Genre : Film
Type : Documentaire filmé
Producteur : Samosir Productions et 16 bis Productions
Source : © Avec l’aimable autorisation d’Alain Ferrari, réalisateur Droits réservés
Détails techniques :
Extrait vidéo du documentaire « Milice, film noir » réalisé par Alain Ferrari et sorti en 1997. Durée totale : 02 :18 :00s. Durée de l’extrait :
Date document : 1997
Lieu : France - Nouvelle-Aquitaine (Aquitaine) - Lot-et-Garonne - Villeneuve-sur-Lot
Sur ces images, René Filhol longe l’allée menant à la cour des fusillés puis se tournant vers le quartier cellulaire montre la petite fenêtre depuis laquelle il a entendu l’exécution de ses camarades. Après une vue générale du mur des fusillés, la caméra montre chacune des plaques nominatives.
Le commentaire, dit par Michel Bouquet, introduit le témoignage de Filhol : « A Eysses, la cour martiale rend son verdict : douze condamnés à mort - dix Français et deux républicains espagnols. René Filhol, qui faisait partie de la première liste de 50, a la vie sauve. »
Puis René Filhol raconte ce qu’il a entendu ce jour-là : « Le 23 au matin, on a frappé ; c'était mon ami le surveillant qui me dit "Filhol, on va fusiller vos camarades, mais vous, vous ne risquez plus
rien." Et il est parti. Nous avions remarqué qu'il y avait une petite fenêtre dans le haut de notre cagibi. On va se lever, et par le petit fenestron, la petite fenêtre, j'ai aperçu, dans le coin de la cour,
attaché à un poteau, un camarade qui allait être fusillé, mais je ne voyais pas les autres. Et puis tout d'un coup j'ai entendu une voix. J'ai reconnu celle de notre camarade Auzias : "Il fait honte à ceux qui vont les fusiller de tuer des patriotes !" Et c'est à ce moment- là qu'on s'approche pour les cagouler de force. La cagoule mise, c'est la Marseillaise qu'ils entonnent de plein chœur. "En joue !"
Une voix qui fait peur, et nos camarades qui vont mourir entonnent le Chant du départ : "Un Français doit mourir pour elle, pour elle un Français doit mourir." Et les paroles s'éteignent sous les coups de feu qui éclatent et qui mettent fin à cette mascarade terrible. Et à ce moment-là jaillit le chant de La Marseillaise qui vient de tous les préaux. »
Présentation du film documentaire « Milice, film noir » :
Ce film est construit à partir des témoignages de quelques-uns des acteurs encore vivants (en 1995- 96) de cette période de l’Occupation qu’ils aient été alors d’un bord ou de l’autre. Chacun raconte, de son point de vue, l’histoire de la Milice française qui fut créée à Vichy, fin Janvier 1943 par Pierre Laval. Chacun dit à quel point cette Milice perpétua, sous une forme souvent délirante, les luttes des mouvements et partis d’extrême droite des années 30. Force du «maintien de l’ordre» et outil de la politique de collaboration, la Milice constitue l’épisode le plus sanglant de l’histoire de Vichy. Réalisé par Alain Ferrari, le documentaire produit par Samosir Productions et 16 bis Productions, sort en salle le 10 décembre 1997. Le commentaire écrit par Jacques Delperrié de Bayac, spécialiste de l’histoire de la Milice, et Alain Ferrari, est dit par Michel Bouquet.
Auteurs : Fabrice Bourrée
Le 19 février 1944, Eysses est le théâtre d'une
ambitieuse tentative d'évasion collective. Après plusieurs heures de combat et
face aux menaces des autorités allemandes de bombarder la centrale,
l'état-major du bataillon d'Eysses décide de déposer les armes le 20 février à
5 heures.
Se trouvant à Vichy,
Joseph Darnand, Secrétaire général au maintien de
l'ordre, est
avertis dans la nuit de cette situation exceptionnelle. Il se rend d'urgence à Eysses, où il arrive dans
l'après-midi du 20 février. Il dirige alors en personne la répression, donnant l'ordre de renforcer la garde extérieure et
d'introduire des forces de police dans la centrale, ce
afin d'organiser une fouille générale des locaux et des détenus. Il repart pour
Vichy le lundi 21 février dans la matinée, après avoir exigé « cinquante
têtes ». L'enquête menée par les brigades mobiles de Limoges et de
Toulouse permet de désigner les prétendus meneurs de
la mutinerie. Les détenus sont tous rassemblés dans les préaux, ceux qui sont
désignés sont mis à l'écart et conduits au quartier cellulaire.
Seize personnes sont
immédiatement mises en cause - « comme meneurs actifs et armés de la
mutinerie » :
Auzias Henri, avec neuf témoins à charge,
dont trois l'ayant vu porteur d'un revolver, les autres « donner des
ordres et parlementer au téléphone »
Stern Joseph, vu armé d'une mitraillette
par quatre surveillants
Bernard François, mis en cause,
en tant que « chef à qui les autres détenus demandaient des
instructions » par le directeur et son garde du corps, et en tant que
blessé
Chauvet Jean et Brun Roger mis
en cause par le premier surveillant Dupin, qui affirme les avoir vus participer
à la mutinerie avec une arme
Sero Jaime, Marqui Alexandre,
Sarvisse Félicien et Serveto Bertran, tous les quatre blessés, le dernier par
une grenade. Parmi eux, seul Serveto reconnaît avoir transporté des matelas
pour attaquer le mirador, les autres nient toute participation active.
Vigne Jean, Guiral Louis et
Pelouze Gabriel, tous trois mis en cause par le détenu L., Vigne et
Pelouze : pour avoir commandé l'attaque du mirador, le dernier donnant des
ordres et
Guiral pour avoir défoncé le plafond de la lingerie et jeté des grenades sur le
mirador
Canet jean, légèrement blessé
au bras
Fieschi Pascal, accusé par le
surveillant-chef d'avoir agressé le directeur
Brinetti Henri, accusé par le
surveillant-chef d'être l'agresseur de l'inspecteur et, par un surveillant, de
l'avoir menacé d'un revolver.
Seuls deux des principaux
responsables, Auzias et Bernard, sont donc mis en cause. Le seul détenu
« dénonciateur », est un blessé : L. Lucien, qui, sans doute dans
l'espoir de voir sa vie épargnée, se déclare immédiatement disposé à raconter tout ce qu'il
sait sur les événements du 19 février. Parmi les mille deux cents détenus
interrogés, c'est le seul qui parlera, et ses déclarations seront lourdes de conséquences...
Le mercredi 23 février, à
quatre heures du matin, la cour martiale se réunit pour l'examen de quatorze
procès-verbaux, parmi les seize initialement choisis. Deux détenus échappent
donc de justesse à la cour martiale : le dénonciateur en contrepartie de
ses révélations et Brinetti, mis hors de cause par l'inspecteur qui ne
reconnaît pas en lui l'homme désigné comme son agresseur. Notons que Pascal
Fieschi, accusé d'avoir capturé le directeur, est lui amené à comparaître
car il a été formellement reconnu par ce dernier comme étant son assaillant. Les
témoignages recueillis auprès du personnel sont donc déterminants.
Les procès-verbaux sont remis à
la cour martiale qui délibère à huis clos. Douze détenus sur quatorze sont
condamnés à mort, les deux autres, Fieschi et Canet devant être présentés
devant le procureur de la République afin
d'être poursuivis par la section spéciale
de la cour d'appel. A dix heures, le président de la cour martiale, assisté de
deux juges, a déjà lu la sentence aux condamnés, qui sont passés par les armes
à onze heures. Six heures au plus se sont donc écoulées entre la remise des
procès-verbaux à la cour martiale (une quarantaine avec ceux des accusateurs)
et l'exécution de la sentence, sans aucune défense ni plaidoirie.
Outre les deux
« rescapés » de la cour martiale, Canet et Fieschi, dix-neuf autres
dossiers doivent être soumis à la section spéciale. Les détenus visés sont
tous suspectés, soit d'avoir participé activement à la mutinerie (sept
détenus), soit d'avoir joué un rôle dans l'organisation clandestine des
prisonniers (douze détenus). Au total, vingt et un dossiers sont renvoyés
devant la section spéciale d'Agen ; ces
hommes sont envoyés au quartier cellulaire
avec une trentaine d'autres détenus contre lesquels aucune charge particulière
n'est retenue, mais qui ont été mis de côté lors de la sélection du 20 février,
soit en raison de leur insubordination, soit après avoir été désignés par le personnel. Le quartier
cellulaire devient alors pour les détenus et la Résistance extérieure le
« quartier des otages ». Trente six détenus du quartier cellulaire
seront transférés vers la prison de Blois le 18 mai avant de rejoindre
Compiègne pour être déportés. Les autres sont livrés aux autorités allemandes
le 30 mai 1944.
D'après l'ouvrage de Corinne Jaladieu, La prison politique sous Vichy. L'exemple des centrales d'Eysses et de Rennes, L'Harmattan, 2007.