René Grégoire, objet d'une polémique dans l'Yonne

Légende :

« L’affaire Grégoire » est une polémique suscitée en 2007 par des membres du PCF de l’Yonne, contestant la présentation faite par l’ARORY du personnage de René Grégoire, commissaire des RG de l’Yonne et responsable de la répression envers la résistance icaunaise, et de son rôle exact pendant l’Occupation

Genre : Image

Type : Photographie

Source : © ARORY Droits réservés

Détails techniques :

Photographie analogique en noir et blanc (1944).

Date document : 1944

Lieu : France - Bourgogne - Franche-Comté (Bourgogne) - Yonne - Auxerre

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Analyse média

René Grégoire est né en 1895 dans le Maine-et-Loire. Mobilisé en 1914, il est fait prisonnier en avril 1918 mais réussit à s’évader et à rejoindre la France ; il est décoré de la Croix de guerre. Après la guerre, il devient clerc de notaire, puis entre en 1936 dans la police, à Crest puis à Dijon où, en août 1940, il est nommé chef de service aux Renseignements généraux. Il prend alors contact avec le colonel Hugon, chef du contre-espionnage français clandestin et participe à des activités de résistance (fourniture de faux papiers à des prisonniers de guerre évadés, transmission de renseignements). En juin 1941, il est nommé commissaire spécial, chargé des Renseignements généraux, à Auxerre. En février 1943, il est chargé de la direction et de la coordination de l’ensemble des services de police de l’Yonne.

De 1941 à 1944, c’est donc lui qui est le principal responsable des actions de répression de la Résistance (enquêtes sur les activités communistes, arrestations de résistants communistes icaunais, qui seront fusillés par les Allemands comme otages en janvier et avril 1942, direction des opérations menées par les corps francs contre la Résistance, etc.). Mais en même temps, il poursuit son activité de renseignement au sein des services du colonel Hugon et il est en relation avec Henri Cronier, agent sénonais du service de renseignement. Il entre également en relation avec des résistants icaunais importants, dont Henri Frager, chef national du réseau Jean-Marie Buckmaster implanté dans la région d’Aillant, et Marcel Choupot, nommé chef départemental de l’état-major FFI de l’Yonne au printemps 1944.

À la Libération, il est arrêté et interné à Auxerre. Son procès s’ouvre en avril 1945 devant la cour de justice de l’Yonne. Il se défend en mettant en avant son activité au sein du service de renseignement et ses relations avec des organisations et des chefs de la résistance icaunaise (que la défense ne peut faire témoigner en sa faveur car Frager et Choupot ont été arrêtés en 1944 par les Allemands et fusillés). Le procureur insiste sur sa responsabilité dans la lutte contre la Résistance et en particulier les arrestations, en 1942, de militants communistes fusillés par les Allemands comme otages.

Le 20 avril 1945, René Grégoire est condamné à mort. Il est fusillé le 5 juin 1945 près d’Auxerre. Il était marié à une institutrice et avait trois enfants.


Auteur : Claude Delasselle

Sources 

Joël Drogland, fiche "René Grégoire", in CD-ROM La Résistance dans l’Yonne, AERI - ARORY 2004.

Contexte historique

Au moment de son procès, en 1945, la condamnation et l’exécution de René Grégoire fut saluée par toutes les associations d’anciens résistants.
Le Travailleur de l’Yonne, organe du PCF icaunais, avait d’ailleurs mené au cours de son procès une très vive campagne de presse pour exiger sa condamnation.
Plus tard, dans les années 1980 et 1990, les ouvrages sur la résistance icaunaise rédigés par Robert Bailly, lui-même militant communiste, présentent constamment René Grégoire comme un collaborateur zélé des Allemands, un « traître » acharné à traquer les résistants. La parution en 2007 du livre Un département dans la guerre, publié par l’ARORY, va déclencher « l’affaire Grégoire ». Dans un des chapitres de ce livre, tout comme il l’avait déjà fait dans la notice qu’il avait rédigée sur René Grégoire dans le cédérom « La Résistance dans l’Yonne », paru en 2004, Joël Drogland, tout en détaillant les responsabilités incontestables de René Grégoire dans la répression des activités de résistance, surtout communiste, pendant l’Occupation, faisait état de ses activités au sein des services de renseignement clandestins français et de ses contacts étroits avec d’importants responsables de la résistance icaunaise.

Cette révélation déclencha, début 2007, une violente polémique, menée par Jacques Direz, ancien président de l’ARORY et militant communiste, soutenu par d’anciens élus communistes de l’Yonne, notamment Guy Lavrat et Jean Cordillot, contre les affirmations de Joël Drogland concernant le rôle de René Grégoire pendant l’Occupation.
Guy Lavrat entreprit de rédiger un long opuscule très virulent, publié avec le soutien de la Fédération de l’Yonne du PCF, où il s’efforçait de démonter les arguments de Joël Drogland et l’accusait de falsifier la vérité historique et de vouloir réhabiliter Grégoire.
Cette violente campagne sema un certain trouble parmi les anciens résistants, dont la plupart prirent cependant le parti de Joël Drogland et de l’ARORY, estimant que les attaques de Direz et de Lavrat étaient injustifiées et ne faisaient qu’exprimer une vision partisane de la Résistance, celle défendue par les ouvrages de Robert Bailly, qui faisait des communistes les précurseurs et les principaux acteurs de la résistance icaunaise.

En réponse aux accusations émises par Guy Lavrat, l’ARORY fit alors paraître, en janvier 2008, un numéro spécial de son bulletin Yonne-Mémoire dans lequel Joël Drogland confirmait et renforçait son analyse du cas Grégoire, cas finalement assez banal de nombreux policiers français au service de Vichy, très anticommunistes, certes, mais qui eurent cependant des contacts avec des organisations de résistance non communistes et même pour certains des activités résistantes, en particulier à partir de 1943. La polémique à propos de Grégoire cessa alors peu à peu et s’éteignit.


Auteur : Claude Delasselle

Sources 

Joël Drogland, fiche "René Grégoire"in CD-ROM La Résistance dans l’Yonne, AERI - ARORY 2004.