Légende :
Les « Mongols » font boire leurs chevaux à la fontaine de l’avenue du Fossé à Saillans. Le souvenir des « Mongols » est resté vivace dans la mémoire de la population drômoise.
Genre : Image
Type : Dessin
Producteur : Réalisation Albert Fié
Source : © AERD, fonds Albert Fié Droits réservés
Détails techniques :
Dessin à la gouache.
Lieu : France - Auvergne-Rhône-Alpes (Rhône-Alpes) - Drôme - Saillans
Ces « Mongols » sont des militaires de type asiatique, originaires des républiques soviétiques du Caucase ou d’Asie Centrale qui avaient été mobilisés dans l’Armée Rouge. Faits prisonniers par les Allemands, ils ont été enrôlés dans la Wehrmacht qui les utilise comme auxiliaires dans ses opérations de répression. Ces troupes de représailles ne se battaient pas, elles suivaient l’armée et avaient pouvoir de satisfaire tous leurs besoins sur les lieux.
Après avoir sévi avec beaucoup de brutalité à Crest, les « Mongols » continuent leur route derrière les troupes de la Wehrmacht et arrivent à Saillans, avant de se rendre à Die. Sont-ils lassés ou ont-ils été réprimandés ? Leur comportement ne laissera pas de trace.
Le dessin d’Albert Fié les représente en train de faire boire leurs chevaux à la fontaine de l’avenue du Fossé à Saillans.
À Crest, on apprend dans la matinée du 20 juillet que les Allemands arrivent et seraient à la Croix de Romans, à l’entrée ouest de l'agglomération. Aussitôt, la panique se répand dans la ville. Les gens passent le pont en courant, comptant se réfugier dans la partie sud, hors de la voie principale de la vallée. Quelques camions et voitures prennent le même chemin, puis la route des Plantas vers l’est. L’abbé Jaquet s’enfuit à bicyclette. Deux résistants s'engagent dans le lit de la Drôme et se mettent à l'abri dans des buissons, mais les civils qui s'y étaient tapis leur font comprendre qu'ils ne voulaient pas être compromis par eux. Ils parviennent à rejoindre leur compagnie à Vaunaveys.
Très vite, des soldats allemands sont dans toutes les rues, mitraillette au bras, grenades à la main. Ils contrôlent tous les passants. On note la présence de nombreux « mongols à l’air particulièrement sauvage et féroce ». Ils se livrent à des fouilles et des pillages systématiques, par exemple le vol chez Thiers de 4 000 francs à une réfugiée de Toulon. La grande rue est pleine de camions allemands : l’état-major se réunit devant le magasin Hérold, cartes en mains. Ils détiennent une dizaine de prisonniers sur un camion. Ils réquisitionnent l’hôtel Rochat pour y installer la Kommandantur. Crest est occupé par un millier d’Allemands, surtout des Mongols et des Alsaciens Lorrains.
Crest va donc connaître des jours d’épouvante, des scènes de pillage, de destruction, et surtout de viols répétés. 120 femmes, 200 dit-on même, furent violées, gosses, femmes enceintes, jeunes, vieilles, tout leur fut bon. Parfois cela se passait sous les yeux des parents ou du mari tenu en respect par un acolyte. Une petite fille de 13 ans en serait morte à l’hôpital. Le 21 juillet, le curé Eynard et le pasteur Foltz vont personnellement protester à la Kommandantur de Valence contre ces viols qui depuis la veille se multiplient. Sans autre résultat que d’avoir frôlé de bien peu l’arrestation.
Le 23 juillet, on voit des Mongols se promenant avec 7 ou 8 montres au bras. D’autres essaient les bicyclettes qu’ils ont volées. Ils ne savent pas en faire et buttent dans les murs, passent par-dessus les guidons, tombent des trottoirs en poussant des cris. Ce soir-là, cinq personnes, dont deux femmes, sont emmenées en camion par les Allemands de Crest à Valence. Scène pénible. « Nicht schone » (pas joli) dit même un sous-officier allemand au docteur Thiers.
Lorsque les Allemands commencent à se replier, les « Mongols » continuent à les suivre, essayant d’emporter leur butin : tout le long de la route, on croise des troupeaux que « des soldats à tête de sauvages » emmènent : bœufs, vaches, moutons,… Le 2 août, arrive sur le Champ de Foire une importante caravane de cavalerie menée par des « Mongols ».
Le samedi 5 août, les Allemands quittent Crest. Deux jours après, le lundi soir, les Mongols et leurs chevaux repassent à Crest en regagnant Valence. Ils campent pour la nuit au parc de Soubeyrand. La peur règne à nouveau sur Crest. Pourtant, la jeune agent de liaison Raymonde Lantheaume, de Crest, doit transmettre un message urgent qui doit parvenir avant minuit à Alger par la radio. Au radio, Raymonde devait lui dire d’ « insister pour que les Anglais viennent mitrailler les colonnes allemandes montant sur le Vercors ». Le pli est imprimé sur du tissu de parachute. Raymonde doit traverser la Drôme et passer devant la Feldgendarmerie installée clos Soubeyran. Le Dr Scheffer avait pourtant demandé que femmes et jeunes filles restent chez elles en raison des viols ! Elle dissimule le message dans la socquette de sa fille aînée et part.
Les « Mongols » se sont installés dans plusieurs villages de la vallée, entre autres à Saillans et à Die. Le 2 août, à Die, les soldats allemands sont remplacés par des "Mongols" portant l’écusson "Turkestan" ou "Azerbaidjan". Ils resteront deux jours.
Comme partout où ils ont sévi, les « Mongols » ont laissé un souvenir d’épouvante que traduit encore en 1948 le poème d’un rimeur local, Frédéric Lamande : « Puisses-tu pour longtemps dans tes murs millénaires / Ne jamais plus revoir le Mongol qui campait […] Tu as vu, entendu, poussant des cris de boches / De féroces soldats venus pour t’assiéger… »
Auteurs : Robert Serre
Sources : ADD, 97 J 27, mémoires Alain, tome 3. Georges Brès, in Le Crestois du 29 juillet 1994. Le Dauphiné Libéré du 7 octobre 1998. Le Crestois n° 2 498 du 1er mai 1948. Pons, De la Résistance à la Libération. Lucien Micoud, Nous étions 150 maquisards. "Journal du Dr Thiers" (1944) in Le Crestois du 29/07/1994.