Journal Défense de la France, n°36, 14 juillet 1943

Légende :

Newspaper "Défense de la France", n°36, July 14, 1943.

Genre : Image

Type : Presse clandestine/ Clandestine Press

Source : © Archives nationales, fonds Défense de la France (don association Défense de la France) Droits réservés

Détails techniques :

Numéro imprimé sur un feuillet au recto et au verso. Format 32 x 50 cm. Le papier utilisé est de bonne qualité.

Lieu : France - Ile-de-France

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Analyse média

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Cette 36e édition est un numéro spécial. A l’instar du numéro 20 – daté du 30 juillet 1941 – ce journal célèbre, d’une part, son deuxième anniversaire et, d’autre part, la Fête nationale, particulièrement lourde de symboles en ces temps d’occupation.

A cette période, Défense de la France dispose de deux presses professionnelles, acquises successivement en avril et en juin par le mouvement. La première, une Teisch, abritée désormais dans les établissements Labordière à Aubervilliers, est placée dans le local des expéditions, recouverte, en dehors des heures de tirage, d’une énorme caisse que manœuvre un système de poulies. La seconde, une Phénix, « Francette », dissimulée dans la maison de campagne des parents Houdy, à Taverny.

Ce nouvel équipement spécialisé permet, d’une part, d’améliorer la présentation du journal et, d’autre part, d’accroître la vitesse d’impression augmentant ainsi le nombre de tirages qui n’a cessé de s’intensifier depuis le début de l’année.

A cette époque, le tirage s’élève en moyenne à 150 000 exemplaires. Ce numéro est tiré à 100 000 exemplaires.

Il se compose de 10 articles et de quelques brèves et citations :

- Le premier d’entre-eux est co-signé « Indomitus » et « Vindex ». Ils le titrent « 14 juillet » et rappelle aux Français l’importance de ce jour « d’espoir », « de fierté », de « confiance ». Il les exhorte, « par delà les partis, par delà les luttes sociales, par delà les préjugés » à ne former « qu’une seule France ».

- Dans son deuxième article, Défense de la France incite les Français à se « libérer de la crainte » et à devenir « indomptables ».

- Le mouvement retranscrit un extrait d’un discours de Gaulle manifestant ainsi, comme il le fait dans ses précédents numéros, son soutien au général.

- Robert Tenaille intitule le quatrième article « Double anniversaire » dans lequel il revient sur la célébration de la deuxième année d’existence du journal fondé symboliquement le 14 juillet 1941. C’est l’occasion pour Défense de la France d’évoquer de nouveau ses principes fondateurs ainsi que les objectifs qu’il s’est fixés.

- Jean-Daniel Jurgensen, « J. Lorraine » est l’auteur du cinquième article : « Unité française ». A l’instar des articles précédents, il appelle à « l’unité française ».

- Une « Revue de presse libre » sensibilise les lecteurs à l’action de masse proposée par le Front national et revient sur un sujet régulièrement traité jusqu’à la fin de l’année 1942 : l’Alsace-Lorraine.

- Afin d’inciter les Français à rejoindre « ceux qui combattent en première ligne », Défense de la France présente, dans un septième article, « Le fait de la Résistance » en citant nombre de ses « faits d’armes » afin de stimuler ceux qui hésiteraient encore à se lancer dans la guerre.

- Dans son huitième article,  Défense de la France informe ses lecteurs sur « les brutalités émanant des policiers » et les « tortures physiques et morales perpétrées par les Allemands dans les prisons ».

Défense de la France publie ensuite « des extraits d’un discours du maréchal Bazaine » prononcé en vue de la capitulation de Metz.

- Le dixième et dernier article est une « Réponse à Laval » concernant « l’importance des transports effectués de la France vers l’Allemagne pour le mois de juin 1943 ». De 1941 à 1944,  Défense de la France lance régulièrement des consignes, notamment de diffusion, de reproduction et donc d’adhésion, qui irriguent, dès le premier numéro, le discours tenu par Défense de la France.

 

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A cette époque, Défense de la France finalise ses installations professionnelles engagées en 1942 grâce au concours déterminant des hommes de métier – Jacques Grou-Radenez et Alain Radiguer avant tout – qui permettent au mouvement d’acquérir ces machines, du matériel divers mais aussi et surtout le savoir-faire.
Très vite, ces nouvelles acquisitions renforcent l’indépendance du mouvement en rendant inutile le recours aux imprimeurs professionnels. 

Par ailleurs, l’accroissement des effectifs de Défense de la France, notamment depuis l’intégration d’une partie des éléments des Volontaires de la Liberté que dirige le très charismatique Jacques Lusseyran, permet une extension de la diffusion – dont ils ont la charge – qui impose une augmentation des tirages et accélère par conséquent la professionnalisation des imprimeries du mouvement.

L’édition du 14 juillet 1943 marque indéniablement l’apogée de cette expansion qualitative et quantitative. Défense de la France propose « un numéro spécial de plus grand format, bien présenté et bien imprimé. Nous avions fait de notre mieux pour son contenu, résolument unitaire. Sa sortie fut l’occasion d’une spectaculaire manifestation de prestige » raconte Philippe Viannay (1).
En effet, Jean-Jacques Oudin, responsable de la diffusion avec son ami Jacques Lusseyran, « eut l’idée de faire diffuser ce numéro ouvertement, sur la voie publique, dans les magasins et dans les transports en commun, à des dizaines de milliers d’exemplaires. » (2)

Cette diffusion ouverte reste l’opération la plus marquante. « Pour le métro par exemple, une cinquantaine de distributeurs avaient été mobilisés, par petits groupes de quatre. Deux, armés assuraient la sécurité, deux autres distribuaient le journal ouvertement, comme des camelots, aux passagers parmi lesquels se trouvaient souvent des soldats des troupes d’Occupation »se souvient Philippe Viannay (3).

Ce coup d’éclat réalisé « FACE à l’ennemi » est rapporté par la radio alliée lors de l’émission du 11 septembre 1943 transmise par le Poste national français (PNF) à 22 heures. Celui-ci salue le journal France qui a pu, « un jour du mois de juillet, être distribué dans le métro de Paris sans que cette distrubution soulevât d’autres incidents que des manifestations de sympathie de la part des voyageurs. » (4).
« Nous étions heureux et très fiers » se souvient Hélène Viannay (5).

Ce numéro est particulièrement fourni. Nous le titrions « « la France avec nous » pour le double anniversaire de la République et de Défense de la France ». C’était la fête de la liberté, la fête de l’armée, la fête de l’unité. Nous interpellions le peuple : Français libérez-vous de la crainte et vous serez vraiment indomptables ! » raconte Hélène Viannay (6). 


Sources
: (1) Philippe Viannay, Du bon usage de la France, Résistance, Journalisme, Glénans, éditions Ramsay, 1988. (2) Ibid. (3) Ibid. (4) Transcription de l’émission du 11 septembre 1943 du PNF, 22 heures, AN F60 1698. (5) Clarisse Feletin, Hélène Viannay l’Instinct de résistance, de l’Occupation à l’école des Glénans, éditions Pascal, 2004. (6) Ibid.


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This 36th issue is a special edition. As with issue 20 (dated July 30, 1941), this paper celebrates, on one hand, the second anniversary of the underground newspaper, and on the other, Bastille Day, which is particularly heavy symbolism during a time of occupation.

Like the previous two issues, this paper was printed in a slightly larger format and to compensate for a shortage of space for the abundance of subjects, the font size became smaller and smaller.

These typographical changes were a direct consequence of the professionalization of materials. At this point in time, the newspaper had acquired two professional printing presses in April and June. The first, a Teisch, was sheltered in the warehouse of a Labordière factory in Aubervilliers, and placed in the dispatch department, and covered by a case that was maneuvered by a system of pulleys. The second, a Phénix, « Francette », was kept in the country house of Houdy's relatives in Taverny.

This new professional equipment allowed the movement to greatly increase its printing speed and augment the number of copies it could diffuse, which would increase continuously since the beginning of the year. At this point in time, the average printing reached approximately 150,000 copies, though this issue was only printed at 100,000.

This issue is composed of ten principal articles as well as a few news briefs:

- The first of them was co-signed, « Indomitus » and « Vindex ». They titled the article, « July 14th » and called the French to remember the importance of that date « of hope », « of pride », and of « confidence ». He urged that « regardless of parties, of social struggles, and of prejudices » to form « but one sole France ».


- In its second article, Défense de la France encourages the population to « liberate themselves from fear and to become « indomitable ».

- Next, the movement retranscribed an extract of a speech by de Gaulle, showing, as they had in previous issues, their support for the general.

- Robert Tenaille titled the fourth article « Double Anniversary » in which he reconsidered the celebration of the second year of existence of the journal symbolically founded on July 14, 1941. It was the occasion for Défense de la France to once again evoke its founding principles and the objectives it had set.


- Jean-Daniel Jurgensen, « J. Lorraine », authored the fifth article: « French Unity ». He called on French unity just as the previous articles had.

- A « Review of Free Press » informed readers of the mass action proposed by the National Front and refocused on a regular topic: Alsace-Lorraine.


- To encourage the French to join « the front lines », in its seventh article, Défense de la France presented « the Fact of the Resistance », citing « the state of its arms » to spark action from those who hesitated to enter the war.

- In the eighth article, Défense de la France informed its readers of « police brutality » and « the physical and emotional torture being perpetrated by the Germans in prisons ».

- Défense de la France then published « excerpts from a speech by Marshall Bazaine » pronounced regarding the capitulation of Metz.


- The tenth and final article was a « Response to Laval » concerning « the importance of the transports conducted between France and Germany during June 1943 ».

From 1941 to 1944, Défense de la France regularly gave orders, normally about diffusion, reproduction, and adhesion to the paper which had supplied the discourse of the newspaper since its founding.


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At this time, Défense de la France was in the process of finalizing its professional installations begun in 1942 thanks to the determined help of professionals – above all, Jacques Grou-Radenez and Alain Radiguer – who enabled the movement to acquire professional machines and the various necessary materials, as well as training them in how to print their paper.

The acquisition of these materials quickly made the assistance of the professional printers unnecessary, also greatly reinforcing the independence of the movement.

An increase in membership to Défense de la France, most notably following the integration of a part of the Volontaires de la Liberté (Liberty Volunteers), led by the charismatic Jacques Lusseyran, allowed the movement to extend its diffusion and print more copies, confirming the success of the professionalization. The July 14, 1943 issue made the undeniable peak of this expansion, both qualitatively and quantitatively. Défense de la France proposed a « special issue in a larger format, well presented; and well printed.


"We had done our best for its content, resolutely unified. Its publication was a spectacular manifestation of pride", recounted Philippe Viannay (1).

In fact, Jean-Jacques Oudin, who was responsible for the diffusion of the paper along with his friend Jacques Lusseyran, « had the idea of distributing the issue openly, in public, in stores and public transport, to tens of thousands of copies. » (2)

This public diffusion remained the most notable operation. « For the metro for instance, fifty distributors were mobilized in small groups of four. Two were armed for security, and the two others openly distributed the newspapers to the passengers like peddlers, among whom were often soldiers of the Occupation » recalled Philippe Viannay (3).

This remarkable feat « against the enemy » was reported on the Allied Radio on the emission of September 11, 1943 by the Poste national française (PNF) at 10pm. It saluted the newspaper that « one day in July, was distributed in the Paris metro without raising other incidents but the manifestation of sympathy on behalf of the travelers. » (4)

« We were very happy and proud » recalled Hélène Viannay (5). This issue was uniquely produced. We titled it « « France with us » for the double anniversary of the Republic and Défense de la France ». It was the celebration of liberty, the celebration of the army, the celebration of unity. We called out to the people: France, liberate yourself from fear and you will truly be invanquishable! » recounted Hélène Viannay (6).


Source: (1) Philippe Viannay, Du bon usage de la France, Résistance, Journalisme, Glénans, Ramsay publications, 1988. (2) Ibid. (3) Ibid. (4) Transcription of the September 11, 1943 emission by the PNF. (5) Clarisse Feletin, Hélène Viannay l'instict de résistance, de l'Occupation à l'école des Glénans, Pascal publications, 2004. (6) Ibid.


Traduction : Matthias R. Maier


Auteur : Emmanuelle Benassi

 

Author: Emmanuelle Benassi

Contexte historique

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L’année 1943 marque un tournant décisif dans l’évolution du conflit mondial.

Amorcé depuis le printemps 1942, ce changement résulte, notamment de la mise en place d’une stratégie commune par les forces alliées qui permet de stopper, sur la plupart des fronts, l’avancée des forces de l’Axe.

Des rives de la Volga aux plages de Sicile, l’armée allemande vacille. Depuis le 2 février, Stalingrad est enfin reprise par l’armée Rouge qui déferle à la poursuite de la Wehrmacht et reprend les terres perdues en 1942. Rommel cède du terrain en Afrique où les Alliés ont débarqué le 8 novembre. Ces derniers événements changent progressivement mais radicalement la face du conflit sur le plan international comme sur le plan national. et signent l’inéluctabilité de la défaite allemande.

Désormais, l’ensemble des forces alliées peuvent s’inscrire dans la perspective d’une victoire possible.

En France, le mythe d’un Pétain résistant est définitivement brisé. La population française, fatiguée, usée par les difficultés du rationnement, les restrictions quotidiennes et l’ensemble des exactions commises par les Allemands, cultive une haine de plus en plus marquée à l’égard de l’occupant dont la présence s’étend depuis le 11 novembre 1942 sur l’ensemble du territoire.

L’impopularité de Pierre Laval, chef du gouvernement depuis le 18 avril 1942, l’augmentation de la répression qui se traduit par des rafles et l’institution du Service du traval obligatoire (STO) favorisent le rejet de la collaboration et marquent un tournant dans l’évolution des mentalités dont profite une Résistance qui n'a cessé, au cours de l’année 1942, de tisser sa toile, de veiller, d'entreprendre.

L’évolution du conflit l’amène à s’inscrire dans cette mouvance générale en s’adaptant aux événements présents et à venir et lui impose une véritable mutation. Elle s’organise grâce notamment à l’action entreprise par Jean Moulin qui, depuis plusieurs mois, parcourt la France occupée en vue de regrouper les dirigeants des principales organisations de résistance et, ensemble, de poursuivre le processus d’unification de leurs forces.

1943 est donc une année décisive où les espoirs changent de camp, où, malgré les souffrances et les sacrifices de plus en plus durs, on se prend à espérer, à oser croire peut-être de nouveau en un avenir, à se laisser porter par souffle de la victoire.


Sources : Serge Ravanel, L’esprit de Résistance, éditions du Seuil, 1995.


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The beginning of 1943 marked a pivotal moment in the global conflict. Beginning in the Spring, this change resulted notably from the institution of a common strategy by the Allied Forces, permitting them to stop the advancement of Axis forces on a majority of fronts.

From the banks of the Volga to the beaches of Sicily, the German army began to buckle. On February 2, Stalingrad was retaken by the Red Army, who swept out in pursuit of the Germans, retaking lands lost in 1942. Rommel lost terrain in North Africa, where the Allies landed on the eighth of November.


These recent developments progressively and radically changed the face of the conflict on both the national and international stages, signaling the inevitable defeat of Germany. The Allied Forces could begin to assembling their forces with victory now seeming possible.

In France, the myth of Marshall Pétain was effectively crushed. The French, worn-out and tired of the hardships of rationing and the daily restrictions inflicted by a German occupation, cultivated a hatred toward the occupiers that had grown stronger and stronger since November 11.

The unpopularity of Pierre Laval, who became the head of the government on April 18, and the increase in German repression through raids and persecution, encouraged the French to reject the collaboration, which thus inspired a change in the mentalities of the population. The primary beneficiary of this change in mentality was the Resistance, who, throughout the first six months of 1942, ceaselessly spun its web of connections, preparing, watching, and waiting.

The evolution of the conflict led the Resistance to adapt to the general movement and become more involved in the present events. It was organized most notably by the actions of Jean Moulin who, for several months, had traversed France to regroup the leaders of the various resistance movements and bring them together in a process of unification through the Conseil national de la Résistance (National Council of the Resistance), created in February.


3 was therefore a decisive year in which the balance tipped in favor of the Allies and in which, despite the suffering and the sacrifices that became more and more difficult, one could bring themselves to hope, one could dare to believe in a new future, to let themselves be carried away by the spirit of victory.


Source: Serge Ravanel, L'esprit de la Résistance, Seuil publications, 1995.


Traduction : Matthias R. Maier


Auteur : Emmanuelle Benassi

Author: Emmanuelle Benassi

Témoignage de Jacqueline Pardon