Plaque à la mémoire de maquisards drômois du camp de la Fournache

Légende :

Plaque du monument aux morts du hameau de Tastevin de la commune de Thines (département de l'Ardèche), à la mémoire des six maquisards du camp de la Fournache dans la commune de Rochebrune (département de la Drôme), morts au combat le 4 août 1943.

Genre : Image

Type : Monument

Producteur : cliché Claude Seyve

Source : © AERD Droits réservés

Détails techniques :

Montage photographique. Cliché numérique en couleur.

Lieu : France - Auvergne-Rhône-Alpes (Rhône-Alpes) - Ardèche - Thines

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Analyse média

À l’entrée du hameau de Tastevin – commune ardéchoise de Thines – a été érigé, en 1948, un monument à la mémoire du combat et du massacre du 4 août 1943, qui ont marqué cette région, le pays des Vans, d’une manière durable.

La plaque présentée ici (celle de droite sur le monument) s’intitule : Maquisards morts pour la France à Tastevin. Elle est surmontée d’un ruban et de fleurs déposés à l’occasion de la dernière commémoration, le mois précédent, le 8 mai 2011. Le choix qui a été fait situe d’emblée le fait comme intimement lié à l’histoire et à la mémoire de la Résistance dans la Drôme.

Les deux premiers noms sont ceux de deux Drômois :
Bernard Georges, 22 ans de Beaumont (Drôme)
et
Blanc Charles, 23 ans de Barthenay (Drôme) [Bathernay ].

En 4ème position, vient Fink [Finck] Maurice 22 ans de Thaon (Vosges) ; telle est du moins son origine, car le jeune homme était, avec sa famille, réfugié à Buis-les-Baronnies (Drôme) au moment des événements.

Plus précisément, les six noms figurant sur la plaque sont tous ceux de volontaires venant du maquis FTPF de La Fournache, cantonné à l’époque dans la ferme qui porte ce nom, sise sur la commune de Rochebrune, à proximité de Buis-les-Baronnies, chef-lieu de canton. On peut être surpris que des réfractaires au STO, devenus des combattants volontaires pour la libération de leur pays, aient quitté le Vaucluse ou l’Ardèche voisins, voire la Lozère, pour rejoindre un maquis drômois : les raisons de clandestinité et d’organisation résistante l’exigeaient. C’est dans ce cadre-là également, que l’on peut comprendre l’intervention d’éléments d’un maquis drômois en Ardèche, à Tastevin précisément : il s’agissait à l’été de 1943, de préparer un parachutage.

La stèle, édifiée par la commune en 1948, où fut fixée la plaque la plus ancienne et l’inscription « ici ont été trouvés les victimes de la fusillade du 4 août 1943 », fut placée alors à proximité de la maison Bastide, lieu où fut anéanti le groupe FTP, précise Gilbert Comte, fils du maire de la Libération, habitant actuellement à Tastevin. Il ajoute, lors de la rencontre à son domicile – la maison de sa mère – (voir album) : par la suite, la stèle a été descendue et installée à proximité de la route, près d’un grand tilleul et près de la rivière, afin d’assurer un meilleur accès aux visiteurs et une meilleure pérennité à la mémoire. La plaque observée a donc suivi la stèle qui la supporte depuis 1948. Par ailleurs, sur la maison Bastide, une plaque a été apposée la même année, en 1948, par le conseil municipal : « Honneur aux héros de la Résistance fusillés le 4-8-1943 Don du Conseil Municipal de Thines 1948 ». Gilbert Comte attire l’attention sur le fait que les impacts des balles sont encore perceptibles sur les pierres de la maison Bastide, acquise maintenant par Léa et Léo Ribbens, de nouveaux propriétaires, Belges…

On remarque que, 5 ans après les événements, la conseil municipal tient à exprimer l’émotion persistante de la commune au souvenir de ce qui est, à l’échelle locale, un drame important. La volonté de manifester ce sentiment est telle que l’on accompagne l’érection du monument de la pause d’une plaque sur la maison même qui fut assiégée et qui connut les derniers moments des résistants. Il n’est pas sans intérêt de noter la remarque du témoin cité concernant le choix du premier emplacement du monument, à savoir la proximité immédiate du lieu où les combattants et les habitants ont trouvé la mort : on a pensé d’abord au souvenir des gens d’ici. Puis, il y a eu le projet et la réalisation de l’important monument du chef lieu, avec œuvre d’artiste ; sans doute aussi sont intervenus des différents avec la préfecture de l’Ardèche… finalement on a pensé faire connaître le martyre de Tastevin très largement, ce qui explique le déplacement du monument du hameau, quitte à perdre un peu de l’authenticité des lieux. Le « ici » de la plaque la plus ancienne doit maintenant être compris dans un sens un peu plus large, épousant les déplacements des phénomènes de mémoire.


Auteurs : Claude Seyve Michel Seyve

Contexte historique

Comme nous l’avons constaté, la plaque en l’honneur des victimes drômoises est accompagnée d’une autre inscription sur le monument de Tastevin ; également, une troisième inscription, conçue en même temps que celle des maquisards morts pour la France et sur la même plaque, retrace sommairement la trame des événements.

« Le 4 août 1943. Une forte colonne de la Wermacht vient de Nîmes guidée par un milicien pour attaquer huit maquisards FTPF et des hommes du réseau américain TOMY installés dans ce hameau en vue d’un parachutage… » Suivent les mentions des 6 morts chez les maquisards et de trois « habitants assassinés sans motivation par les nazis… » suivies de leur trois noms. Enfin cette remarque achève l’inscription : « C’est une des premières attaques de maquis en France, relatée par Radio-Londres ».

Trois éléments peuvent aider à situer le contexte dans lequel se construit la mémoire (et l’histoire) des faits évoqués par la plaque considérée.

D’abord l’édition en mars 2011 de Sylvain Villard, après son premier ouvrage en 1993, La tragédie de Tignes pose le problème de la recherche tendue des « responsabilités » du drame au fil des années, par des écrivains et des historiens, mais aussi par la société elle-même.

Ensuite, l’ouvrage relance les processus de mémoire : à travers des témoignages, il autorise par exemple à imaginer la fin des hommes dont la plaque révèle le nom. Fernand Arnaud, l’un des deux rescapés par exemple s’entretenant avec Demontés (L’Ardèche martyre) évoque les derniers instants avec ses camarades. Alors que voyant la bataille perdue, deux de leurs camarades se sont suicidés, les grenades incendiaires enflamment le grenier à foin, puis toute la maison, dont le plancher s’effondre. L’un d’eux à bout de nerfs, est comme prostré. Les cinq autres décident de tenter une sortie. Quatre passent la porte et tombent sous les rafales allemandes. Finalement, Arnaud s’élance, et franchit la porte, échappe aux balles et, protégé par la fumée, dès l’encoignure de la maison, se jette dans un roncier. De sa cache, il voit passer son dernier camarade sous la garde des Allemands, Arnaud reste ainsi deux jours, camouflé. Il en sort dans un état pitoyable, et, par chance et volonté, poursuivra son combat.

Enfin, la part de l’opinion vivante actuelle telle que Gilbert Comte, par exemple la traduit. Il avait sept ans quand il a entendu les coups de feu du combat du 4 août 1943. Après quelques remarques sur la nouvelle place du monument évoqué plus haut, il repense avec émotion au terrible périple que sa grand-mère fit ce jour-là. Comme chaque jour, tôt le matin, elle a quitté la maison, située plus bas que Tastevin. Elle grimpa ainsi du hameau de Vallée à celui de Tastevin, plus haut dans la montagne. La côte était rude pour atteindre son but. Atteignant la maison Bastide, elle rencontra, camouflés dans les broussailles, sous la ferme qu’ils avaient encerclée, des soldats allemands en position. Un homme lui demanda alors de rentrer chez elle. Elle expliqua qu’elle s’apprêtait à aller ouvrir à ses moutons, ayant passé la nuit dans une bergerie située encore au-dessus de la maison Bastide, pour les conduire à la pâture vers le sommet. On insista pour qu’elle revienne rapidement chez elle : « rentrez vite ! », lui ordonna-t-on. Elle retourna à la maison familiale, vers Vallée, mais croisa, à l’entrée de Tastevin, au niveau du tilleul, un autre groupe d’Allemands. À nouveau, il lui est expressément demandé de regagner son logis. Enfin, elle est à nouveau chez elle, très essoufflée et bouleversée, insiste Gilbert Comte qui se souvient de ses paroles : « C’est pas beau ce qui se passe au Tastevin ». C’est alors que le père de Gilbert décida de faire le tour du hameau de Vallée pour inciter vivement tous ceux qui le pouvaient à s’éclipser rapidement sur les hauteurs.


Auteurs : Claude Seyve, Michel Seyve
Sources : Sylvain Villard, La tragédie de Thines, 1993, éditions Michel Rigaud, chemin de Côte-Rôtie 07000 Coux et 1943 LES SACRIFIÉS DE LA FOURNACHE ou L’Affaire de Thines dans sa vraie dimension, 363 p, mars 2011. AN, BCRA, 3AG2/478-171Mi189. ADD, 9 J 3, 1920 W. Demontès A., L’Ardèche martyre, Ed. Mazel, 1946. Ducros Louis-Frédéric, Montagnes ardéchoises dans la guerre, Bourg-lès-Valence, 1977. Mémoire d’Ardèche et Temps Présent, n°43 août 1994. Villard Sylvain, pseudonyme du colonel Rigaud, La tragédie de Thines, Privas, Imp. Cévenole. 1993. Collectif, cédérom La Résistance dans l’Ardèche, AERI-Musée départemental de la résistance en Ardèche et de la déportation, 2004 Martin. Thèse A. Chaffel. Pons. Dufour. Morvan. Plaque com. Romans. Monument aux morts Buis-les-Baronnies. Plaque à Malarce-sur-Thine (Ardèche).