Analyse média

Contexte

3 septembre 1939: déclaration de guerre de l’Angleterre puis de la France à l’Allemagne.
hiver 1939-1940: la « drôle de guerre » (pas d’intervention alliée contre le Reich).
9 avril 1940: invasion du Danemark et de la Norvège par les Allemands, expédition alliée à Narvik pour couper la « route du fer suédois ».
10 mai: attaque du IIIe Reich contre les Pays-Bas, la Belgique, le Luxembourg.
13-14 mai: attaque allemande dans les Ardennes (Sedan), le front est rompu le 15 mai, la ligne Maginot contournée se révèle inutile.
15 et 28 mai: capitulations néerlandaise et belge.
28 mai au 4 juin: bataille de Dunkerque (rembarquement de soldats britanniques et français).
10 juin: entrée en guerre de l’Italie, exode sur les routes de France de civils et de militaires.
14 juin: entrée de la Wehrmacht dans Paris déclarée ville ouverte.
17 juin: le maréchal Pétain, qui a succédé à Paul Reynaud, demande l’armistice.
18 juin: le général de Gaulle lance l’appel à la résistance.
22 et 24 juin: signatures des armistices franco-allemand à Rethondes et franco-italien à Rome, entrés en vigueur le 25.

Analyse des documents : bilan de ces combats

- Pendant ces deux mois de mai et juin 1940, 295 soldats natifs d’Ardèche sont morts pour la France, répartis de la façon suivante :

• 88 en mai dont 2 entre le premier et le neuf de ce mois et 3 le dix, jour du déclenchement par l’Allemagne de la guerre éclair (blitzkrieg) sur le front ouest, en s’appuyant sur la Luftwaffe et les Panzers,
• 207 en juin dont 32 après le dix sept juin (demande de l’armistice par Pétain) et parmi eux 4 à partir du vingt cinq du mois qui marque la mise en application des clauses de l’armistice.

- Le plus jeune a juste 20 ans : Pétigny Georges-Jean d’Annonay né le 16 mai 1920 et mort le 17 juin à Rennes des suites de blessures. Il est le seul Ardéchois de la classe 40 à mourir. Les deux plus âgés sont : Marthouret Jean Pierre-Lucien né le 25 novembre 1885 à Annonay, et mort le 28 juin à Lyon ainsi que Hazard Paul Jules né le 20 janvier 1887, membre d’une unité de défense aérienne du territoire et mort le 9 juin à Hornoy dans la Somme des suites de blessures.
28,9 % sont nés entre 1915 et 1919, 32,6 % entre 1910 et 1914, 19,7 % entre 1905 et 1909 et 15 % entre 1900 et 1904. Avec l’évolution de la guerre, des soldats plus jeunes sont mobilisés en juin et victimes directes ou indirectes des combats.

- Face à la guerre éclair de l’Allemagne nazie utilisant avions et blindés, à la puissance de feu considérable, l’armée française (matériel et stratégie) semble dater d’une guerre à l’exemple des chasseurs à pied, des cuirassiers, des dragons portés, des régiments à cheval. Les mobilisés natifs d’Ardèche se retrouvent principalement dans des régiments d’infanterie, alpine, coloniale, de zouaves, de tirailleurs algériens, marocains, tunisiens, sénégalais, dans des bataillons de chasseurs alpins. Rares voire très rares sont ceux dans la marine, l’aviation, dans des bataillons de chars ou dans l’artillerie.

- Les causes de décès sont diverses avec dans l’ordre décroissant d’abord les tués au combat dont les morts par balles, par éclats d’obus, de mines voire explosion d’une bombe, les victimes de bombardements aériens (l’Allemagne est maîtresse des airs), les soldats décédés des suites de blessures ou de maladie. En mai s’y ajoutent deux Ardéchois de naissance, marins victimes du torpillage du Sirocco vers Dunkerque : Breysse Jean-Baptiste du Béage et Chalas Louis de Mayres lors de la perte du contre-torpilleur Bison au large de la Norvège. En juin, les corps de deux Ardéchois sont retrouvés dans la Loire pour Bord Pierre de Le Plagnal et dans l’Aisne pour Degache Joseph de Saint-Pierre-sur-Doux. Auge Jean Baptiste du Pouzin ?, sous lieutenant, meurt dans son avion de reconnaissance abattu par la DCA allemande le 21 juin à Saint-Sébastien-sur-Loire et Testud Pauld’Aubenas est fusillé avec d’autres camarades le 17 juin à Ladon.

Lieux de décès

- En mai, 8 décès surviennent hors du territoire national dont 3 en Norvège (Chalas Louis le 3 mai, Héritier Fernand de Devesset le 19 et Bonnefoy Gabriel de Saint-André-en-Vivarais le 23), 4 en Belgique (Serrayet Alexandre de Vanosc le 10 mai, Roussel René de Valgorge le 13, Ayraud Albert de Lyas le 17 et Galiny Louis du Teil ? le 28) ainsi qu’un sur le sol allemand (Dejoux Rémy du Cheylard le 13 mai).
Dans l’hexagone, deux départements : le Nord et à un degré moindre la Somme sont les théâtres principaux de l’offensive allemande qui concerne les départements limitrophes entre les deux pays.

 - A cheval sur fin mai-début juin, la bataille de Dunkerque est meurtrière. Une dizaine de natifs d’Ardèche : Bonnefoi Emile de Saint-Didier-sous-Aubenas, Mazoyer Martial du Teil, Breysse Jean Baptiste du Béage, Giffon André d’Aubenas, Nury Emile d’Ajoux, Plan Raymond de Rochecolombe, Berthon Louis ?, May Jean du Teil, Peyronnet Clovis de Mézihac, Planet Paul de Privas sont décédés dans la poche de Dunkerque et ses environs : Grande Synthe, Zuydcoote, Armbouts.

- Au début du mois de juin trois décès surviennent dans des pays voisins :

• un en Angleterre : Minodier Félix de Saint-Félicien (peut être un Ardéchois qui avait réussi à embarquer à Dunkerque mais qui est mort le 1er juin des suites de blessures ou de maladie une fois sur le sol anglais),
• un au Luxembourg : Martin Sylvain de Jaujac le même jour,
• un en Belgique : Reymond Gaston de La-Bastide-sur-Besorgues le 4 juin.

Sur le sol français, de nombreux ardéchois de naissance meurent dans l’Aisne et dans une moindre mesure dans la Somme. L’armée allemande progressant, les lieux de décès concernent aussi des départements situés pas seulement à la frontière des deux pays mais à l’intérieur de l’hexagone notamment du fait des bombardements aériens. Ainsi le bombardement du 17 juin sur Rennes et ses environs immédiats est responsable de quatorze morts : Bernard Joseph de Satillieu, Brossand Marius de Saint-Etienne-de-Lugdarès, Dumonteil Henri de Tournon, Gagnère Henri ?, Granger Alfred ?, Jullien Raymond de Saint-Marcel-d’Ardèche, Lacour Charles de Privas, Martin louis de Nonières, Neboit Paul de Tournon, Pétigny Georges (des suites de ses blessures), Piala Eugène de Soyons, Rouveure Charles de La Voulte, Vincent Marcel de Baix et Cardinal Marcel de Chauzon dont le décès ne semble pas dû au bombardement.

Après l’entrée des allemands à Paris le 14 juin, la Loire ayant été choisie comme ligne de défense, de résistance face à l’avancée ennemie, un certain nombre d’Ardéchois vont mourir entre le 15 et le 18 juin dans les départements contigus au fleuve : Cher (Ginozier Jean-Louis d’Auriolles, Marijon Henri de Genestelle, Tracol Adi de Gilhac-et-Bruzac), Loiret (Luquet-de-Saint-Germain Antoine d’Annonay, Martin Raymond de Saint-Marcel-d’Ardèche, Testud Paul, Veyrand Camille des Etables mort de ses blessures le 20 juin), Yonne (Christophe Kléber de Baix, Coulet Elie de Cruas, Laurent Henri du Cros-de-Géorand), ou à proximité : Côte d’Or (Courbis Elie de Saint-Jean-Chambre, Jean Léonce des Vans), Eure-et-Loir (Jaussent Julien de Saint-Etienne-de-Fontbellon), Loire (Fanget Louis de Vanosc).

Cette contribution présente des limites car la commune de naissance n’est pas toujours clairement mentionnée, le lieu de décès fait quelquefois défaut et surtout elle n’indique pas si ces natifs d’Ardèche habitent encore le département lors du déclenchement de la guerre. A l’inverse, les hommes qui vivent en Ardèche sans y être nés mais qui ont combattu et sont morts pour la France en mai-juin 1940 n’apparaissent pas sur le site où des noms ont été oubliés comme celui de Silhol Henri né le 25 juin 1908 à Lagorce et mort pour la France le 9 juin 1940 suite au mitraillage des avions allemands sur la commune des Ageux dans l’Oise (inhumé d’abord dans ce village, puis au cimetière militaire de Cambronne les Ribecourt et enfin 58 ans après à Lagorce). 

Les noms gravés sur les monuments aux morts des communes et les registres des décès pourraient affiner cette étude. Exemple sur les 5 soldats albenassiens morts pour la France entre mai et juin 1940 un seul n’est pas natif du département ni de France : Makseredjian Léon, né le 10 janvier 1914 à Smyrne mais habitant Aubenas, est mort le 29 mai 1940 dans l’Aisne. Cette présence arménienne résulte de la conjonction de deux réalités: le besoin de main d’œuvre des industries textiles de la plaine d’Aubenas, notamment dans les années 1920, nouvelle période faste, et l’arrivée d’arméniens fuyant le génocide de leur peuple. Ainsi certains se sont retrouvés en nombre à Pont d’Aubenas appelé la petite Arménie.
Les quatre autres sont natifs d’Ardèche: Plan Raymond de Rochecolombe, Nury Emile d’Ajoux, Marijon Henri de Genestelle et Testud Paul d’Aubenas. Leurs lieux de naissance montrent le pouvoir attractif d’Aubenas, capitale économique de l’Ardèche méridionale. A l’inverse, trois natifs d’Aubenas : Giffon André, Roche Raymond, Souteyrand Marcel, vont mourir en mai juin 1940 mais leurs noms ne sont pas gravés sur le marbre car ils n’habitent pas ou plus la ville. De même à Saint Pierreville, les noms de Rouveyrol André et de Souche Gaston Jules, natifs du village et morts pour la France en mai juin 1940, n’apparaissent pas sur le monument aux morts. Pour rappel, dans le Nord du département, région d’Annonay et de Sarras, la 1e brigade de Spahis composée du 4e régiment de Spahis marocains et du 6e régiment de Spahis algériens va jusqu’au 25 juin lutter pour ralentir la ruée allemande dans la vallée du Rhône.