Pierre Dalloz

Genre : Image

Type : Photo

Producteur : Inconnu

Source : © Musée de la Résistance de l'Isère Droits réservés

Détails techniques :

Phtographie argentique noir et blanc.

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Analyse média

Portrait de Pierre Dalloz, un des auteurs du plan Montagnards :


Diplômé de l'Institut électrotechnique de Grenoble, Pierre Dalloz ne choisit pas, malgré son diplôme, une carrière d'ingénieur et entre, après avoir exercé des responsabilités au Syndicat d'initiative de Grenoble et au Touring club de France, dans le cabinet d'architecte d'Auguste Perret. Il est surtout un alpiniste passionné, auteur de plusieurs premières dans les Alpes (une voie du massif du Mont-Blanc porte son nom) et membre du Groupe de haute montagne, cercle élitiste d'aristocrates des cimes où il croise déjà son cadet Alain Le Ray.
Rédacteur en chef de La Montagne, revue du Club alpin français, auteur en 1931 de Haute montagne, il est en 1939 chargé de mission à la Présidence du conseil puis, après la déclaration de guerre, chef de cabinet de Jean Giraudoux, commissaire à l'Information.

Après la défaite, il s'installe aux Côtes-de-Sassenage, au-dessus de Grenoble, sur les pentes nord du Vercors, dans une maison, la Grand-Vigne, qui appartient à la famille de son épouse, le peintre Henriette Gröll. C'est là qu'occupé à la traduction du Traité de la considération de Saint-Bernard, il aurait eu un jour de 1941, l'intuition d'un projet d'utilisation militaire du Vercors, dont il fait part à son ami Jean Prévost.
C'est seulement en décembre 1942, dans un contexte totalement modifié par le débarquement allié en Afrique du Nord (qui laisse présager à beaucoup l'espoir d'une libération rapide) et l'occupation de la zone libre qu'il écrit une "Note sur les possibilités d'utilisation militaire du Vercors" de trois pages. Les considérants de cette "Note" s'inspirent largement des descriptions de géographes grenoblois d'avant-guerre (Jules Blache, Raoul Blanchard) sur la "citadelle naturelle" protégée par un "rempart". Le projet, transmis par l'intermédiaire d'Yves Farge, est accepté par Jean Moulin puis par le général Delestraint et l'état-major de la France libre.
Dès lors, Dalloz ("Senlis") rassemble, en février 1943, une petite équipe largement issue de ses connaissances montagnardes d'avant-guerre : l'inspecteur des Eaux et Forêts Rémy Bayle de Jessé, Marcel Pourchier, ancien commandant de l'École militaire de haute montagne de Chamonix, Max Chamson, collaborateur de Dalloz à l'inspection des sites, et le capitaine Alain le Ray, qui rédige une "étude militaire" d'application du projet. Cette équipe fusionne en mars avec les Francs-Tireurs de Grenoble et Villard-de-Lans (Eugène Chavant, Aimé Pupin, Eugène Samuel, etc.) à l'origine des camps de réfractaires au STO installés dans le massif, pour constituer le premier comité de combat du Vercors (Dalloz préfère parler de groupe d'études).
Après son démantèlement par la police italienne en avril-mai 1943, Pierre Dalloz quitte la région et gagne Alger en novembre, après avoir rencontré, le 2 juin, le général Delestraint à Lyon, qui désigne Le Ray et Jean Prévost comme remplaçants de Dalloz et Farge. À Alger, puis à Londres, Pierre Dalloz plaide sans succès pour le Vercors, informant les services du BCRA du projet, dont il a rédigé d‘ailleurs en juillet 1943 une version plus ambitieuse. Après la guerre, devenu un architecte connu, il écrit de nombreux articles, puis un livre en défense de son action, rappelant que le projet Montagnards prévoyait d'engager le Vercors en synchronisation avec un débarquement allié en Méditerranée, ce qui ne fut pas le cas.

Une rue de Sassenage porte aujourd'hui son nom.


Auteur(s) : Gilles Vergnon

Contexte historique

L'histoire du Vercors résistant se décompose en trois phases :

Le premier Vercors (1942-1943) voit la greffe du projet géostratégique de Pierre Dalloz sur un semis de camps de réfractaires créé en dehors de lui. À Grenoble, un noyau de militants socialistes, réuni depuis l'automne 1940, cours Berriat, dans la pharmacie du docteur Léon Martin, ancien député-maire de la ville, est activé en août 1941 par la visite de Raymond Gernez, ex-député du Nord pour diffuser Le Populaire, organe socialiste clandestin. Ce groupe contacte, au printemps 1942, d'autres noyaux socialisants, spécialement à Villard-de-Lans (le médecin d'origine roumaine Eugène Samuel, l'hôtelier Théo Racouchot, le directeur de banque Edouard Masson, les frères Huillier, etc.) et dans le Royans (l'instituteur révoqué Benjamin Malossane à Saint-Jean-en-Royans, Jean et Louis Ferroul à Saint-Nazaire-en-Royans, Louis Brun à Pont-en-Royans). Ce tissu militant, dans lequel le cafetier grenoblois Aimé Pupin joue les premiers rôles, progressivement affilié au mouvement Franc-Tireur, est à l'origine du camp d'Ambel (C1 en janvier 1943), puis d'autres camps de réfractaires au STO : C2 à Carette, C3 à Autrans, C4 à Cornouze, C6 au col de La Chau.

En parallèle, Pierre Dalloz, architecte installé aux Côtes-de-Sassenage, écrit en décembre 1942 une « Note sur les possibilités militaires du Vercors ». Cette première version, modeste, distingue un « programme d'action immédiate » et un « programme d'action ultérieure » subordonné à l'acceptation du premier et à un futur débarquement allié en Provence. Cette note, transmise fin janvier 1943, par l'intermédiaire Yves Farge à Jean Moulin qui donne son accord, devient le « projet Montagnards » après la rencontre, le 10 février 1943, entre Dalloz, Farge et le général Delestraint, chef de l'AS, qui l'emmène à Londres. Accepté par la France libre, bien financé, ce projet, qui donne une dimension stratégique à des camps isolés en montagne, permet la fusion des deux équipes début mars et la création d'un premier "comité de combat" (Dalloz, Farge, Rémi Bayle de Jessé, les militaires Marcel Pourchier et Alain le Ray). Celui-ci est vite démantelé par les arrestations de la police italienne (Léon Martin, le 24 avril, Aimé Pupin le 27 mai). Pierre Dalloz gagne Paris, puis Alger en novembre, où il rédige une nouvelle note, plus ambitieuse que la précédente. Mais les arrestations en juin de Delestraint et de Jean Moulin cassent cependant le fil entre un projet que les acteurs locaux continuent ou croient continuer d'appliquer, et la hiérarchie de la France libre.

Le second Vercors (1943-juin1944) voit l'institutionnalisation et la militarisation des camps. Un second comité de combat, animé par le capitaine Alain Le Ray (« Rouvier ») chef militaire et Eugène Chavant (« Clément ») chef civil, avec Jean Prévost (« Goderville »), Eugène Samuel (« Jacques ») et Roland Costa de Beauregard (« Durieu »), travaille à transformer les réfractaires en combattants, créer des compagnies civiles de réserve, mobiliser à leurs côtés des segments d'institutions (Églises, gendarmerie, municipalités) encadrant une population qui s'accommode progressivement au maquis. De janvier à juin 1944, le nouveau chef militaire, Narcisse Geyer (« Thivollet ») poursuit cette ligne, malgré des frictions croissantes avec les responsables civils et des habitants découvrant, après les incursions allemandes (22 janvier aux Barraques et 18 mars 1944 à Saint-Julien) et de la Milice à Vassieux en avril 1944, la réalité de la guerre.

Le troisième Vercors (9 juin-21 juillet 1944), le plus connu, transforme la zone en petite République. Le Vercors est mobilisé dans la nuit du 8 au 9 juin, et ses accès routiers bouclés par décision de Marcel Descour (« Bayard »), chef d'état-major régional, qui l'impose à François Huet (« Hervieux »), nouveau chef militaire nommé fin mai. Cette décision controversée a deux origines : le message de Jacques Soustelle ramené d'Alger par Chavant le 6 juin, qui l'assure de la pérennité du « projet Montagnards », et, surtout, une dynamique spontanée de montée au maquis, imprévue dans son ampleur, amenant les effectifs à plus de 4 000 volontaires. Venant surtout de Grenoble et Romans-sur-Isère, ces nouveaux maquisards cumulent enthousiasme et manque d'expérience militaire. L'euphorie, l'assurance d'une aide alliée et d'un débarquement imminent en Provence amènent, dès avant la « restauration » officielle de la République le 3 juillet, à l'institution d'un embryon de contre-État (journal Vercors libre, administration, censure, tribunal et même un camp pour prisonniers allemands et suspects), alors que Huet reconstitue officiellement des régiments réguliers (chasseurs alpins et cuirassiers). La Wehrmacht lance, après une première attaque manquée à Saint-Nizier (Isère), les 13-15 juin, une offensive générale le 21 juillet (opération Bettina) incluant un débarquement aéroporté sur Vassieux, qui en font l'opération la plus importante menée contre la Résistance en Europe occidentale. Celle-ci, marquée par de nombreuses atrocités (Vassieux, La Chapelle, grotte de la Luire) disloque en trois jours le maquis. Dans la nuit du 21 juillet, Chavant envoie son fameux télégramme, affirmant que les services de Londres et Alger « n'ont rien compris à la situation... et sont considérés comme des criminels et des lâches », base de polémiques futures sur la « trahison » du Vercors. En fait, celui-ci est doublement victime (au-delà de l'égarement du projet initial, des promesses inconsidérées et des rivalités entre services) du caractère secondaire qu'occupe à la fois la Résistance dans les plans alliés et le Vercors chez les stratèges de la France libre, et d'une mobilisation prématurée par rapport au débarquement en Provence, encouragée par l'euphorie de juin 1944. Le bilan est lourd : 456 tués (326 Résistants et 130 civils) dans les communes du massif. Les survivants participent à la libération de Romans, Grenoble et Lyon.


Auteurs : Gilles Vergnon, Alain Coustaury
Sources : Gilles Vergnon, Le Vercors. Histoire et mémoire d’un maquis, éditions de l’Atelier, 2002. Dvd-rom La Résistance dans la Drôme et le Vercors, éditions AERI-AERD, 2007.