Légende :
Ils sont conçus et réalisés à l’intérieur de la prison pendant la période d’octobre 1943 à mai 1944.
Genre : Image
Type : Presse clandestine
Source : © Musée de l'histoire vivante (Montreuil) et FNDIRP Droits réservés
Détails techniques :
Montage des unes des journaux clandestins réalisés à Eysses.
Date document : Sans date
Lieu : France - Nouvelle-Aquitaine (Aquitaine) - Lot-et-Garonne - Villeneuve-sur-Lot
Les journaux clandestins écrits collectivement à Eysses entre octobre 1943 et mai 1944 sont le fruit d’une organisation élaborée, comprenant une équipe rédactionnelle et une équipe technique. Ils permettent l’expression des résistants de toutes tendances, communistes, gaullistes (vocable regroupant en fait tous les résistants non communistes), républicains espagnols. Chaque numéro, généralement en exemplaire unique, est affiché dans les préaux, passant à tour de rôle de l’un à l’autre. Les articles répondent à des objectifs bien précis d’efficacité immédiate pour la lutte menée en prison, et d’une formation politique et culturelle destinée à préparer l’après-guerre. Ils permettent également de cimenter le groupe des détenus autour des valeurs fondatrices du "collectif d’Eysses" : l’unité, la solidarité, la combativité contre l’oppresseur et pour la libération de la France.
Les journaux clandestins sont écrits et dessinés à la main sur papier, généralement en un seul exemplaire. Ils comprennent 2 ou 4 pages, calligraphiées et illustrées, en une, deux ou même trois couleurs. Ce travail (auquel participent en particulier Pierre Bonfante pour l’écriture et Louis Cuoq pour les dessins) est réalisé la nuit, sous une veilleuse, entre deux rondes de surveillants.
La réalisation de ces journaux clandestins est particulièrement soignée afin de leur donner un aspect véritablement professionnel malgré l’absence de tout moyen d’impression.
Parmi les thèmes abordés, on trouve d’abord l’organisation et la vie des détenus à l’intérieur de la prison. Les événements qui cimentent le groupe sont particulièrement mis en valeur et l’unité entre tous les résistants est célébrée, même si les difficultés rencontrées dans ce domaine ne sont pas masquées. Des informations sont données et commentées sur la résistance extérieure et le déroulement de la guerre. Une place est toujours réservée à la culture générale (éducation, histoire, littérature, poésie, art…) et à l’avenir de la France libérée (montrant des aspirations éducatives, économiques, sociales et démocratiques proches de celles du programme du Conseil national de la Résistance). Enfin, malgré la dureté de la situation, quelques rubriques humoristiques (comme « Qui Eysses qui rit ? dans Le Patriote enchaîné daté du 20 décembre 1943») sont là pour entretenir le moral.
Les quatre journaux présentés dans le montage ci-contre sont : Bulletin des Jeunes, n°2, janvier 1944 ; Le Patriote enchaîné, n°1, 11 novembre 1943 ; Le jeune enchaîné, sans date ; L'Unité, n°2, novembre 1943. Les originaux de ces exemplaires uniques sont conservés au Musée de l'histoire vivante de Montreuil et à la Fédération nationale des déportés internés résistants et patriotes (Paris 16e).
Auteur : Gérard Michaut
Sources : Corinne Jaladieu, La prison politique sous Vichy. L’exemple des centrales d’Eysses et de Rennes, L’Harmattan, 2007.
Parmi les journaux clandestins réalisés à la centrale d’Eysses, neuf exemplaires ont été conservés. Il s’agit de quatre numéros de l’Unité, organe des embastillés d’Eysses, de deux numéros du Patriote enchaîné, organe des emprisonnés politiques de la centrale d’Eysses. Deux autres journaux sont spécifiquement adressés aux jeunes : Le jeune enchaîné, organe des jeunes patriotes emprisonnés à la centrale d’Eysses, et le n°2 du Bulletin des jeunes, bulletin des JC (jeunes communistes) emprisonnés à Eysses, daté de janvier 1944. Ces journaux permettent de comprendre les ressorts de l’organisation interne et la nature des débats engagés en détention.
On y trouve un grand foisonnement d’articles souvent critiques, permettant de saisir la vie d’une communauté nombreuse avec ses difficultés quotidiennes mais aussi ses constants efforts d’unité et d’organisation. « Bienvenue aux arrivants, au milieu de notre puissant Collectif, éloigné des griffes de la Gestapo » annonce un article de l’Unité : l’auto perception est davantage celle d’une microsociété libre et solidaire, à l’image de la République proclamée sur la citadelle du Vercors, que celle d’une centrale ! On se situe dans un système de représentation politico-syndical loin du modèle corporatiste prôné par Vichy. L’ensemble des activités réalisées en prison sont lancées comme un défi aux autorités répressives. En même temps, elles servent à endormir la surveillance pour donner le change et laisser croire que leur esprit est davantage tourné vers les jeux et les chansons que vers les luttes.
L’action révèle clairement un contenu politique anti-Vichy et anti-occupant, le symbolique et le politique dépassent de loin les revendications matérielles. Le contenu des articles reflète le foisonnement intellectuel et la richesse des débats, alors que dans le même temps le régime de Vichy et l’occupant contrôlent et censurent sévèrement les journaux. A Eysses, c’est par un rapport de force savamment organisé que les détenus politiques parviennent à inverser le régime discriminatoire qui leur était imposé !
Auteur : Gérard Michaut
Sources : Corinne Jaladieu, La prison politique sous Vichy. L’exemple des centrales d’Eysses et de Rennes, L’Harmattan, 2007.