Légende :
Article paru dans le journal clandestin Le Jeune enchaîné (non daté), rubrique « Notre vie » (au centre de la page).
Genre : Image
Type : Presse clandestine
Source : © Musée d’Histoire vivante, Montreuil Droits réservés
Détails techniques :
Dimensions de la feuille clandestine : 25,7 x 20 cm. Dimensions de l’article : 8,5 x 5 cm.
Date document : Fin 1943
Lieu : France - Nouvelle-Aquitaine (Aquitaine) - Lot-et-Garonne - Villeneuve-sur-Lot
Article paru dans le journal clandestin Le Jeune enchaîné (non daté), rubrique « Notre vie » (au centre de la page) et dont le titre est « Solidarité ! ». Il fait référence aux gourbis et à l’indispensable union des détenus d’Eysses.
Le titre de l’article ponctué par un point d’exclamation, « Solidarité ! », pourrait être considéré comme un appel aux résistants incarcérés à Eysses. C’est l’expérience acquise par les détenus lors de leurs incarcérations antérieures à leur arrivée à Eysses qui, conjuguées, permettent de mettre en place très rapidement (« Depuis les premiers jours de notre arrivée ») les gourbis et la solidarité. Celle-ci permet de venir en aide aux déficients et d’améliorer ainsi leur état de santé. Mais au-delà de l’impact alimentaire, l’article insiste sur l’importance de cette solidarité. La solidarité c’est l’union, l’union c’est la force et la force c’est la victoire.
Auteur : Fabrice Bourrée
Tous les prisonniers politiques, quelle que soit leur sensibilité, commencent par essayer de se regrouper en décloisonnant l’espace afin d’initier une solidarité pour mieux surmonter la détention. Si beaucoup d’actions convergent, c’est qu’elles correspondent à des priorités identiques pour tous les prisonniers soumis à un régime avilissant : survivre et rester dignes.
Pour s’organiser à l’échelle de la prison lorsque le régime est cellulaire, des responsables se font affecter à des postes clés : infirmerie ou bibliothèque, afin d’établir le lien entre tous les détenus. La participation à la solidarité ne va pas de soi pour des détenus qui souffrent de la faim, la tentation de l’individualisme existe et la contribution de chacun nécessite un travail d’explication permanent de la part des responsables. Les journaux d’Eysses fournissent de multiples exemples de la vie collective avec ses difficultés, ses heurts et la lutte quotidienne pour l’unité dont ils sont un puissant vecteur. La solidarité se pratique de trois façons : par prélèvement accepté de l’intéressé sur son colis à la réception (10%) ce qui permet de donner un surplus alimentaire aux déficients, par virement d’argent de compte à compte effectué par les politiques du service comptabilité (permettant ainsi aux détenus défavorisés qui ne reçoivent pas de mandats de cantiner), enfin par le système des gourbis où tous les biens sont mis en commun, sous la direction d’un responsable qui procède à leur répartition. La direction qui n’a pas les moyens d’assurer l’entretien des détenus ferme souvent les yeux sur l’organisation de la solidarité alimentaire. La tâche est souvent dévolue à des détenus ayant l’expérience d’une telle organisation : à Eysses au préau 4, c’est par exemple Edouard Planque, responsable du Secours Rouge puis du Secours Populaire, qui en a la charge.
D’après Corinne Jaladieu, La prison politique sous Vichy. L’exemple des centrales d’Eysses et de Rennes, Paris, L’Harmattan, 2002.