Jean-Daniel Jurgensen

Genre : Image

Type : Photographie / Photograph

Producteur : Inconnu

Source : © Archives nationales, fonds Défense de la France (don Jean-Marie Delabre) Droits réservés

Détails techniques :

Photographie argentique noir et blanc.

Date document : Sans date

Lieu : France - Ile-de-France

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Contexte historique

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Né à Paris le 4 juillet 1917, Jean-Daniel Jurgensen fit ses études au lycée Charlemagne à Paris puis, après deux ans de préparation au lycée Henri IV, fut reçu quatrième à l'École normale supérieure de la rue d'Ulm (promotion de 1937). Dans les années 1930, marqué par les souvenirs de la guerre de 1914, il était animé par un pacifisme confus alors très répandu dans les milieux de khâgneux et de normaliens. Jean-Daniel Jurgensen, dans ses entretiens avec Olivier Wieviorka, reconnaissait avoir été "pacifiste au moment de Munich" : "si la guerre avait éclaté à ce moment-là, je l'aurais abordée dans un esprit presque d'opposition en disant : mais Hitler affirme que c'est sa dernière revendication territoriale en Europe".

Mobilisé en 1939 comme EOR puis aspirant d'état-major à Besançon, il fut replié à Toulouse. Le petit groupe d'officiers dans lequel il se trouvait était antivichyste et gaulliste, avec notamment Jacques Debré et le capitaine Vautrin, qui fut tué dans les FFL. Jurgensen se livra dès sa démobilisation, à l'automne 1940, à des activités de Résistance, notamment la distribution de tracts qu'il confectionnait avec sa jeune femme, une sévrienne, Marie-Rose Treffot, connue plus tard sous le nom d'auteur de Rose Vincent. En 1940 et 1941, il participa à La Vraie France, une formation dirigée par Albert Chabanon, l'un de ses camarades de la rue d'Ulm, qui le mit en contact avec le réseau britannique Jade-Fitzroy, pour lequel Jean-Daniel Jurgensen travailla quelque temps. Après le démantèlement de la Vraie France et le fuite de Chabanon en zone libre, Jean-Daniel Jurgensen perdit le contact avec la Résistance. En décembre 1941, il passa avec succès l'agrégation des Lettres.

C'est au printemps 1942 qu'il se joignit à Défense de la France, le mouvement de Résistance dont étaient notamment responsables Philippe Viannay et Robert Salmon, également élèves de la rue d'Ulm. L'arrivée de Jean-Daniel Jurgensen fit évoluer le mouvement dans un sens gaulliste. A partir de l'automne 1942, il écrivit régulièrement dans le journal sous le nom de "Jean Lorraine" et s'occupa des Cahiers. On lui confia essentiellement les articles de politique étrangère et il y analysa l'évolution des relations entre de Gaulle et Giraud. Il militait également pour un "changement de régime", qui renforcerait les pouvoirs du Président de la République. Il rédigea avec Robert Salmon un projet de Constitution paru dans les Cahiers de Défense de la France.

En 1943, il fut reçu premier au concours des Affaires étrangères, dans l'espoir vite déçu d'être envoyé à l'étranger, mais il préféra la clandestinité à l'administration de Vichy. A partir de la fin de 1942, les contacts se multipliaient avec les autres mouvements de Résistance pour tenter une unification. Jean-Daniel Jurgensen, sous le faux nom de "Daniel Delacroix", eut en mai 1943 une longue entrevue avec Jean Moulin à ce sujet, puis entra au comité directeur du Mouvement de libération nationale (MLN). Il était également membre de la commission de la presse clandestine. Lors de l'insurrection de Paris d'août 1944, il s'occupa avec Robert Salmon de la parution et de la distribution de Défense de la France et prit possession de l'immeuble de Paris-Soir. Il assura ensuite, avec Robert Salmon, la direction politique et les éditoriaux de France-Soir, Aristide Blank s'occupant de la gestion. Dans un contexte marqué par la mésentente durable entre Blank, Salmon, Viannay et lui-même, il ne put obtenir le titre de directeur politique qu'il souhaitait et il quitta France-Soir en juillet 1946. Il fut également, dans ces années, le fondateur de France et Monde.

Il fut délégué à l'Assemblée consultative provisoire au titre de représentant du MLN, mais il se prononça le 6 septembre 1944 pour la dissolution de l'Assemblée consultative et son remplacement par un CNR élargi.  Au cours de l'hiver 1944-1945, il défendit la position des majoritaires du MLN, hostiles à la fusion avec le Front national d'obédience communiste. Dans la préface autobiographique à son étude sur Orwell, il explique en effet : "dès la fin de la guerre, le fascisme à peine vaincu, nous apparut, à beaucoup de mes camarades et à moi-même, l'hallucinante vérité : le devoir et la nécessité nous commandaient de résister, sans un moment de répit après cette terrible lutte, à un autre danger totalitaire — au moins aussi menaçant et sur le plan mondial, redoutablement associé à l'URSS, déjà maîtresse de la moitié de l'Europe". En avril 1945, il fut élu conseiller municipal de Paris et conseiller général de la Seine sur les listes de la Résistance. Élu député à la première Assemblée Constituante le 21 octobre 1945 dans la quatrième circonscription du département de la Seine sur une liste d'union avec les socialistes conduite par Édouard Depreux, il adhéra à la SFIO après le départ de de Gaulle du pouvoir, en janvier 1946. Aux législatives de juin 1946 et à celles de novembre, il fut candidat en troisième position sur la liste de la SFIO dans la quatrième circonscription de la Seine. Cette rétrogradation, qui s'explique largement par les réticences des militants socialistes à intégrer en position éligible des personnalités issues de la Résistance et par la volonté d'assurer une place à Gilberte Pierre-Brossolette, conduisit à son échec électoral. Chargé de mission au cabinet du ministre de l'Intérieur, Depreux, en août 1946, Jurgensen fut, de décembre 1946 à janvier 1947, chef de cabinet du sous-secrétaire d'État aux Affaires étrangères, Pierre-Olivier Lapie.

Il ne se représenta pas aux municipales de 1947, abandonna alors la carrière politique et journalistique pour rejoindre le quai d'Orsay et entamer une carrière de diplomate, qu'il termina comme ambassadeur à La Haye. Il mourut à Paris le 4 novembre 1987.

Sources et bibliographie : Archives nationales F1a 3226 et F1cII 110. État civil de Paris-14e. Notice nécrologique de Jean Auba, Annuaire de l'Association amicale des anciens élèves de l'Ecole normale supérieure, 1989, p. 84-87. Édouard Depreux, Souvenirs d'un militant, Paris, Fayard, 1972. Le Monde, 18 juillet 1972 et 7 novembre 1987. Entretien avec Rose Jurgensen (21 mars 2000).


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Born in Paris on July 4, 1917, Jean-Daniel Jurgensen completed his studies at Charlemagne High School in Paris, then after two years of preparatory classes at Henri IV High School, he was received fourth into the Ecole normale supérieure on Rue d'Ulm (class of 1937). In the 1930s, marked by memories of war in 1914, he was inspired by a vague pacifism that was widespread throughout the communities of the preparatory and university students. Jean-Daniel Jurgensen, in his interviews with Olivier Wieviorka, recognized having been a « pacifist at the time of the Munich Accords »: «had the war broken out at this time, I would have treated it with a spirit of opposition saying: but Hitler said that would be his final territorial expansion in Europe ».

Mobilized in 1939 as an élève-officier de réserve (EOR), or a future officer in training, then an aspiring supporting officer at Besançon, he was moved to Toulouse. The small group of officers in which he found himself was anti-Vichy and Gaullist, with notably Jacques Debré and captain Vautrin who was killed in the Forces françaises libres. Jurgensen passed immediately to the Resistance after being demobilized in the autumn of 1940. He distributed pamphlets that he made with his young wife from Sévres, Marie-Rose Trettot, later known by her penname, Rose Vincent. IN 1940 and 1941, he participated in la Vraie France, an educational program led by Albert Chabanon, an old friend from Ecole normale supérieure, who put him in contact with the Brit Jade-Fitzroy, for whom Jurgensen worked for a long time. After the dismantling of la Vraie France and the flight of Chabanon to the Free Zone, Jean-Daniel Jurgensen lost contact with the Resistance. In December 1941, he successfully passed the high-level examination for professors called l'agrégation de lettres.

It was in the spring of 1942 that he joined Défense de la France, the Resistance movement led by Philippe Viannay and Robert Salmon, fellow students of Ecole normale supérieure. The arrival of Jean-Daniel Jurgensen helps to evolve the movement toward more Gaullist tendencies. Starting in the autumn of 1942, he wrote regularly for the paper under the name of « Jean Lorraine » and also wrote for the Notes of the movement. He was generally responsible for articles dealing with foreign policy and the evolution of relations between de Gaulle and Giraud. He pushed equally for a « regime change », which would reinforce the powers of the President of the Republic. Along with Robert Salmon, he wrote a draft of a Constitution which appeared in Notes of Défense de la France.

In 1943, he was received at the first collaborative effort on foreign policy, which he attended in the hopes of being sent abroad, and after being disappointed, returned to the underground movement, which he preferred to the Vichy regime. Starting at the end of 1942, his contacts multiplied with other Resistance movements in an attempt to unify them. Jean-Daniel Jurgensen, under the false name of « Daniel Delacroix », had a long interview with Jean Moulin in May 1943 about this unification, and then entered the Directorial Committee of the National Liberation Movement (MLN). He was also a member of the Underground Press Commission. During the insurrection of Paris in August 1944, he and Robert Salmon worked on the publication and distribution of Défense de la France and took over Paris-Soir's building. Then, along with Salmon, he assured the political direction and editorials of France-Soir, while Aristide Blank dealt with the distribution. In a context of dissension and disagreement between the four heads of the organization – Blank, Salmon, Viannay, and himself – Jurgensen was unable to obtain the title that he wanted as political director and left France-Soir in July 1946. At the same time, he was also the founder of France et Monde.

He was a delegate to the Provisional Consultative Assembly as a representative from the MLN, but he declared his support for the dissolution of the Consultative Assembly on September 6, 1944, favoring its replacement by a larger CNR. Over the course of the winter 1944-1945, he sided with the majority of the MLN who were strongly opposed to the fusion with the Front national who had more Communist tendencies. In his autobiographical preface of a study on Orwell, he explained that: « since the end of the war, fascism barely defeated, we appeared to myself and many of my peers, the astounding truth: the need, without a moment's respite after the struggle, to resist another totalitarian threat – at least as threatening and on the global stage, undoubtedly associated with the USSR, who already controlled half of Europe ». In April 1945, he was elected to the Municipal Counsel of Paris and the General Counsel of the Seine on the lists of the Resistance. Elected as a deputee to the first Constituent Assembly on October 21, 1945, in the fourth district of the department of the Seine on the Socialist list, led by Edouard Depreux. Jurgensen joined the SRIO following de Gaulle's depart from power in January 1946. He was a candidate and third on the SFIO's list in the fourth district of the Seine for legislative elections in June and November of 1946. This demotion, which was largely explained by the SFIO's reluctance to integrate former Resistance militants into their upper ranks and by the desire to assure a place for Gilberte Pierre-Brossolette, following his electoral failures. Charged with a mission on the cabinet of the Minister of the Interior, Depreux, in August 1946, Jurgensen was the head of the cabinet of the Undersecretary of Foreign Affairs, Pierre-Olivier Lapie.

He did not run for municipal elections in 1947, abandoning his political and journalistic career to join the Quai d'Orsay or the Foreign Affairs Ministry where he pursued a career as a diplomat, finished as an ambassador to The Hague. He died in Paris on November 4, 1987.


Source: National Archives, F1a 3226 and F1cII 110. Civil state of Paris – 14e. Obituary notice of Jean Auba, Annuaire de l'Association amicale des anciennes élèves de l'École normale supérieure, 1989, p. 84-87. Edouard Depreux, Souvenirs d'un militant, Paris, Fayard, 1972. Le Monde, July 18, 1972 and November 7, 1987. Interview with Rose Jurgensen (March 21, 2000).


Traduction : Matthias R/ Maier


Auteur : Philippe Nivet (fiche rédigée dans le cadre du dvd-rom La Résistance en Ile-de-France, édition AERI, 2004).

Author: Philippe Nivet