Carte des vierges du vœu du 15 août 1944

Légende :

Dans la Drôme, carte des statues des Vierges du Voeu, 15 août 1944

Genre : Carte

Type : Carte

Producteur : réalisation Alain Coustaury

Source : © Archives Alain Coustaury Droits réservés

Détails techniques :

Carte format numérique en couleur.

Date document : juillet 2011

Lieu : France - Auvergne-Rhône-Alpes (Rhône-Alpes) - Drôme

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Contexte historique

L'histoire des Vierges du Vœu du 15 août 1944 semble être une affaire propre à la Drôme. Il y aurait deux origines à ce mouvement : un, local, à Die, et un diocésain. Le 9 juillet 1944, à Die, l'abbé Jean Bossan pousse ses paroissiens à implorer la protection de la Vierge et à faire le vœu de remplacer une statue de Vierge si la ville est protégée. Or, Die est dramatiquement occupée en juillet et août 1944. Si la ville n'est pas incendiée dans le cadre de l'attaque du Vercors, des otages sont toutefois fusillés. Le vœu est cependant réalisé en 1948. C'est l'évêque de Valence-sur-Rhône, Monseigneur Camille Pic, qui lance le mouvement départemental. L'attitude de ce prélat devant les événements est intéressante à préciser. Comme beaucoup de ses condisciples, il est maréchaliste. Puis, à partir de 1942, il réprouve l'antisémitisme d'État et protège les Juifs. En chaire, il critique l'occupation allemande ce qui lui vaut d'être menacé d'une arrestation. C'est dans la Semaine religieuse du diocèse de Valence-sur-Rhône, Die et Saint-Paul-Trois-Châteaux du 26 juillet 1944 qu'il lance le mouvement de la Vierge du Vœu. On peut retenir une phrase essentielle : « En chacune des paroisses de ce diocèse, le clergé, et les chefs de foyers […] sont invités à placer sous la protection de Marie en même temps que leur personne, les personnes et les biens dont ils ont la garde. Ils feront en outre le double vœu d'ériger, en un lieu élevé, public ou privé, un sanctuaire ou une statue à la Vierge sur le territoire de la paroisse et de venir chaque année en pèlerinage remercier Notre Mère de sa protection efficace. » La date du vœu est fixée le 15 août 1944, fête de l'Assomption. Les circonstances du moment sont dramatiques dans la Drôme. Le massif du Vercors a été investi par les Allemands qui détruisent la Résistance et commettent des exactions sur les civils. Le prélat, dans la même revue, critique les Français qui « attirent les représailles sanglantes annoncées par le Maréchal » On aperçoit bien toute l'ambiguïté du personnage et du sens du Vœu.

Ce vœu ne pourra être réalisé qu'après la fin de la guerre. On peut noter la coïncidence de l'émission de la date du Vœu et celle du débarquement de Provence le 15 août 1944, prélude à la libération de la Drôme. Certains peuvent y voir la concrétisation du vœu.

Le 15 juillet 1945 a lieu la première inauguration d'une statue de Vierge du Vœu à Ambonil. Épargnée par les affres de la guerre après avoir été sous le feu croisé de l'US Army et de la Wehrmacht, cette commune, entièrement catholique, répondait parfaitement aux critères d'érection d'une statue. Mais, au matin de l'inauguration, les pratiquants découvrirent une statue brisée volontairement ! La consécration eut quand même lieu en utilisant la maquette en plâtre. Les orateurs blâmèrent cet acte de vandalisme. Camille Pic fit part de son indignation. Mais également, un journal, paru le 6 août, se demandait si les sacs de ciment utilisés à Ambonil n'auraient pas été plus utiles pour reconstruire Vassieux-en-Vercors. Cette affaire traduit bien dans quelle ambiance l'érection de ces statues se déroula. L'auteur de la notice se souvient bien de ce qui lui raconta son père, instituteur laïc. Dans la ferme paternelle, l'instituteur reçut la visite de l'abbé Gitareu qui, selon la demande de l'évêque, devait visiter et avertir les paroissiens au sujet de la Vierge du Vœu. L'instituteur fit, vertement, remarquer à l'abbé que sa visite aurait été mieux venue au moment de la déclaration de la guerre plutôt qu'une fois la paix retrouvée. L'abbé se vengea le dimanche suivant du haut de sa chaire en invectivant les mécréants qui dénigraient l'érection des statues de la Vierge ! Malgré ces aléas, les statues de Vierge se multiplient jusqu'au début des années cinquante. Leur consécration se déroule selon un cérémonial bien précis réunissant personnalités religieuses et parfois politiques à une époque où la pratique religieuse est encore très vivace. La mort de Camille Pic en 1951 n'arrête pas le mouvement car le défunt est remplacé par le vicaire général Eugène Soulas. Ce n'est qu'en 1961 qu'est érigée la dernière statue à Montchenu. Actuellement, les Vierges sont plus ou moins bien entretenues et surtout elles sont peu honorées. Une baisse de la pratique religieuse, la disparition progressive du clergé rural explique cette désaffection.

Le nombre et la répartition des statues de la Vierge du Vœu sont intéressants à préciser. En incluant Vierges du Vœu, oratoires du Vœu (Salles-sous-Bois), monuments du Vœu (Lens-Lestang), on recense 78 statues dans le département de la Drôme pour 370 communes. Leur répartition sur le département présente un intérêt certain car elle révèle une géographie de la pratique religieuse au lendemain de 1945. La carte laisse apparaître tout un secteur vide de statues. Il est constitué de la partie orientale du département. Le Vercors n'en possède pas du fait des événements tragiques de juillet 1944. Le Diois, à l'exception de Die, le Nyonsais, les Baronnies n'ont pas vu l'érection de la statue, étant terre d'une importante population protestante et de tendance politique majoritairement de gauche. Plusieurs concentrations se situent à l'ouest de la Drôme. La plus importante apparaît au nord, autour de la vallée de la Galaure, le personnage de Marthe Robin pouvant expliquer cette densité. Pour certains, cette femme aurait joué un rôle essentiel dans le mouvement du Voeu. Même s'il existe une communauté protestante autour de La Baume-Cornillane, le canton de Chabeuil recèle de nombreuses Vierges. On peut noter que cette région a été marquée, pendant la guerre, par l'affaire du « cavalier blanc », épopée mystique et sulfureuse de personnages au prosélytisme fortement critiqué par Camille Pic. Plus au sud, les statues sont érigées dans un milieu où la pratique religieuse est encore répandue mais où c'est à l'initiative de prêtres à forte personnalité que l'on doit l'érection de Vierges. C'est le cas de Margerie.

La réalisation concrète des statues est confiée surtout à des sculpteurs locaux ou régionaux. On peut citer Gaston Dintrat, les époux Hartmann, réfugiés à Allex, responsables d'une quinzaine de statues, le père Duilio Donzelli et son fils Dante de Valence-sur-Rhône, les ateliers Bachini et Vermare de Lyon. Une grande diversité caractérise ces œuvres : Vierges à l'enfant couronnées, Vierges non couronnées dotées ou non d'une auréole, Vierges de Lourdes, Vierges en pleurs, Vierges à l'étoile, Vierges Notre-Dame des Foyers. Il faut y ajouter les statues antérieures à 1944 comme celle de Margerie ou la « Madone » de Moras-en-Valloire, protectrice de la paroisse depuis 1854 et « réutilisée » comme telle en 1944. La statue est établie sur un modeste socle ou sur un monument imposant comme à Albon, sur un porche d'entrée d'établissement (La Teppe à Tain).

Les inscriptions sur plaque sont diverses. Elles vont du simple rappel « VOEU DU 15 AOUT 1944 » (Divajeu) à des formules plus précises incluant un symbole politique comme à Crozes-Hermitage où la Croix de Lorraine est intégrée dans le M de Marie. Beaucoup plus engagée est celle de Salles-sous-Bois, au risque de choquer athées et Résistants combattants, par le rôle militaire attribuée à la Vierge : « Reconnaissance / A notre Mère Immaculée qui nous a libéré des ennemis / 27 août 1944 / Et protégé de tous les dangers / Paroisse de Salles / Année mariale 1949 / H. Lachave curé archiprêtre / P Martin prêtre desservant. »

En conclusion, ce mouvement des Vierges du Vœu du 15 août 1944, qui semble spécifique au département de la Drôme, révèle une religiosité particulière. Inégalement réparti sur le département, il recoupe des clivages politiques et religieux que l'on retrouve par ailleurs. Ces érections ont été une vaste campagne de propagande religieuse à un moment où la foi des paroissiens pâlissait. Actuellement, le culte autour de ces statues a fortement décliné, voire a disparu, parallèlement à la baisse de la pratique religieuse catholique.


Auteurs : Alain Coustaury 
Sources : Couriol Jean-Noël, Les statues de la « Vierge du Vœu », Revue drômoise, n°538, décembre 2010 pages 57 à 65, et n°539, mars 2011 pages 80 à 89.