Les libéralités concédées aux détenus par le directeur Lassalle |
Le Patriote Enchaîné du 11 novembre 1943, n°1 |
C’est en effet avec l’arrivée massive des résistants condamnés (à partir d’octobre 1943), et devant leur unité, leur volonté et leur organisation, que la direction de la prison est amenée à modifier profondément le régime carcéral, accordant de fait un régime politique aux détenus.
Pourtant, les nombreuses concessions et infractions au règlement passeront inaperçues aux yeux des autorités pénitentiaires extérieures à la centrale jusqu’à l’action des 9, 10 et 11 décembre 1943, malgré la surveillance étroite de la prison, et la venue plusieurs fois par semaine de l’intendant de police de Toulouse. La seule entorse au règlement découverte jusqu’en décembre, concerne l’alimentation des détenus ; l’inspection des services de ravitaillement fait part de ses remarques au service de ravitaillement général du Lot et Garonne le 18 octobre 1943 : « suis surpris que vous ayez de votre propre initiative délivré du vin et du café alors que les détenus n’y ont pas droit », et il faut attendre mi novembre pour que les détenus cessent de les percevoir.
Sources : Corinne Jaladieu, La prison politique sous Vichy. L’exemple des centrales d’Eysses et de Rennes, L’Harmattan, 2007.
Cet article du n°1 du Patriote enchaîné du 11 novembre 1943 intitulé « Nos réalisations depuis notre arrivée… » dresse la liste des libéralités consenties par le directeur de la centrale d’Eysses, Jean-Baptiste Lassalle, aux résistants y étant incarcérés. L’emplacement central de l’article dans la page, le fait qu’il soit encadré, que le titre soit en lettres capitales et souligné, montre bien l’importance que les détenus accordent à ces faveurs obtenues de par leur propre volonté. La notion d’action collective ressort du texte par la multiplication de la phrase « Nous avons obtenu… » utilisée à cinq reprises.
La liste des libéralités obtenues est assez conséquente, en voici quelques exemples significatifs extraits de cet article :
- « reconnaissance officielle de nos camarades délégués », à savoir Henri Auzias et Stéphane Fuchs, représentant les détenus auprès de la Direction.
- « Droit aux cheveux ». Pour des hommes qui ont le crâne rasé depuis des mois, cela représente une victoire.
- « Effets civils, papiers personnels, montres et bijoux ». Tous les effets personnels étaient strictement interdits et devaient être remis au greffe dès l’arrivée dans l’établissement.
- « Droit à recevoir des instruments de musique ». Ceci a permis aux détenus de constituer un orchestre au sein de la Centrale.
- « Possibilité d’organiser des conférences, cours, chants et loisirs ».
- « Liberté d’allée et venue dans les cours durant la journée ». Auparavant la marche au pas cadencée était imposée et tous les déplacements étaient encadrés.
- « organisation de notre propre service d’ordre ».
- « colis de vivres à volonté ».
Outre l’amélioration du quotidien, ces multiples petites facilités vont favoriser la lutte pour la conquête de la liberté. Tout relâchement de pression, tout amollissement de la surveillance sera mis à profit par les détenus, en particulier pour établir le contact avec la Résistance au dehors.
Auteur : Fabrice Bourrée
Sources : Corinne Jaladieu, La prison politique sous Vichy. L’exemple des centrales d’Eysses et de Rennes, L’Harmattan, 2007.
Article extrait du journal Le Patriote enchaîné, n°1 du 11 novembre 1943.
Genre : Image Type : Presse clandestine
Source : © Musée de l’histoire vivante, Montreuil - Droits réservés
Super papier. Format article : 14 x 4,5 cm. Format page du journal : 21 x 27 cm.