules de toutes sortes, de la voiture volée aux camions, automitrailleuses et chars.

A la ferme, il y avait la batteuse, avec une équipe d’une dizaine d’hommes, parmi lesquels des réfractaires au STO. Papa fit arrêter le travail pou mettre le personnel en sécurité, car quelques rafales de mitrailleuses entendues du côté de Saint-Pierre-de-Jards et à Jaspinera, où un maquisard avait été abattu ; se trouvant avec sa mitraillette tout près de la route.

Le lendemain, 2 septembre, c’était le même défilé continu, et c’est vers midi et demi qu’un de ces Allemands se présentait à la fermer poussant sa moto Terrot crevée (moto volée) : il avait une figure d’adolescent, très jeune, il était casqué, le mauser à la main, on voyait bien qu’il avait peur : il se mit au coin du hangar pour réparer sa moto.

Des maquisards stationnés dans la propriété de Belle-Chasse firent irruption ; surpris, l’Allemand ouvrit le feu avec son mauser sur les maquisards qui ripostèrent, l’abattant mortellement d’une rafale de mitraillette.

Et tout s’enchaîna rapidement. Les tirs se faisaient de plus en plus entendre, les balles sifflaient ; on se mit un instant à l’abri dans la carrière proche.

Déjà, les Allemands encerclent la ferme de la Fontaine-Malassis. Ma mère, Pierre, mon frère âgé de deux ans et mes deux sœurs, nous nous sommes dirigés vers les vignes à l’abri d’une haie assez épaisse, avant de filer vers le bois du Chaumio, à 400 mètres de là. Mais les Allemands, sur la route, nous prirent sous les feux : il y avait quelques automitrailleuses et un ou deux chars ; mon père nous disait de rester couchés, car les balles coupaient les feuilles au-dessus de nos têtes, je ne sais combien a duré cette fusillade, pour moi, cela a été une éternité. Subitement, la fusillade s’arrêta et trois avions alliés firent irruption dans le ciel. On profita de l’accalmie pour se mettre à l’abri du bois, les avions repartirent, la fusillade recommença de plus belle, déjà les colonnes de fumée s’élevaient des fermes. Mon père décida d’aller voir. Il disait que les vaches allaient brûler, tout en nous confirmant qu’il reviendrait nous chercher une heure plus tard ; L’heure s’écoula ; mon père ne revenant pas, nous décidâmes de nous réfugier dans la ferme de M. Breguet, à la Vallée-aux-Moines. Ma sœur Blanche partit aux nouvelles du côté de la ferme de Malassis. Elle découvrit le cadavre ensanglanté de papa, criblé de balles dans l’étable. Nous sommes revenus vers 17 heures, les meules, le matériel de battage brûlaient ; de la maison d’habitation, il ne restait que les pans de murs, la récolte toute brûlée, les bêtes étaient éparpillées aux alentours de la ferme, à part le taureau, abattu d’une rafale.

Cinq personnes furent aussi fusillées à La Fontaine. Avant d’incendier la ferme, les nazis avaient  pillé. Il ne nous restait rien d’autre que ce que nous avions sur nous. C’est M. Marius Jacob qui a été l’une des premières personnes à nous offrir des vêtements et couvertures, alors que nous nous abritions sous une bâche près de la fermer incendiée. Nous enterrâmes les six victimes quatre jours plus tard, quand les colonnes ne passèrent plus sur la route départementale 28. (2)


(1)
Auteur
: Michel Gorand pour le Dictionnaire des fusillés.

Sources : ANACR Indre, Combats des maquisards Indre été 1944, 2012.


(2)
Témoignage reçu par l'ANACR Indre, le 2 septembre 2003.