Internement et déchéance de nationalité pour des militantscommunistes, septembre 1940
Légende :
Le chef de la police spéciale propose au préfet des Bouches-du-Rhône des mesuresd'internement et de déchéance denationalité à l'encontre de trois militants communistes. 23 septembre 1940
Type : correspondance administrative
Producteur : MUREL PACA
Source : © archives départementales des Bouches-du-Rhône, 76 W 160 Droits réservés
Lieu : France - Provence-Alpes-Côte-d'Azur - Bouches-du-Rhône - Marseille
Analyse média
Le chef de la police spéciale (voir contextehistorique) propose au préfetdes Bouches-du-Rhônede sanctionner trois militants communistes. Pour les deux militants français,Léon David et AntoineGuidoni, lecommissaire réclame avec insistance l’internement administratif dans ce qu'il appelle « un camp deconcentration » (voir contexte historique). Pour Second Ballestra, denationalitéitalienne, le commissaire réitère saproposition de déchéance de nationalité (il faut sans doute lire1940 et non 1930) comme le permet la loi du 16 juillet 1940 et son expulsion. On peut supposerqu'il entend renvoyer enItalie ce militant communiste, l'exposant ainsi à la répressiondes autoritésfascistes.
La détermination ducommissaire est palpable et son ton pressant. Il rappelle au préfet que lessanctions qu'il propose I’ ontdéjà été dans des rapports antérieurs. En creux, on perçoit unagacement devant les lenteurs administratives et les précautions que prend le préfet avant deprononcer des arrêtés définitifs.
L'annotation au crayon enmargeamorce les procédures devant donnersatisfaction aucommissaire.
Sylvie Orsoni
Contexte historique
La police spéciale dépend de laSureté générale, un des services du ministère de l'Intérieur. Elle a la charge de la sécurité intérieureet exerce une surveillance politique considérée commeallant de soi quel que soit le gouvernement. Elle connaitdonc les responsables politiques de tousles partis ainsi queles militants étrangers vivant en France. La signature du pacte germano-soviétique le 23 aout 1939 entraine le 26 septembre 1939 la dissolution du Parti communiste français etde toutes ses organisations. Denombreuses perquisitions, et saisies de documentsont lieu. Parailleurs les militants soupçonnés de poursuivreleur activité malgré l’interdiction sont déférés autribunal militaire de la XVe Région. Le décret-loi du 18 novembre 1939 permet l’internement de « tous les individus dangereux pour la défense nationale ou la sécuritépublique » sur simpledécision du préfet. Le premier camp d'internement est crééen janvier 1939 à Rieucros(Lozère). Il est destiné d'abord aux « indésirables » étrangers. Les campsd'internement se multiplient avec l'exode des Républicains espagnols en janvier 1939 puis l'entrée en guerre.
Ils se spécialisent :camps pour étrangers, pour internés politiques français, pour famille etc...L'administrationfrançaise emploie couramment le terme de camp de concentration sans pour autantassimiler sescamps d'internement aux camps allemands. Léon David,membre du bureau de la fédération des Bouches-du-Rhône du Parti communiste français, élu conseiller d'arrondissement pour lecanton de Roquevaire, dans le bassin minier des Bouches-du-Rhône est déchu de son mandat en1939. La répression des activités communistes se poursuit avec l'accession du maréchal Pétain aupouvoir. Le commissaire de la police spécial dès le 18 juin 1940 s'étonnait auprès du préfet queLéon David soit encore en liberté alors que des militants < de moindre envergure étaient arrêtés ». Il considérait que cela constituait un trouble à l’ordre publique. Son rapport du 23 septembre 1940est suivi d'effet puisque Léon David est arrêté le 27 novembre 1940, interné au camp de séjoursurveillé de Chibron puis transféré à la prison du fort Saint Nicolas. II en est libéré par décision dutribunal militaire de la XVe Région en mai 1941. Léon David poursuit la résistance dans le bassinminier et en 1944 fait partie du comité départemental de Libération(CDL) au nom du Particommuniste.
L'extrême-droite depuis les années trente appelait à des mesures contre ceux qu'elle considéraitcomme I ‘Anti-France. Le décret-loi du 12 novembre 1938 permet l’internement des étrangers suspects demenacer la sécurité nationale dans des camps d'internement. Le 18 novembre 1939,la mesure est étendue aux Français. Le gouvernement de Vichy suspend les voies de recoursaccordées aux internés par la loi du 3 septembre 1940 et surtout par la loi du 16 juillet 1940 ouvrela voie à la révision des naturalisations effectuées depuis 1927. Le ministre de la Justice, RaphaelAlibert crée le 22 juillet une commission pour la révision des naturalisations effectuées depuis le 10aout 1927. Cette commission retire la nationalité françaiseà 15 154 personnes qui sont exposéesau risque d'internement ou d'expulsion comme dans le cas de Second Ballestra.
Sylvie Orsoni
Sources
Grynberg Anne, Les camps de la honte. Les internés juifs des camps français, 1939-1944, La
Découverte/Poche,Paris, 1999.
Mencherini Robert, Midi rouge, ombres et lumières. 1. Les années de crise, 1930-1940. Paris,
Syllepse, 2004.
Mencherini Robert, Résistance et Occupation (1940-1944). Midi Rouge, ombres et lumières, tome3. Paris, Syllepse, 2011.
Paxton O. Robert, La France de Vichy 1940-1944, éditions du Seuil, Paris, 1973.
Peschanski Denis, La France des camps. L'internement 1938-1946. Editions Gallimard, Paris,
2002.