Attestation de Stéphane Fuchs et Raymond Prunières en faveur de Ramon Garrido |
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Note sur les Espagnols incarcérés à Eysses |
Manuscrit rédigé par Félix llanos en 1947 |
Fils de Alphonse Huerga et de Sophie Fierro, Angel Huerga Fierro est né à Madrid le 8 janvier 1911. Jeune ingénieur agronome, domicilié à Madrid, il s’engage au tout début de la guerre d’Espagne dans les services de renseignement puis sert comme instructeur politique de division. Passé en France, il est arrêté en 1940 et successivement interné à la maison d’arrêt de Montauban (Tarn-et-Garonne), au camp de Septfonds et à la 535ème compagnie de travailleurs étrangers de Caussade. Huerga est condamné le 6 janvier 1942 à 10 ans de travaux forcés par le tribunal militaire de la 17e région pour détention et distribution de tracts d’inspiration étrangère et activité communiste. Le 15 octobre 1943, il est transféré à Eysses.
La notice individuelle de son dossier de détention à Eysses nous apporte les précisions suivantes sur le motif de sa condamnation : « Fin juin 1940, le Procureur de l’Etat français près le tribunal de première instance de Montauban requérait l’ouverture d’une information du chef d’activité communiste. Il s’agissait de la constitution de cellules groupant essentiellement des Espagnols appartenant aux groupes de travailleurs étrangers en résidence à Septfonds : le prétexte donné était l’établissement de listes d’étrangers désireux de s’embarquer pour le Mexique. Huerga s’est occupé de la reconstitution de ce parti, et recevait de son chef Turiel, des directives et des tracts qu’il diffusait aux chefs de cellules sous ses ordres. »
A Eysses, il fait partie du triangle de direction de l’organisation clandestine espagnole.
Le 30 mai 1944, Angel Huerga est lynché par les SS de la Das Reich sur le chemin menant à la gare de Penne d’Agenais, en route vers Compiègne puis Dachau. André Lecuyer, incarcéré à Eysses et déporté à Dachau, a été témoin de ce massacre :
« J’ai été témoin de ce massacre, faisant moi-même partie de la centaine de détenus obligés, faute de camions, à faire la route à pied. J’étais à quelques rangs en arrière, devant l’automitrailleuse des SS, et Angel devait se trouver au milieu de ce troupeau. Pour une raison que j’ignorais, Angel a été sorti du rang –les prétextes ne manquaient pas pour bastonner à droite et à gauche – et projeté sur le bas-côté de la route où 3 ou 4 SS se sont acharnés sur lui. Coups de crosse et de pieds, de bâtons et de machette et j’en passe. Ce n’est qu’à l’arrivée, dans le wagon stationné à Penne d’Agenais, que nous avons appris que sa ceinture, qui avait échappée à la fouille du départ, était à l’origine de ce drame. Cette ceinture, comme en portent les scouts, avait un écusson, mais à la place de la fleur de lys, une faucille et un marteau étaient gravés. Nous nous sommes doutés qu’Angel ne s’était pas sorti vivant de l’acharnement bestial de ces jeunes brutes de SS dont les « exploits » ne furent qu’atrocités : Oradour, Tulle…. » (Rouen, 3 septembre 2001).
Grièvement blessé à la tête, Huerga décède dans le convoi allant à Compiègne. Il est inhumé au cimetière de Compiègne. La mention "Mort pour la France" lui a été attribuée par décision du 27 décembre 1948. Sa très jeune fille fut recueillie et élevée par un sénateur français.
Auteur : Fabrice Bourrée
Sources : Documentation Fabien Garrido et Corinne Jaladieu. Archives départementales du Lot-et-Garonne, extraits de son écrou (940 W 118) et de son dossier de détention (940 W 100, dossier n°374).