Albert Guillot
Légende :
Albert George Jean Guillot (15/02/1915 à Dijon-16/02/1945 à Dachau)
Membre d’une filière d’évasion en zone occupée
Déporté Nuit et Brouillard
Genre : Image
Type : attestation
Source : © Service historique de la Défense à Vincennes, GR 16 P 279355 Droits réservés
Détails techniques :
photo numérique
Date document : 1952
Lieu : France - Bourgogne - Franche-Comté (Bourgogne) - Côte-d'Or - Dijon
Analyse média
- Description du document.
Cette attestation de Jeanne Perrier, veuve de Camille Chevalier, compagnon de la Libération, du 28 novembre 1952, est conservée dans le dossier d’Albert Guillot au Service historique de la défense, GR 16 P 279355. “Je certifie qu’Albert Guillot faisait partie du réseau de mon mari (réseau Gloria SMH, chef liquidateur, Mlle Hélène Roussel, 16, rue Blomet, Paris XVe), qu’il a participé à son action “renseignements et autres, et plus particulièrement de l’évasion des prisonniers de guerre”, ce qui lui valut d’être arrêté le 28 décembre 1942 et déporté à Dachau où il est décédé”. Erreur de date, sans doute initiée par la mère d’Albert. Je certifie que pour les mêmes raisons ont été arrêtés Monsieur Michel, sa fille Françoise, Monsieur et Madame Frilley, que seules Madame Frilley et Mlle Harand sont revenus des camps de la MORT”.
- Histoire du document.
C’est la seconde attestation que Jeanne Chevalier fait à Albert. La première, de 1947, disait : “Monsieur Guillot Albert, habitant Dijon 27, rue Prosper- de-Barante, a fait partie de la chaîne d’évasion de prisonniers de guerre évadés, avec Monsieur Michel, sa fille Françoise, Mlle Simone Harrand, Mme et Mr Frilley, tous de Dijon, depuis décembre 1941. Il a reçu et hébergé des prisonniers qu’il nous envoyait pour passer la ligne de démarcation. Ayant continué ce travail après notre arrestation, il fut arrêté en décembre 1942. Déporté et décédé en déportation à Dachau le 15 février 1945. Certifié conforme et véritable, pour mon mari chargé de missions de 1re classe”. Pourquoi deux attestations ? Le statut de résistant, qui donnait droit à réparation, a fait l’objet de lois surccessives, l’aspect militaire l’emportant, et que les précurseurs civils de la résistance ont eu du mal à rentrer dans le cadre imposé, d’où les reformulations d’attestation pour rentrer dans le cadre. L’article R. 319 du Code des pensions militaires d’invalidité et des victimes de guerre précisait en effet que le demandeur devait prouver “l’existence du lien de cause à effet entre l’acte qualifié de résistance […] et la déportation ou l’internement”. d’où le “ce qui lui valu d’être arrêté” souligné.
Michèle Chevalier
Contexte historique
Fils d’Etienne, boulanger, et de Clarisse née Mutin, 36 ans, cullotière, Albert George Jean Guillot est employé de commerce, et habite chez ses parent, 27 rue Prosper de Barante, à Dijon. Sa fiche d’immatriculation indique qu’il a les yeux bleus-gris, est blond, a un visage ovale, le front large et le nez rectiligne. Il est étudiant (niveau d’études 3) et a été exempté pour cause de mal de Pott (sorte de tuberculose ostéo-articulaire). Il est invalide à 60%.
Albert Guillot va intégrer une des premières filières d’évasion aux côtés de Camille Chevalier, d’Amable Michel et sa fille, des Friley, de Simone Harrand... Il reçoit et donne des faux papiers à des prisonniers de guerre français et des personnes poursuivies par le régime nazi, il sert aussi de de boite postale. Comme Amable Michel et les Frilley, il continue le combat après l’arrestation en juillet 1942 de sa fiancée, Françoise Amable, condamnée à 12 ans de travaux forcés, de Simone Harrand, condamnée à mort puis aux travaux forcés à perpétuité, et de Camille Chevalier exécuté le 18 août 1942, futur compagnon de la LIbération. Il multiplie les démarches pour se marier par procuration, Françoise étant enceinte, mais il échoue.
La filière ayant été infiltrée par un agent allemand Albert Laecker qui sera fusillé à Dijon le 14 mai 1946, Albert Guillot est arrêté chez ses parents le 22 décembre 1942, comme Amable Michel et les Frilley. Pas de jugement. Emprisonné jusqu’en juillet 1943, il est transféré à Romainville où il reste un mois. Sa mère n’aura plus aucune nouvelle. Typique du sort que réservait le IIIe Reich aux Nuit et brouillard : “A. Les prisonniers disparaîtront sans laisser de trace. B. Aucune information ne sera donnée sur leur lieu de détention ou sur leur sort” comme l’a écrit le maréchal Keitel. Albert ne saura donc jamais ce qu’il est advenu de sa fiancée, Françoise Michel, arrêtée six mois plus tôt, jugée en même temps que Camille Chevalier, futur compagnon de la Libération, et condamnée à douze ans de travaux forcés, ni de l’enfant qu’elle portait. Il avait multiplié les démarches pour se marier avec elle quand elle a été emprisonnée à Dijon, mais en vain.
Albert Guillot fait partie du même convoi qu’Amable Michel et atterrit à Struthof-Natzweiller le 14 juillet 1943. C’est le seul camp de concentration sur le sol français, mais aussi l’un des plus meurtiers avec Mauthausen, avec un taux de mortalité de plus de 40 %. Albert Guillot, matricule 4609, et Amable Michel, matricule 4606, vont s’entraider, tel un père et un fils jusqu”au bout.
Quand le socialiste Eugène Marlot se retrouve à l’infirmerie (au revier) au début du mois d’août 1944, il a failli mourir mais récupère, qui at- il en effet pour voisin de lit ? Albert Guillot, “enfin admis à l’infirmerie. Il y coule des jours relativement heureux. Ayant eu un accident de cheval à l’école militaire d’Autun, il avait été hospitalisé à Berck où il avait appris à broder, ce qui était un moyen comme un autre de passer le temps. Ce qui fait qu’un officier SS, ayant appris cela, lui a commandé un chemin de table. Commande agrémentée de nombreuses gâteries : miel, confitures, gâteaux, pain d’épices, etc. Gentil, serviable, vrai chrétien, Albert me fait partager sa chance, ce qui ne sera pas non plus pour rien dans ma résurrection. Nous devenons de bons amis qui échangent leurs impressions et leurs idées en toute liberté, en toute confiance et en toute fraternité. Nous savons qu’en Normandie, les armées alliées ont maintenant pris le dessus.”
Le 25 août, un convoi étant arrivé directement des prisons de Dijon, Marlot et Albert vont les voir à petits pas, les nouvelles sont bonnes. Ils arrivent ! “C’est maintenant une question de jours, raconte Marlot dans L’enfer d’Alsace. Cependant, ce n’est pas une explosion de joie : les barbelés sont toujours là, les sentinelles dans leurs miradors aussi, leurs mitraillettes braquées, prêtes à cracher la mort. Ce n’est pas le moment de faire les cons.”
Quelques jours après, Albert partait pour Dachau, le camp école des SS, le 6 et le 7 septembre dans le même convoi que Marlot et Michel qui meurt d’épuisement deux mois plus tard. Albert décède, lui, le 16 février 1945, à trente ans, le lendemain de son anniversaire. D’épuisement mais aussi, très vraisemblablement du typhus. Dachau sera libéré par les Américains le 29 avril 1945.
Le nom d’Albert figure aujourd’hui sur un Monument commémoratif “Aux victimes du nazisme, section déportés”, érigé par souscription publique, place du 1er mai à Dijon.
Albert Guillot est resté avec Amable Michel un symbole de résistance, de solidarité et de fraternité pour Eugène Marlot. A tel point que, quelques temps avant sa mort, le 11 juillet 1998, 55 ans jour pour jour après son arrestation par les Allemands, celui-ci écrivit ce texte publié dans “Sac d’os : Ceux de Struthof” lorsqu’ils étaient en quarantaine à Dachau : “Malgré nos origines différentes et nos divergences politiques, philosophiques et religieuses, un idéal nous réunissait, celui de la Résistance. Nous étions entre nous. Et ce n’est pas le général Delestraint, qui fut aussi mon voisin de lit à Struthof, qui me démentira. Assassiné à Dachau quinze jours avant la libération du camp [...]. Tout comme mes compatriotes d’ailleurs : Michel, le marchand de café de la place Grangier, et le jeune Albert Guillot. Deux inséparables aussi, et pour cause : dans le camp, ils marchaient toujours bras dessus bras dessous, l’un servant de tuteur à l’autre et vice-versa, tellement ils étaient faibles. Arrêtés le même jour dans la même affaire, ils ont connu le même sort, la déchéance physique au Struthof et la mort à Dachau. [...]. Et pourtant, quel moral tous les deux !”
Michèle Chevalier
COMPLEMENTS
Notices d’Amable Michel, Simone Harrand, Marie-France Michel
Eugène Marlot dans “L’enfer d’Alsace : un guide-témoignage sur le Struthof Natzwiller, matricule 6149”, 1985.
Et dans “Sac d’os” édité en 1999.
=> Amable et Henriette Michel et leurs enfants, Françoise et Henri, de Dijon. Pionniers de la résistance en zone occupée.
Michèle Chevalier. Décembre 2019