Monument érigé à l'emplacement de l'ancienne synagogue de Strasbourg incendiée par les Nazis le 12 septembre 1940

Légende :

Monument situé place des Halles à Strasbourg

Genre : Image

Type : Monument

Source : © Association pour des études sur la Résistance intérieure des Alsaciens Droits réservés

Détails techniques :

Photographie numérique en couleur

Date document : sans date

Lieu : France - Grand Est (Alsace) - Bas-Rhin - Strasbourg

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Contexte historique

L'évacuation de septembre 1939 concerne une grande partie de la population juive, puisqu'elle touche notamment Strasbourg où réside près de la moitié de cette communauté. Dans les dernières jours avant l'arrivée des Allemands, dont on connaît la manière dont ils traitent les juifs, surtout depuis « la Nuit de Cristal » de 1938, les familles, qui disposent d'un moyen de transport, quittent leur domicile pour se joindre à l'exode des populations civiles de la moitié Nord de la France vers le Sud. Beaucoup d'entre eux sont bloqués dans les Vosges ou la Meurthe-et-Moselle dans la future zone interdite.

Dès les premiers jours de l'Occupation, dans beaucoup de localités, ceux qui sont restés sont soumis à toutes sortes d'humiliations de la part des Allemands, mais aussi parfois d'une partie de la population chrétienne locale. Dans la semaine qui suit le 14 juillet 1940, les expulsions commencent. À la fin du mois, les Nazis peuvent se vanter que l'Alsace est judenfrei pour la première fois de son histoire. Ils s'attachent désormais à faire disparaître toutes traces de la présence juive, y compris les noms des combattants de l'armée allemande tués en 1914-1918 sur les monuments aux morts. Dans la nuit du 30 septembre au 1er octobre 1940, un groupe de jeunes Alsaciens, admis dans la Hitlerjugend, met le feu à la grande synagogue du quai Kléber à Strasbourg. De nombreux lieux de culte de villages sont détruits et certains cimetières sont rasés.

La majorité des juifs d'Alsace réside désormais dans la zone non occupée de Vichy et jouit en principe des mêmes droits que leurs compatriotes, réfugiés et expulsés aryens. Mais, une cruelle désillusion survient bientôt. C'est le statut des juifs du 3 octobre 1940, qui s'ajoute à l'ordonnance allemande du 27 septembre 1940 qui s'applique déjà en zone occupée. Cette loi prive de leurs emplois les fonctionnaires, les magistrats, les enseignants, les militaires. Elle exclut également les juifs de la presse, de la radio, du cinéma, des spectacles. Un système de quotas est institué pour les professions libérales. Une autre loi permet l'internement des juifs étrangers. Le second statut du 2 juin 1941 instaure un numerus clausus de 3% pour les étudiants juifs des universités et place les entreprises appartenant à des juifs sous la direction d'administrateurs aryens. Cependant, ceux qui sont domiciliés en zone non occupée échappent jusqu'au bout aux vexations imposées en zone occupée même aux enfants: confiscations des postes de radio, couvre-feu spécial, fixation d'horaires incommodes pour les achats, interdiction de fréquenter la plupart des lieux publics et surtout le port de l'étoile jaune. Ceux de zone non occupée sont cependant obligés en janvier 1943 de se voir imposer un cachet « Juif » sur leurs cartes d'identité et d'alimentation.

Depuis le 27 mars 1942, des trains conduisent les juifs du camp de Drancy où ils sont internés vers « l'Est », c'est-à-dire vers Auschwitz (Pologne) ou d'autres camps d'extermination. Les juifs de zone occupée sont voués à l'extermination après ceux d'Allemagne, de Pologne et de l'URSS. Il ne s'agit pas seulement des « juifs apatrides », dont le gouvernement de Vichy a accepté la déportation. Dans la liste  du premier convoi, on trouve déjà deux personnes nées en Alsace et de nationalité française. Parmi les familles de juifs étrangers pris en zone occupée ou livrés par Vichy à la suite des rafles opérées en zone non occupée durant l'été 1942, nombreux sont ceux dont les enfants sont nés et vivent en Alsace avant la guerre.

L'occupation de la zone non occupée le 11 novembre 1942 y amène l'installation de la Sipo-SD qui, avec l'aide d'auxiliaires français comme les Miliciens, multiplie les arrestations de juifs tant français qu'étrangers. À Clermont-Ferrand (Puy-de-Dôme), les rafles opérées contre l'université de Strasbourg les 25 juin et 25 novembre 1943 frappent en premier lieu étudiantes et étudiants juifs. Le 22 décembre 1943, à Marseille, c'est l'arrestation du grand-rabbin du Bas-Rhin René Hirschler, aumônier des camps d'internement, et de son épouse. Simone Hirschler est gazée à Auschwitz et René Hirschler meurt après les marches de la mort au camp d'Ebensee dans le Tyrol le 3 mars 1945. Dans chaque train partant de Drancy, il y a maintenant des hommes, des femmes, des enfants de tous âges et des vieillards nés en Alsace.

En janvier 1944, la très relative protection dont bénéficient parfois les juifs alsaciens-lorrains de la part de Pétain et de Laval disparaît avec la mainmise de la Milice sur le corps préfectoral et les forces de police. Aucune pitié n'est à attendre d'hommes comme Touvier pour qui « le juif est une ordure, une immondice » dès sa naissance. Les arrestations individuelles et les rafles se multiplient dans les deux zones. Ainsi, à partir du 28 février 1944, presque tous les juifs résidant encore en Lorraine non annexée sont internés au  « centre de séjour surveillé » d'Ecrouves près de Toul, où se retrouvent 86 personnes nées dans le Bas-Rhin et 30 nées dans le Haut-Rhin. Le plus âgé, Henri Sichel est né à Pfaffenhofen en 1849. Presque tous ont été déportés et très peu sont revenus.

Souvent, les occupants et leurs auxiliaires français ne s'embarrassent plus de détentions et de déportations, ils massacrent sur place comme ils l'ont déjà fait en Yougoslavie et en URSS. La division Brehmer de la Wehrmacht, envoyée en Dordogne pour lutter contre les maquis, parcourt le département du 26 mars au 15 avril 1944. Faute de pouvoir détruire la Résistance, elle arrête dans toutes les localités où elle passe les familles juives, fusille immédiatement la plupart des hommes, y compris les adolescents, 116 au total. Les femmes, les enfants et quelques hommes sont déportés. La grande majorité de ces victimes est originaire du Bas-Rhin. Jusqu'à la Libération, ces atrocités continuent, en particulier lors du passage de la division des Waffen SS Das Reich.

On recense 2 464 victimes de la déportation raciale pour les originaires du Bas-Rhin, plus 141 fusillés ou massacrés, et 1 100 morts en déportation ou fusillés parmi les juifs du Haut-Rhin. Les âges des victimes haut-rhinoises de la Shoah s'échelonnent de 2 à 95 ans. Si l'on admet 25 000 comme chiffre approximatif de la population juive d'Alsace en 1939, ce qui est sans doute un nombre trop élevé, c'est au moins 14% de cette population qui sont victimes de l'extermination. La quasi totalité des familles issues des communautés rurales ancestrales réfugiés dans les mêmes localités, telles celles de Stotzheim, Rosheim ou Mertzwiller, est exterminée, parfois à l'arrivée d'un seul convoi à Auschwitz.


Léon Strauss, "Les Juifs d'Alsace", in DVD-ROM La Résistance des Alsaciens, Fondation de la Résistance - AERI, 2016