Arrivée de Schivo à Eysses en qualité de directeur (janvier 1944)

Légende :

Témoignage de René Filhol. Extrait vidéo du documentaire « Eysses, une prison dans la Résistance » (Amicale d'Eysses / IFOREP). 

Genre : Film

Type : Film documentaire

Producteur : Amicale d’Eysses / IFOREP

Source : © Association nationale pour la mémoire des résistants et patriotes emprisonnés à Eysses Droits réservés

Détails techniques :

Durée totale : 52 minutes. Durée de l’extrait : 00 :01 :40s. Emplacement de l’extrait : 00 :36 :38s.

Date document : 1987

Lieu : France - Nouvelle-Aquitaine (Aquitaine) - Lot-et-Garonne - Villeneuve-sur-Lot

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Analyse média

Le film retraçant l'histoire d'Eysses est décidé lors du 40ème congrès en 1985 pour donner un contenu plus historique aux livres édités précédemment. Le film tourné à Villeneuve-sur-Lot et à Eysses en février 1986, sort en janvier 1987, sous le titre « Eysses, une prison dans la Résistance ». Il retrace en cinquante deux minutes les victoires remportées dans la prison, le grand dessein : l'évasion du 19 février et son échec, ce qu'était l'esprit d'Eysses, fait de tolérance, de civisme, d'abnégation, tout en le replaçant bien dans le contexte.    

Dans cet extrait, René Filhol évoque l’arrivée de Schivo suite à l’évasion de 54 détenus du quartier cellulaire en janvier 1944 et les mesures draconiennes qu’il met immédiatement en place. Son témoignage est recueilli par Anna Dupuis-Defendini dans la cour d’honneur de la centrale d’Eysses, sous les fenêtres du logement de fonction de Schivo. Les deux acolytes dont René Filhol fait mention sont les deux miliciens nommés comme gardes du corps personnel de Schivo.

Retranscription :
« Schivo est arrivé tout de suite après l’évasion des 54 du quartier cellulaire. Et voilà la fenêtre de son appartement. Schivo c’est un officier pétainiste, c’est un milicien, c’est en définitive l’homme qui est envoyé par Darnand pour mater la Centrale. Sitôt qu’il est arrivé, il a pris des mesures terribles et rigoureuses. Il a fait murer les portes de communication, il a fait blinder les miradors et percer ses miradors de meurtrières nouvelles, supplémentaires, où il a placé d’ailleurs des mitrailleuses ; l’une pour tirer sur l’intérieur pour mater la rébellion si elle se produisait, l’autre pour mater la Résistance si elle s’était portée à notre secours.
Tout a changé, il a pris des mesures d’une extrême rigueur. Par exemple, les colis ont été ouverts et bien souvent délestés de ce qu’ils contenaient. Les vivres que nous envoyait la population de Villeneuve-sur-Lot ont été refusées complètement.
Lorsque Schivo est arrivé, son premier devoir a été de parcourir les préaux accompagné de ses deux acolytes et des surveillants, et ostensiblement il disait à ces surveillants
« Vous savez, on va les mater ces voyous. Et le cas échéant, il ne faudra pas hésiter à tirer sur eux »».


Auteur : Fabrice Bourrée
Sources : Corinne Jaladieu, "Naissance d'une amicale", article non publié.

 

Contexte historique

A la suite de l’évasion de 54 détenus du quartier cellulaire le 4 janvier 1944, la direction de la centrale d’Eysses est confiée au colonel milicien Joseph Schivo, ami personnel de Darnand. Schivo est militaire de carrière jusqu’en 1926, officier dans la Légion étrangère. Huissier de 1926 à 1937, il devient chef départemental de la Milice des Bouches-du-Rhône. N’appartenant pas à l’administration pénitentiaire, il prend son poste comme directeur de la centrale dès le 24 janvier 1944, avant d’être nommé sur contrat à titre temporaire à compter du 1er mars 1944. Dès le lendemain de son arrivée, il adresse un rapport au chef du gouvernement dans lequel il dénonce la trahison du directeur Lassalle, tout en annonçant son plan de sécurisation intérieure et extérieure. Jugeant le personnel peu sûr, il tente sans succès de placer ses hommes de confiance à leur place. Mais arguant de menaces contre sa personne, il parvient à obtenir la nomination de deux miliciens comme gardes du corps personnels.
Ce nouveau directeur est avant tout un milicien et c’est la mission d’ordre politique qui prévaut. La façade officielle de directeur d’une administration d’Etat s’efface derrière le milicien jusque dans la tenue. Le costume respectable de directeur fait place à l’emblème de la milice (un « gamma » stylisé) et à une arme. Il n’a de comptes à rendre qu’à son « chef », et sa correspondance adressée à J. Darnand (la plus nombreuse) est rédigée en termes plus militants qu’administratifs.

Lors de la libération de l’établissement le 19 juillet 1944, le directeur Schivo tente de prendre la fuite en passant par Agen où SS et miliciens se rassemblent en vue de se replier sur l’Allemagne. Il est finalement arrêté à Tarascon, après avoir été reconnu et signalé par la famille d’un ancien détenu. Il sera condamné à la peine de mort par la cour de justice du Lot-et-Garonne et fusillé, le 29 mai 1946, au Polygone d’Agen.


Auteur : Fabrice Bourrée
Sources : Corinne Jaladieu, Les centrales sous le gouvernement de Vichy : Eysses, Rennes, 1940-1944, thèse de doctorat non publiée, Histoire, Rennes 2, 2004. Archives nationales, Fontainebleau, dossier de carrière de M. Lassalle. Corinne Jaladieu, La prison politique sous Vichy. L’exemple des centrales d’Eysses et de Rennes, L’Harmattan, 2007.

Procès de Joseph Schivo en mars 1946

René Filhol