Légende :
Chant écrit entre 1943 et 1944, intitulé « Debout ! ». Paroles de Paul Deguilhem, musique de Hippolyte Lambert.
Genre : Image
Type : Partition
Producteur : Paroles de Paul Deguilhem, musique d’Hippolyte Lam
Source : © Dépôt MRN, fonds Alicale d'Eysses (carton n°14) Droits réservés
Détails techniques :
Papier à musique où sont tracées des portées pour écrire une partition. Dimensions : 22 x 17,5 cm.
Date document : Après 1945
Lieu : France - Nouvelle-Aquitaine (Aquitaine) - Lot-et-Garonne - Villeneuve-sur-Lot
Papier à musique recto-verso sur lequel figurent les paroles de « Debout ! », chant des patriotes emprisonnés à Eysses, écrites par Paul Deguilhem (recto) et les notes de musique d’Hippolyte Lambert (verso), tous deux détenus à Eysses.
La mention de « décembre 1943 » au verso du document laisse présumer que le chant est réalisé plus précisément fin 1943-début 1944. Chaque couplet est composé d’alexandrins.
« Debout ! » exprime cette émotion de l’auteur, Paul Deguilhem, par laquelle il souhaite que tous les détenus d’Eysses, Français et étrangers, se dressent contre l’ennemi, se battent pour leur libération et celle de la France (« tous ici réunis sous le même drapeau »).
Né le 10 mai 1904 à Beaucaire (Gard), Paul Deguilhem, employé SNCF à Arles, est arrêté le 7 juin 1941 pour propagande communiste et distribution de tracts. Condamné à 10 ans de travaux forcés en juin 1941 (peine commuée en 5 ans de prison), Deguilhem arrive à Eysses en octobre 1943. Il est également l’auteur d’une pièce de théâtre (France d'abord) jouée dans la centrale par les détenus à l’occasion du 11 novembre 1943 ainsi que de plusieurs poèmes. Déporté à Dachau le 16 juin 1944 avec l’ensemble des 1200 détenus patriotes, il y décède le 06 février 1945.
Hymne à l’intérieur de la centrale, ce chant est un acte de Résistance à l’ennemi, à l’emprisonnement (« […] que les murs épais s’écroulent […] ») et un appel au rétablissement de la République (« Pour notre République il faut vaincre »). C’est unis (« comme un seul homme ») qu’ils réussiront à chasser le régime nazi. Le vocabulaire employé pour le désigner (« odieux, exécré, infâme, décadent […] ») rend bien compte du contexte et des atrocités dont il est responsable (massacres, fusillades, déportations…).
La devise de la République française, Liberté-Egalité-Fraternité, transparait à travers ce chant.
Au dos de ce papier figurent les notes du musicien, Hippolyte Lambert, ainsi qu’une dédicace particulière, renforçant encore l’idée d’unité et de patriotisme (« […] à la mémoire de tous les camarades tombés pour que vive la France »). Né en 1913, fils de musicien, instituteur dans le Var et membre du parti communiste depuis 1936, Hippolyte Lambert participe, à partir de l'automne 1940, à la reconstitution clandestine du Parti dans le sud-ouest varois. Arrêté, il est interné au centre de séjour surveillé de Saint-Paul d'Eyjeaux (Haute-Vienne) le 16 avril 1941. Condamné le 24 juillet 1941 par le Conseil de guerre maritime à vingt ans de travaux forcés, il est emprisonné à Toulon, puis à la centrale d'Eysses où il prend en charge l’organisation d’une chorale des détenus.
Dans la dénomination du chant, il est intéressant de noter la modification de « internés » par « emprisonnés » pour désigner les patriotes d’Eysses. Pourquoi le terme « interné » a t-il été rayé ?
Grâce à des détenus musiciens, les « emprisonnés » ont désormais leur chant.
Auteurs : Aurélie Pol, Fabrice Bourrée
Sources : Jacques Girault, « Hyppolite Lambert » in cédérom Dictionnaire biographique du mouvement ouvrier français. Bureau Résistance, 16 P 165784, dossier individuel de Paul Deguilhem.
Dans les centrales où doit régner le silence, les chants entonnés en cœur expriment, plus que toute autre forme d’expression, une résistance collective au règlement, à l’emprisonnement. Ils ont une vacation de sociabilité, destinés à être partagés, entonnés entendus. Dans une lettre adressée à sa famille le 12 mai 1943 de la prison Chave de Marseille, Paul Courtieu écrit « Ici on n’a pas peur de se faire mettre en prison ! ».
Le chant des emprisonnés d’Eysses exhorte le groupe à la cohésion et à la combativité. Chant à tonalité républicaine et patriotique, il se veut rassembleur, le refrain reprend inlassablement le thème du combat unitaire jusqu’à la libération du territoire et tait les divergences politiques, le mot « ami » supplante le mot « camarade ». Chant unitaire de combat tourné vers la victoire, il ne contient aucune allusion au régime de détention, ni à la souffrance endurée. C’est un hymne à la République sans aucun ancrage révolutionnaire.
D'après l'ouvrage de Corinne Jaladieu, La prison politique sous Vichy. L’exemple des centrales d’Eysses et de Rennes, L’Harmattan, 2007.