« Mouchard » surprenant un groupe de résistants dans les collines du Diois

Légende :

Le souvenir du « mouchard » est toujours vif dans la mémoire des résistants survivants

Genre : Image

Type : Dessin

Producteur : réalisation Albert Fié

Source : © Archives privées Albert Fié Droits réservés

Détails techniques :

Gouache sur papier dessin, 13 x 20 cm.

Date document : 2003

Lieu : France - Auvergne-Rhône-Alpes (Rhône-Alpes) - Drôme

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Analyse média

Albert Fié a exprimé par plus de 150 dessins ou gouaches ses souvenirs de Résistant dans la région de Crest. Son œuvre touche tous les domaines de la vie de maquisard depuis son entrée dans le mouvement en janvier 1943 comme chargé de mission de 4e classe dans le réseau Roger-Buckmaster. Il a vécu les premiers accrochages de juin 1944, les combats de l'été, jusqu'à la libération de Valence-sur-Rhône. Il évoque de façon pittoresque les aléas de la vie quotidienne.

Sur une feuille de papier dessin 21 x 29,7 cm, Albert Fié a transcrit le souvenir d'un épisode de sa vie de maquisard poursuivi par les troupes allemandes dans les collines du centre de la Drôme. En plus de sa signature, Albert Fié a dessiné l'emblème de sa compagnie, l'ancre de marine associée à la croix de Lorraine. Cette image s'explique par le fait que le chef de cette compagnie était Paul Pons, officier de marine marchande. Le théâtre d'opération de la compagnie est le secteur du bassin de la Drôme, entre Die et Crest, plus particulièrement les contreforts méridionaux du Vercors.

Albert Fié a dessiné plus de 40 ans après les événements. Il traduit un souvenir qui l'a fortement marqué. Avec le temps il ne s'est pas estompé, au contraire il s'est amplifié au point que l'avion tient la moitié du dessin, traduisant ainsi la hantise d'être repéré et pourchassé.

La scène représente le survol, à très basse altitude, de résistants armés, par un avion de reconnaissance et d'observation allemand identifié grâce à la croix noire. Une certaine panique semble régner parmi les hommes. Techniquement, le dessin de l'appareil est très schématique et ne correspond guère à la réalité. Seuls, l'aile haute, le train d'atterrissage fixe sont caractéristiques des avions « mouchards » Fieseler 156 « Storch » (cigogne) qui opéraient en 1944 dans la Drôme. Peu importe. Le vaste poste de pilotage vitré, le pilote et l'observateur assez réalistes, ont impressionné l'auteur. L'important est de remarquer la grandeur exagérée de l'appareil et sa proximité invraisemblable par rapport au sol. À la façon d'une anamorphose, elles traduisent la vigueur du souvenir du maquisard repéré et pourchassé par cet avion annonciateur soit d'une attaque terrestre, soit d'un mitraillage par des chasseurs-bombardiers. Cette peur du mouchard n'est pas spécifique à Albert Fié. Tous les maquisards, particulièrement ceux qui agissaient dans un milieu montagnard, rappellent dans l'évocation de leur action le rôle de cet avion. Dans la mémoire collective, le « mouchard » tient une place semblable à celle de l'avion en piqué « Stuka » qui terrorisait soldats et civils lors de la campagne de France en mai, juin 1940.


Auteurs : Alain Coustaury
Sources : Archives et témoignage Albert Fié.

Contexte historique

Le dessin évoque des épisodes vécus par Albert Fié en juin et surtout juillet 1944 dans la région de Saillans, au-dessus de Vèronne.

L'action de l'avion de reconnaissance et d'observation est facilitée dans la Drôme par la proximité de plusieurs aérodromes avec les maquis et les lieux de combats. Depuis quatre aérodromes, les Allemands pouvaient surveiller et repérer les mouvements de la Résistance. Au nord du département, ils disposaient du terrain d'aviation d'Albon – le Creux de la Thine, au centre de celui de Valence-sur-Rhône – Chabeuil - la Trésorerie, au sud de ceux de Montélimar – Ancône et de Pierrelatte. Même si le rayon d'action du Fieseler « Storch » était inférieur à 400 km, il pouvait facilement rejoindre son terrain d'opération toujours distant de moins de 100 km. Comme les aérodromes drômois n'ont jamais été sérieusement bombardés, la liberté d'action des avions allemands était grande. La Résistance ne disposant pas d'artillerie antiaérienne, la Luftwaffe a pu utiliser pleinement ses appareils. Ce fut le cas notamment lors de l'attaque générale du Vercors à partir du 21 juillet 1944. Mais dès le 6 juin, à Crest, Albert Fié subit avec ses camarades une attaque soutenue et renseignée par l'avion d'observation. Ce dernier signale la présence des maquisards retranchés dans le cimetière de Crest. Les résistants doivent se replier sous le feu de l'infanterie allemande. Il en est de même lors de l'attaque du Vercors. Les Allemands remontent la vallée de la Drôme pour contrôler le flanc sud du massif. Ils sont accrochés à Aouste-sur-Sye, aux Grands Chenaux puis à Saillans et Espenel. Surclassés en nombre et en armement, ayant subi des pertes, les maquisards sont obligés de se replier dans les collines de part et d'autre de la Drôme. Leur retraite est suivie par le mouchard qui les signale aux chasseurs-bombardiers. C'est cette retraite dramatique qu'évoque Albert Fié dans son dessin.


Auteurs : Coustaury Alain, Fié Albert
Sources : Pons Paul, De la Résistance à la Libération.

Mémorial d’Espenel