Légende :
Maurice Kriegel-Valrimont, membre du COMAC
Genre : Image
Type : Portrait
Source : © Archives Assemblée nationale Droits réservés
Détails techniques :
Photographie analogique en noir et blanc.
Lieu : France
Fils d'immigrés juifs de l'Autriche-Hongrie venus s'installer en Alsace, Maurice Kriegel-Valrimont obtint en 1934 une licence de droit à l'université de Strasbourg. Il participe à Strasbourg au mouvement Amsterdam-Pleyel, au Comité de vigilance des intellectuels antifascistes (CVIA) et à l'Union fédérale des étudiants (UFE), et il aide occasionnellement les militants du parti communiste : c'est ainsi qu'il traduit en allemand pour L'Humanité d'Alsace-Lorraine, les documents du congrès d'Arles, IXe congrès du Parti, 25-29 décembre 1937.
Ses premiers rapports avec les communistes se firent par l'intermédiaire d'étudiants originaires d'Europe centrale. Parmi eux, une étudiante de Varsovie, Mala Ehrlischster qui deviendra sa première épouse dont il se séparera en 1938. Elle sera tuée à Marseille lors d'une distribution de La Marseillaise, journal du Front national, quelques jours avant la libération de la ville.
Maurice Kriegel poursuivit des études supérieures de doctorat mais ses activités politiques et syndicales le conduisirent vers une autre voie. A Paris, rédacteur dans un service de contentieux, il entra à la LAURS (Ligue d'action universitaire républicaine et socialiste), mouvement étudiant proche de la Ligue des droits de l'homme dont il fut le délégué. Adhérent, dès son arrivée à Paris, à la CGT réunifiée, Maurice Kriegel-Valrimont participa très activement aux grèves de juin 1936 chez les employés d'assurances. C'est ainsi qu'en 1937, il fut élu, à vingt-trois ans, secrétaire général d'un syndicat de 10.000 adhérents. La Fédération était alors dirigée par les ex-confédérés Albert Gazier et Oreste Capocci, Christian Pineau étant responsable des banques. Il sera licencié une seconde fois, au lendemain des accords de Munich.
Dès le milieu de l'année 1938, il se consacra donc à plein temps à l'activité syndicale, dirigeant la Chambre des employés de la Région parisienne et participant, avec Albert Gazier, au congrès de la Fédération internationale des employés à Berne. C'est à cette époque qu'il publia un premier article syndical dans L'Humanité. Le déclenchement de la guerre, la mise hors la loi du PC puis l'exclusion des unitaires de la CGT contribuèrent à son refus de faire chorus avec les anticommunistes. Appelé à Angoulême dans un peloton d'élèves-officiers, il fut exempté pour raison de santé en décembre 1939. Il retourna alors à Paris, vécut avec sa compagne Paulette Le Souef et travailla comme expert chez des conseils juridiques.
Après avoir participé à l'exode, Maurice Kriegel-Valrimont revint à Paris en juin 1940. Ses parents, expulsés d'Alsace, s'établirent d'abord à Caen, puis à Toulouse. Maurice Kriegel-Valrimont demeura encore neuf mois à Paris où il poursuivit ses activités professionnelles, puis il franchit la ligne de démarcation début 1942 et retrouva sa famille à Toulouse. Il y rencontra Jean-Pierre Vernant, Pierre Hervé. Mais c'est finalement Raymond Aubrac, qui s'était lié d'amitié avec son frère André, qui lui proposa de travailler avec lui à Libération-Sud, début 1942. Aux côtés de d'Astier de la Vigerie, Pascal Copeau et d'autres, il s'installa à Lyon afin d'y prendre des responsabilités dans le secteur militaire sous le pseudonyme de "Fouquet". C'est à cette époque qu'il contribua à la formation de l'Armée secrète avec Delestraint. De nouvelles recrues vinrent s'adjoindre : Malleret, évadé d'un Stalag et recruté à Lyon, Serge Ravanel, recruté par Bordier. En mars 1943, il fut arrêté par la police française avec, entre autres, Raymond Aubrac, Ravanel, Morin-Forestier : tous furent incarcérés à la prison Saint-Paul. La Gestapo de l'hôtel Terminus s'intéressa à eux, les interrogea puis les rendit aux autorités françaises. Maurice Kriegel-Valrimont fut puissamment servi par sa connaissance de l'allemand, qui lui permit de suivre son interrogatoire. Il inventa avec Aubrac un faux aveu de marché noir et ils furent renvoyés à la prison Saint-Paul. Aubrac sortit le premier de prison grâce à une démarche de son épouse Lucie auprès du procureur. Les autres (Kriegel-Valrimont, Ravanel et Forin-Morestier) furent transférés à l'hôpital de l'Antiquaille d'où, le 24 mai 1943, un groupe-franc de Libération se présenta comme des agents de la Gestapo et les délivra.
Après quelques jours de clandestinité dans les environs de Lyon, Kriegel-Valrimont gagna Paris pour y reprendre le combat. À partir de juin 1943, l'activité des MUR commença à prendre une forme plus élaborée. L'action ouvrière fut détachée comme organisme indépendant, Maurice Kriegel-Valrimont en devint le délégué national et Action fut fondée, initialement en tant qu'organe de l'action ouvrière : sabotages, lutte contre le STO, revendications, etc.
Début 1944, des départs et des arrestations entraînèrent une réorganisation de la direction des MUR. Une dizaine de dirigeants demeuraient en activité et une nouvelle répartition des tâches fut adoptée : Copeau et Degliame-Fouché exercèrent conjointement la direction, Hervé, Cuvillon et Baumel le secrétariat et Kriegel-Valrimont devint responsable militaire. C'est à ce titre qu'il fut chef d'état-major des Corps-francs de la Libération, nouvelle formation, créée pour unifier les actions militaires des MUR, assisté de Ravanel, Leduc et Ribier. Il poursuivait par ailleurs la publication d'Action et la direction de l'action ouvrière.
Enfin, en avril 1944, la préparation de l'insurrection nationale amena le Conseil national de la Résistance à se doter d'un comité d'action militaire (COMAC) où étaient délégués Pierre Villon pour le Front national et les FTP, "Vaillant" (de Vogüe) pour la zone nord et Kriegel-Valrimont pour la zone sud ; le général Revers était adjoint comme conseiller technique par l'ORA (Organisation de résistance de l'armée). Chaban-Delmas participait au COMAC comme délégué militaire national de l'état-major de Londres.
Le COMAC participant au commandement de toutes les formations militaires de la Résistance unifiées dans les Forces françaises de l'intérieur, devait assurer, après le Débarquement, leur engagement aux côtés des armées alliées et surtout préparer et déclencher l'insurrection nationale. Dès le début de l'insurrection parisienne, Kriegel-Valrimont représenta le COMAC à l'état-major de la Région parisienne installé sous la place Denfert-Rochereau. En accord complet avec Villon et de Vogüé, il rédigea la protestation du COMAC contre la trêve et ils contribuèrent ainsi, le 21 août, à son rejet au cours d'une réunion décisive du Conseil national de la Résistance. Après un accord conclu le 22 août avec Alexandre Parodi (délégué général du gouvernement provisoire) en vue de mener l'insurrection parisienne à son terme, Kriegel-Valrimont exalta dans la cour de la préfecture de police, devant une foule de policiers, en présence de Luizet, préfet de police, et de Rol-Tanguy, cet appel au combat. Le 25 août, von Choltitz arrêté, fut conduit par Rol-Tanguy, Chaban-Delmas et Kriegel-Valrimont à la gare Montparnasse où il signa une série d'ordres afin que les derniers points d'appui allemands cessent les combats. Le lendemain après-midi, Kriegel-Valrimont participa avec de Voguë à la descente des Champs-Élysées puis il se rendit à Notre-Dame en voiture aux côtés du général Juin.
À partir de septembre 1944, Kriegel-Valrimont siégea dans les divers organismes de direction de la Résistance et continua d'administrer le COMAC dont le rôle fut prolongé trois ans après la Libération. Un film, tourné par le service cinématographique de la 2e DB, est conservé où figure Kriegel-Valrimont en présence de De Gaulle.
La gauche du MLN, dont Kriegel-Valrimont, forma en février 1945 avec le Front national, les Mouvements unis de la Résistance française (MURF). À l'Assemblée consultative, Kriegel-Valrimont était rapporteur général de la commission de la Défense nationale dont Pierre Villon était le président ; il participait également à la commission du Travail et des Affaires sociales.
Dès le début de 1945, sa carrière politique se dessina plus nettement. Avec d'Astier, Pierre Cot, Copeau,Pierre Meunier et P. Hervé, il participa à la formation d'un groupe de républicains et résistants qui sera le noyau initial de l'Union progressiste. Dès ce moment, en accord avec Maurice Thorez, il prépara sa candidature en Meurthe-et-Moselle avec le soutien de la fédération communiste locale. Il fut enfin élu député progressiste du département à la Constituante, le 21 octobre 1945.
Pendant la première période qui suivit la Libération, Kriegel-Valrimont n'était pas un élu du parti communiste mais un des animateurs du courant favorable à l'Unité. C'est Maurice Thorez qui lui proposa, ainsi qu'à Pierre Hervé, de devenir un élu du parti avec un statut de caractère un peu exceptionnel, toutes leurs activités dans la Résistance devant être prises en compte au titre du parti. Au XIème congrès (Strasbourg, juin 1947), Maurice Kriegel-Valrimont fut élu directement au comité central. À la première Constituante, il siégea à la commission de défense nationale et il fit de nombreux cours sur les questions militaires à l'école centrale du Parti. Dans la seconde Constituante, élue le 2 juin 1946, Kriegel-Valrimont passa du statut d'apparenté à celui de député communiste et devint président de la commission de Justice et de législation générale de l'Assemblée. Il fut élu plus tard vice-président de la Haute Cour de justice aux côtés du socialiste Louis Noguères.
Réélu en novembre 1946 à la première Assemblée nationale de la IVe République, il fut pressenti par Maurice Thorez pour être garde des Sceaux. Durant toute cette période, Kriegel-Valrimont continua simultanément à diriger Action, qui s'était transformée en septembre 1944 en grand hebdomadaire politique, dont la direction quotidienne était assurée par Victor Leduc qui en avait eu la charge dès la fin de la clandestinité, le secrétaire de rédaction étant Francis Ponge.
Le style, volontiers ouvert et non conformiste correspondait alors à l'esprit de la Résistance. Le parti de Maurice Thorez n'y faisait pas obstacle. Toutefois, après la constitution du Kominform, ce qui passait pour une nécessaire audace fut alors tenu en suspicion.
En juin 1947, le XIème congrès du parti siégea à Strasbourg et Kriegel-Valrimont fut élu au comité central. C'est Maurice Thorez qui lui annonça cette promotion inhabituelle puisqu'il sautait par-dessus la situation de membre suppléant et il assistait, en même temps que Bonte et que Cogniot, aux séances du bureau politique. En 1949, Action devint organe du Mouvement de la Paix sous la responsabilité d'Yves Farge. Kriegel-Valrimont fut nommé responsable du Bureau de presse du parti (à l'exception de L'Humanité et de Ce Soir), soit quelque douze journaux quotidiens, les hebdomadaires, l'agence centrale de publicité, l'agence de presse l'Union française d'information ; Kriegel-Valrimont fonda également une école centrale de journalistes.
Tête de liste communiste à Nancy aux élections municipales de 1947, il siégea au conseil municipal de cette ville jusqu'en 1963. Les révélations du XXème congrès du parti soviétique et le rapport secret étant peu à peu connus, Kriegel-Valrimont, au comité central de juin 1956, qui préparait le XIVème congrès, appuyé par Pierrard, Pronteau et J.-P. Vigier, proposa une dizaine d'amendements favorables à ce congrès. Mais le congrès lui-même, tenu au Havre, maintint tels quels les organes dirigeants du parti. Les événements de Budapest et l'anticommunisme qu'ils soulevèrent en France ressoudèrent l'union du parti. L'année suivante, la situation politique interne du parti français infléchit un peu à partir de la chute du groupe antiparti (Molotov, Kaganovitch, Malenkov) en URSS. Au congrès de l'Union interparlementaire de Londres en septembre 1957, Kriegel-Valrimont rencontra pour la première fois une délégation soviétique depuis la chute du groupe anti-khrouchtchévien et les conversations qu'il put avoir alors allaient dans le sens d'une mise en cause du stalinisme dans le prolongement du rapport secret.
Libéré de ses fonctions parlementaires après les élections de 1958, Kriegel-Valrimont fut alors chargé de prendre en mains la rédaction en chef de l'hebdomadaire central du parti France-Nouvelle aux côtés de François Billoux qui en assurait la direction politique. Convaincu que le Parti communiste français, contrairement au Parti communiste italien, ne prenait pas ses distances avec le stalinisme, Kriegel-Valrimont décida alors de demander une entrevue au Bureau politique ; il fut reçu par une délégation de la direction, à laquelle participaient Duclos et Waldeck Rochet, devant laquelle il lut un texte qui exprimait ses divergences avec Thorez. Cette démarche mit fin à l'activité de dirigeant communiste de Kriegel-Valrimont qui se trouva amalgamé à Servin et Casanova dans l'acte d'accusation dressé contre eux au XVIème congrès. Devant le comité fédéral de Meurthe-et-Moselle, le procès de Kriegel-Valrimont fut instruit par Leroy. Kriegel-Valrimont exposa le contenu de ses divergences puis prit congé un à un de ses camarades.
Après 1961, Kriegel-Valrimont ne renouvela plus son adhésion au parti. Il demeura également étranger aux pratiques oppositionnelles de cette époque. Il prit sa retraite à Paris et dans la Nièvre, tout en restant très actif dans le débat politique. Maurice Kriegel-Valrimont est décédé le 2 août 2006 à Paris.
Maurice Kriegel-Valrimont
Sources : DVD-ROM La Résistance en Ile-de-France, AERI, 2004.
Version réduite de la notice parue dans le Maitron, s'appuyant sur des notes de Kriegel-Valrimont et signée de Jean Maitron.