Légende :
Extrait du documentaire « L’affaire du 17e Barreau », Leitmotiv production, 2008.
Genre : Film
Type : Documentaire filmé
Producteur : Leitmotiv production
Source : © Leitmotiv production Droits réservés
Détails techniques :
Durée totale : 00 : 52 :12s. Emplacement : 00 : 43 :04s. Durée de l’extrait : 00 :00 :38s.
Date document : 2007
Lieu : France - Nouvelle-Aquitaine (Aquitaine) - Lot-et-Garonne - Villeneuve-sur-Lot
Un groupe commandé par Gabriel Pelouze décide de s'attaquer au mirador surveillant la porte Est, murée depuis l'évasion de 54 détenus le 4 janvier 1944. Parmi eux, Henri Coquet, Edmond Brun, Aldo Jourdan. Alors que le groupe parvient au pied du mirador et commence son travail de démolition à coups de pics de terrassier, une grenade explose à proximité et les contraint à se replier. Muni d'une échelle et de paillasses, ils lancent une nouvelle tentative. Louis Aulagne progresse en tête. Pelouze le suit avec Hervé Combes, Georges Arjaliès, Félicien Sarvisse et d'autres jeunes armés de grenades et de mitraillettes. Aulagne atteint le pied du mirador suivit du reste du groupe. Le travail reprend contre le mur de briques. Pendant ce temps, les autres jeunes ramassent les grenades lancées par les GMR pour leur renvoyer aussitôt. La porte Est devient le centre névralgique de la bataille. C'est alors qu'une grenade roule sous la paillasse qui protège Aulagne et le blesse grièvement. Ramené à l'infirmerie, le docteur Weil tente de le sauver en l'amputant d'un bras mais ce ne sera pas suffisant. Louis Aulagne meurt après avoir confié ses dernières pensées à son camarade Edouard Aubert.
Dans cette séquence extraite du documentaire « L’Affaire du 17e barreau », Henri Colombeau, résistant incarcéré à Eysses en 1943 et 1944, évoque sa participation aux combats du 19 février 1944 : « J’étais dans mon commando. Je surveillais les miradors quand ils tiraient. Parce qu’ils nous jetaient des grenades alors il ne fallait pas rester et se couvrir des grenades. Alors j’avais un matelas et puis quand la grenade arrivait, je glissais mon matelas et la grenade roulait à côté. »
Puis il se remémore, avec émotion, la mort d’Aulagne : « Et puis il y en a un qui, lui, n’a pas eu le temps de l’enlever et ça l’a éventré… Aulagne… et il était à côté de moi quand c’est arrivé. ».
Auteur : Fabrice Bourrée
Sources : Amicale des anciens d’Eysses, Eysses contre Vichy 1940-…, Tiresias, 1992.
Le 19 février 1944, Eysses est le théâtre d'une
ambitieuse tentative d'évasion collective (de mille deux cents détenus
politiques). Ce jour-là, alors qu'un inspecteur général effectuait une visite
dans la centrale, les détenus saisissent
l'occasion pour le prendre en otage, ainsi que le directeur milicien de
l'établissement, Joseph Schivo, et quelques membres du personnel, au moment où
ceux-ci pénétraient dans le chauffoir du préau 1. Le plan, préparé depuis
plusieurs semaines par l'état-major clandestin des détenus, consistait à
s'emparer des gardiens et à se rendre maitre de la centrale en silence. Entre
14h, heure de la capture de l'inspecteur et du directeur au préau 1, et 17h,
les détenus progressent, en silence, jusqu'au bâtiment administratif, capturant
et ligotant les surveillants au fur et à mesure de leur avancée.
Cependant, l'alerte est donnée vers 17 heures par
une corvée de droits communs de retour dans la détention. Alerté par des coups
de feu, la garde extérieure met alors en batterie des armes automatiques aux
fenêtres des bâtiments d'entrée donnant sur la cour d'honneur et commence à
ouvrir le feu sur les locaux de détention. Les groupes de choc, formés en
particulier d'Espagnols bénéficiant de l'expérience du combat à la faveur de la
guerre civile, après avoir sommé en vain les GMR des tourelles de les laisser
sortir, tentent, à plusieurs reprises, de franchir les murs de l'enceinte
extérieure en attaquant le mirador nord-est à la grenade. Certains détenus atteignent
les toits, tirent à coups de mitraillette sur les gardes, pendant que d'autres,
protégés par des matelas, tentent de monter à l'échelle jusqu'au mirador de la
porte Est. Toutes ces tentatives sont repoussées. Du coté des détenus il y a un
mort - Louis Aulagne - deux blessés graves et trois blessés légers. On compte
un tué et un blessé parmi le personnel pénitentiaire et seize blessés parmi les
forces de l'ordre.
Vers 21 heures, les troupes d'occupation venues
d'Agen encerclent la centrale, munies de pièces d'artillerie. Vers minuit,
l'état-major des détenus, installé dans le poste de garde du bâtiment
administratif, tente de parlementer plusieurs fois par téléphone avec la
préfecture, demandant au préfet de les laisser sortir, en arguant de la
qualité des otages qu'ils détiennent. C'est Auzias qui dirige ces négociations
avec la préfecture afin d'obtenir une reddition acceptable. On libère alors le
directeur Schivo qui confirme le traitement correct dont il a été l'objet et
relaie la demande des détenus auprès des autorités. Il est ici intéressant de
signaler que tous les témoins insistent sur l'attitude particulièrement veule
du milicien qui, craignant pour sa vie, tentera de se justifier par toutes
sortes d'attitudes mensongères, tout en faisant état de sa qualité d'officier
français. Vers trois heures, le commandant des troupes allemandes lance un
ultimatum donnant aux révoltés un quart d'heure pour se rendre sans condition,
faute de quoi la centrale sera bombardée. Les détenus demandent alors, par l'intermédiaire
du directeur, un délai d'une heure pour regagner leurs dortoirs et déposer les
armes (temps également nécessaire pour faire disparaître un certain nombre de
papiers compromettants), celui-ci ayant donné sa promesse d'officier qu'il n'y
aurait pas de représailles. Ce délai est refusé. Conscient que la poursuite des
combats se solderait par un échec, les détenus libèrent les otages, abandonnent
leurs armes (onze mitraillettes et huit grenades) et regagnent leurs
dortoirs : il est environ quatre heures du matin.
D'après l'ouvrage de Corinne Jaladieu, La prison politique sous Vichy. L'exemple des centrales d'Eysses et de Rennes, L'Harmattan, 2007.