Légende :
Journal du 20 décembre 1943.
Genre : Image
Type : Presse clandestine
Source : © FNDIRP Droits réservés
Détails techniques :
Dimensions de la page du journal : 27,2 x 21 cm.
Lieu : France - Nouvelle-Aquitaine (Aquitaine) - Lot-et-Garonne - Villeneuve-sur-Lot
Cet article intitulé « A l’infirmerie » évoque le changement radical survenu au sein de l’infirmerie pénitentiaire d’Eysses depuis sa prise en main par les détenus politiques. Avant leur arrivée, la situation était extrêmement critique : « régime cellulaire, exigüité des locaux de soin », « personnel en grande partie médiocre », « stocks ridiculement insuffisants de médicaments ». Depuis, les choses ont évolué et quelques mois plus tard, la situation s’est nettement améliorée : « agrandissement des locaux soins ; transformation des salles cellules en salles communes ; personnel qualifié (…) ; constitution de stocks de médicaments suffisamment abondants… ».
Retranscription :
"Il est inutile, pensons nous, de parler du passé de notre infirmerie actuelle : il n'est pas nécessaire d'insister sur son oragnisation antérieure...Sans entrer dans les détails, nous serons indulgents en disant qu'elle n'était pas du tout adaptée aux besoins de la population de la Centrale et surtout à la population actuelle : régime cellulaire, exiguïté des locaux de soins, manque d'eau courante dans la salle des pansements, personnel en grande partie médiocre, stocks ridiculement insuffisants de médicaments, et le tout baignant dans une profonde atmosphère administrative et bureaucratique, très souvent courtelinesque ; telle était la situation à notre arrivée.
A l'heure présente, si tout n'est pas encore changé, au moins l'ensemble est en train de se modifier considérablement : agrandissement des locaux soins ; transformation de salles cellules en salles communes ; personnel qualifié ; acheminement vers la garde de nuit assurée par les infirmiers ; amélioration de la nourriture des malades ; constitution de stocks de médicaments suffisamment abondants ; création de petits postes de secours dans chaque préau ou dortoir ; amélioration des soins aux malades ; le tout dans une atmosphère renouvelée, celle de la franche camaraderie et d'une intimité de plus en plus cordiale. Telles sont les réalisations déjà obtenues alors que d'autres encore plus nombreuses sont à l'état de projet, d'étude ou de mise en exécution.
Mais que de difficultés à vaincre ! Que d'obstables à franchir ! Ou d'indifférence à secouer ! Que d'hostilité à combattre ! La moindre réalisation se fait au prix de luttes variées, de démarches nombreuses, de recherches opiniâtres. Même de la part de certains camarades on rencontre parfois une sorte d'incompréhension ou de mauvais état d'esprit qui ne sont pas faits pour activer les améliorations, mais au contraire pour les retarder. Qu'à cela ne tienne ! Cela ne nous empêchera pas de continuer notre route toujours en avant, et ce qui compte pour nous c'est notre cause ; nous n'oublions pas un seul instant que nous sommes là pour défendre le terrain médical, les intérêts de ceux qui ont lutté hier, qui souffrent aujourd'hui et qui se mettront au service de la Patrie dès la première possibilité."
Auteur : Fabrice Bourrée
A Eysses, les détenus politiques parviennent à occuper les postes clefs. Le docteur Paul Weil prend en charge l’infirmerie pénitentiaire. Dans son journal intime, il transcrit le quotidien d’un médecin pénitentiaire à la centrale d’Eysses en 1943-1944. Passionné par son travail qu’il estime pratiquer dans de bonnes conditions, il nous renseigne avec beaucoup de précisions sur les maladies des détenus diagnostics et remèdes. Ceci tient au fait que le journal est destiné à sa fiancée infirmière qui partageait sa formation médicale avant son arrestation.
Le nombre de consultants et de malades hospitalisés est important, il atteint respectivement en décembre, 90 et 50 (ce nombre passant à 60 le 6 janvier), soit 11,6% de l’effectif 4% pour les malades hospitalisés. Le 23 janvier, il comptabilise 80 à 90 malades plus ou moins sérieusement atteints dont une trentaine de tuberculeux soit 30 % des malades. Le 1er janvier 1944 « presque la moitié de l’infirmerie » est constituée de tuberculeux et « ce sont surtout les droit communs qui sont touchés ». Le 2 février il précise voir une centaine de malades par jour.
L’infirmerie affiche rapidement complet « il n’y a plus assez de place pour les politiques nos locaux sont trop exigüs... » (6 décembre), mais le médecin estime exercer dans de bonnes conditions (4 décembre) : « nous commençons à avoir les médicaments nécessaires cela commence à bien marcher » le 6 décembre, « nous avons l’impression d’être une infirmerie militaire consignée… nous avons reçu des instruments de chirurgie avec lesquels nous allons pouvoir travailler un peu… » le 9 décembre, ou encore « L’infirmerie ressemble vraiment à une salle d’hôpital » (18 janvier). Les moyens sont « non négligeables », et l’équipe de politiques réorganise le service afin de le rendre plus performant, grâce à la fourniture du matériel commandé qui arrive dans la seconde quinzaine de décembre « on nous a annoncé l’arrivée d’une très grande commande de médicaments et de matériel... » (15 décembre) « quand nous recevrons l’appareil de rayons X ... » (19 décembre). Le 5 janvier, la salle destinée aux malades légers est inaugurée et le 14 janvier « la réorganisation du service est chose faite nous avons groupé les malades par catégories en particulier les tuberculeux ».
A l’issue de cette réorganisation Paul Weil exprime le 25 janvier toute sa satisfaction concernant le service qu’il dirige « le service et ses malades ressemblent bien à un grand service hospitalier ». remarque optimiste sans doute mais révélatrice d’une bonne tenue générale de l’infirmerie au moment où celles de beaucoup de prisons sont dépourvues de tout moyen.
Sources : Corinne Jaladieu, Les centrales sous le gouvernement de Vichy : Eysses, Rennes, 1940-1944, thèse de doctorat, Histoire, Rennes 2, 2004.