Registre d’écrous correctionnels de la maison centrale d’Eysses |
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Note sur les Espagnols incarcérés à Eysses |
Ramon Garrido est né le 24 mai 1915 à El Grove, petit port de Galice (Espagne). Mobilisé en septembre 1936, il est affecté au 102ème bataillon de la 105ème division du corps d'armée marocain. Son unité est maintenue en réserve jusqu'en octobre 1937 pour être engagée sur le front de Jaulin (Zaragosse). Ramon Garrido en profite alors pour déserter avec de nombreux jeunes conscrits et passer dans le camp républicain. Il rejoint alors un régiment d'infanterie de marine, basé à Carthagène. Puis, il est affecté, avec un groupe de Galiciens et d'Asturiens, à la 151ème Brigade mixte (dont le commissaire politique est Juan Antonio TURIEL FURONES qui sera plus tard emprisonné à Eysses et déporté à Dachau).
Durant l'hiver 1937-1938, Ramon Garrido participe à la bataille de Teruel dans le secteur de la Sierra Palomera. Son unité s'étant retrouvée encerclée par les troupes franquistes, il s'échappe à la tête d'une cinquantaine de volontaires décidés à rompre l'encerclement. Il est alors nommé commissaire politique de compagnie. Son unité est affectée à la défense des côtes catalanes entre Castellon de Ampurias et Llansa (Gerona). Ensuite, il participe à la bataille de l'Ebre entre La Cava et la mer. Son bataillon est alors rattaché à la 14ème Brigade internationale commandée par Marcel Sagnier.
En février 1939, Ramon Garrido franchit la frontière pour être aussitôt désarmé et interné dans le camp d'Argelès (Pyrénées-Orientales). En juin 1939, il est transféré à Barcarès (Pyrénées-Orientales) où il devient responsable clandestin de quatre baraques de prisonniers. Le 1er janvier 1940, il part avec la 211ème Compagnie de travailleurs étrangers (CTE) à Saint-Médard-en-Jalles (Gironde). Il est alors responsable clandestin de la compagnie. En juin 1940, la 211ème CTE repart à Argelès. Ramon Garrido, toujours responsable clandestin de la compagnie, devient membre de la commission d'information du camp. En janvier 1941, la 211ème CTE est envoyé à Elne (Pyrénées-Orientales) pour combattre les dégâts d'une inondation. Outre sa compagnie, la responsabilité de Ramon Garrido s'étend à une dizaine d'autres CTE des environs.
Le 30 juillet 1941, la Compagnie est livrée aux Allemands par les gendarmes français et se retrouve internée au camp de Saint-Pierre à Brest pour travailler dans la base de sous-marins (organisation Todt). Ramon Garrido devient rapidement le responsable clandestin du camp. Il organise aussi les premiers groupes armés espagnols de Brest et assure la diffusion de tracts dans la population ainsi que parmi les occupants (tracts en langue allemande).
En janvier 1942, il reçoit l'ordre de la direction du Parti communiste espagnol (PCE) de s'évader et de rejoindre Lorient avec pour mission de prendre la responsabilité du travail politique parmi les Espagnols de cette ville chargés des travaux dans la base de sous-marins. Ce qu'il fait, après avoir coupé les barbelés du camp, il rejoint Lorient à pied, sans argent ni papiers. Il reste responsable de Brest ; les deux villes appartenant au secteur 3 de l'organisation espagnole. A Lorient, Ramon Garrido organise les premiers groupes de combat et de sabotage. A la fin du mois de février 1942, plus d'une vingtaine de groupes d'action sont constitués. Ils ont pour responsables quelques jeunes Lorientais qui ont combattu pendant la guerre 1939-1940 et des étrangers ayant combattu pendant la Guerre d'Espagne. A partir du 15 mars 1942, les actions contre l'occupant se multiplient à une cadence rapide.
Le 17 juillet 1942, Ramon Garrido s'enfuit de Lorient pour se réfugier à Rennes en changeant son identité en Léon CARRERO MESTRE (en hommage à sa grand'mère maternelle Léonore CARRERO MESTRE). Il devient alors permanent et membre du Comité régional de Bretagne. Il était plus précisément responsable des résistants espagnols des départements du Finistère, des Côtes du Nord, du Morbihan, de la Sarthe et de la Loire Inférieure, avec le grade de capitaine FTPF.
Le 30 novembre 1942, à 10 heures, Ramon Garrido, accompagné de Rafaël SALAZAR, venant d'Orléans et responsable régional, a rendez-vous avec Francisco Perramon Ducasi, l'un des principaux responsables de la Résistance espagnole de la zone Occupée. Ce rendez-vous se tient à Paris dans un café à l'angle de la rue de la Gaité et du boulevard Edgar Quinet. Or, Francisco Perramon et Rafaël Salazar étaient déjà suivis, depuis quelques temps déjà, par des inspecteurs des Renseignements généraux. Après le rendez-vous, Ramon Garrido, toujours accompagné de Rafaël Salazar, s'est dirigé à pied vers la place d'Italie. Ils ont été arrêtés près d'une bouche de métro par les agents des Renseignements généraux craignant de ne pouvoir continuer à les suivre.
La véritable identité de Ramon Garrido, ainsi que ses responsabilités en Bretagne, n'ont jamais été découvertes par la Police ; aucun de ses camarades n'ayant parlé. Le 4 décembre 1942, Ramon Garrido est transféré au Dépôt (3, quai de l'Horloge à Paris) puis incarcéré le 15 du même mois à la prison de la Santé où il devient responsable clandestin des Espagnols de la 13ème division. Du 2 au 11 décembre 1943, il est jugé par la Section spéciale de la cour d'appel de Paris, avec 53 républicains espagnols dont beaucoup étaient originaires de la région de Nantes - Saint-Nazaire. Il est condamné à deux ans de prison et à 1.200 francs d'amende pour activités communistes.
Le 18 décembre 1943, il arrive à la Centrale d'Eysses avec Louis MARASSE dit Pedro, Rafaël SALAZAR dit LABORDA, Joaquin BARRIO dit Ricardo DIAZ, Jaime SEROT, Antonio PEREZ, Antonio RODRIGUEZ, Victor TERRIZA, José TURON, Enrique RASO, Roméro PARRA, Juan MARTIN, Julio MARBA PLANAS, Celso DIAZ, Manuel CABALLERO, Vicente LASO, Batista LOPEZ et Pedro CERRADA.
A Eysses (matricule 2.753), il fit partie, avec Miguel PORTOLES et Angel HUERGA FIERRO, du noyau tenu en réserve au cas où le triangle de direction (Juan Antonio TURRIEL, Félix LLANOS et Miguel PORTOLES) viendrait à être découvert.
Le 30 mai 1944, les détenus d'Eysses sont transférées par des SS de la Division Das Reich, au camp de Compiègne. Le 18 juin 1944, Ramon Garrido est déporté à Dachau puis un mois plus tard au kommando de Landsberg où il devient membre de la direction clandestine du kommando. Le 25 avril 1945, Landsberg est évacué et les déportés dirigés sur Allach. Cinq jours plus tard, le camp est libéré par l'arrivée des Américains. Le 30 mai 1945, Ramon Garrido est de retour en France.
En novembre 1946, il assume de nouvelles responsabilités au sein du syndicat espagnol UGT de la Seine et de la Seine-et-Oise. Un an plus tard, il abandonne ses fonctions syndicales. Membre du bureau politique du PCE, il réalisa de nombreuses missions clandestines en Espagne, sous la dictature de Franco, sans jamais être arrêté. Sur le plan professionnel, il travailla comme ouvrier tourneur dans diverses entreprises de la région parisienne. Militant CGT, il fut embauché, en 1968, à la FNAC, où il restera jusqu'à sa retraite.
Il est décédé le 14 janvier 1995 aux Lilas (Seine-saint-Denis). Ses cendres reposent dans le cimetière municipal de son village natal, El Grove.
Auteur : Fabien Garrido
Sources : Archives privées Fabien Garrido
Sur ce cliché pris le 9 avril 1936, Ramon Garrido porte l'uniforme militaire de la marine espagnole. En effet, cette photographie a été prise alors qu'il se trouvait à la base militaire maritime du Ferrol. C'est à cette époque qu'il passe et réussit le concours de pilote d'hydravion de Barcelone.
La dédicace est signée « Ramon » et porte la mention manuscrite « Este es un pequeño recuerdo de vuestro hermano mayor » (« Ceci est un petit souvenir de votre frère ainé »).
Auteur : Fabrice Bourrée
Sources : Renseignements communiqués par Fabien Garrido