Voir le verso

Dans les pas de Jacques Oudin

Légende :

Portrait de Jacques Oudin (recto)

Fiche de l'infirmerie du Kommando Ellrich, (c) Arolsen Archives (Verso)

Genre : Image

Type : Photo

Producteur : Laurent Thiery

Source : © Fondation de la Résistance Droits réservés

Ajouter au bloc-notes

Contexte historique

Résistant déporté

Jacques Oudin est né le 18 mai 1921 à Paris, dans le 14e arrondissement. Étudiant en pharmacie, célibataire, il est domicilié à Maisse, en Seine-et-Oise, une commune située à 52 km au Sud de Paris.

Fils d’un industriel décoré de la Légion d’honneur, il s’engage très vite dans la Résistance. Membre des Volontaires de la Liberté depuis octobre 1940, il fait partie du groupe d’étudiants à l’origine de la formation, en juillet 1941, du mouvement Défense de la France. À partir de mars 1943, il dirige l'ensemble de la diffusion du journal clandestin éponyme et intègre le comité directeur du mouvement. Pour son activité, Jacques Oudin est arrêté le 31 janvier 1944 à Paris, métro Convention grâce aux indications fournies par un agent double infiltré dans l’organisation par la Gestapo.

Transféré à la prison de Blois pour les besoins de l’enquête de police, il est ensuite envoyé à Fresnes puis au camp de rassemblement de Compiègne dans l’Oise. Au Frontstalag 122, il est enregistré avec le numéro 29832. Le 27 avril 1944, il est déporté dans l’un des rares convois de prisonniers politiques parti de France à rejoindre le camp d’Auschwitz en Pologne. Le « convoi des tatoués » y est immatriculé trois jours plus tard. Jacques Oudin devient alors le matricule 186155 ; numéro qui lui est tatoué sur le bras gauche. Le 12 mai, avec un grand nombre de ses camarades français, il est transféré à Buchenwald où il reste pour la quarantaine avant de rejoindre le 13 juin, le Kommando de Dora dans le Harz. Il garde le matricule reçu à Buchenwald, le 52466. Le 11 août 1944, il est affecté à Ellrich-Juliushütte où il reste jusqu’à l’évacuation. Le 5 avril 1945, il embarque dans le troisième convoi à quitter le camp avec près de 2 000 hommes et qui aboutira le 16, au camp de Sachsenhausen près de Berlin. Jean Guardo (41313), présent dans le même wagon que Jacques Oudin informera son père de sa mort à ses côtés, le 8 avril, vers 23h à Buchhorst, dans le Mecklembourg. 

Selon Pierre Segelle (89628), le corps de Jacques Oudin a été enterré au bout des voies de triage de la gare de Salzwedel. Grâce aux indications de ces deux témoins, 244 corps de différentes nationalités pourront être relevés après la guerre de cette fosse commune. Avec Jacques Oudin, se trouvait également Raymond Croland (77052).

En 1946, Jacques Oudin est décoré à titre posthume de la médaille de la Résistance, de la Légion d’honneur et de la Croix de guerre.

 

Dans les pas de Jacques Oudin : le convoi d’évacuation Ellrich – Heinkel (5 – 16 avril 1945)

À la demande la famille du résistant Jacques Oudin, matricule 52466, membre du bureau directeur du réseau Défense de la France, des recherches ont été entreprises pour tenter de comprendre les circonstances de sa mort et la localisation de sa dernière sépulture. En collaboration avec les historiens du Gedenkstätte Mittelbau-Dora, Andreas Froese et Sebastian Hammer, du directeur du musée de la ville de Salzwedel, Ulrich Kalmbach, de nouvelles recherches ont pu être menées notamment par recoupement systématique des dossiers et archives des déportés ayant emprunté le même parcours que Jacques Oudin. En outre, le travail de développement numérique et notamment le processus de cartographie des parcours des 9 000 déportés de Dora mis au point par Jean-Michel Dozier permettent de mieux comprendre les événements.

Déporté dans le « convoi des tatoués » vers Auschwitz en avril 1944, Jacques Oudin a ensuite été envoyé à Buchenwald, puis à Dora le 13 juin 1944 et en fin au Kommando d’Ellrich le 11 août 1944.

Après 237 jours dans ce camp, il embarque dans le dernier convoi parti de la gare d’Ellrich le 5 avril 1945 et arrivé le 16 au Kommando Heinkel du KL Sachsenhausen près de Berlin. Comprenant près de 3 000 hommes, le transport est composé principalement des malades et des médecins détenus resté à Ellrich. Comme pour les convois partis la veille, la destination initiale est le camp de Neuengamme, près d’Hambourg mais aucun des convois n’atteindra la destination. 

Officiellement, Jaques Oudin a été déclaré décédé le 8 avril 1945 à Buchhorst au cours de ce transport. L’information provient du témoignage de Jean Guardo (41313) qui était dans le même wagon. Il apparait cependant qu’aucun décédé n’a été descendu du train et comme le confirme les témoignages, les morts sont regroupés dans un wagon dédié.

Par recoupement des données et notamment en établissant une liste des déportés d’Ellrich enregistrés au camp de Sachsenhausen / Kommando Heinkel le 16 avril 1945, les témoignages des survivants apportent des éléments sur le parcours du train. On retrouve une liste des gares traversées dans le livre d’André Sellier, p.338 et suivantes.

Selon ces données, le départ est donné le 5 avril en fin d’après midi avec les derniers détenus d’Ellrich, notamment ceux présentes au Revier, malades et personnels. Le convoi précède de peu le dernier train parti de Dora le même jour et qui finira par arriver le 14 avril au camp de Ravensbrück, près de Berlin. Le trajet connu par le récit de 3 Belges et d’Albert Besançon : le train transite d’abord par Osterode, Seesen, Salzgitter, Brunswick (comme les convois précédents arrivés à Bergen-Belsen). Puis, Helmstedt, Oebisfelde, Buchhorst (8-9 avril), Gifhorn, Wittingen et Uelzen. Comme il est impossible de traverser l’Elbe, ordre est donné de rejoindre le camp de Sachsenhausen, près de Berlin. Le train rejoint alors la ville de Salzwedel. Probablement pour ne pas perdre de temps, les SS du convoi ordonnent que les corps des décédés soient regroupés dans un wagon spécifique. En gare de Salzwedel, la situation est critique. Le commandant du transport choisit un espace près de la voie ferrée où est construite une voie de dégagement permettant au train de stationner sans obstruer la voie principale. Des détenus, notamment les médecins comme Max Oesch et Emilio Rosel-Saez sont désignés pour creuser une fosse. Selon un agent de la ville présent, 244 corps sont extraits du train et enterrés sommairement dans cette fosse sans possibilité d’identification.

Selon nos recherches, au moins 7 déportés de France reposent dans cette fosse à Salzwedel. Il s’agit de CALVET Fernand, Gabriel (44767), CROLAND Raymond (77052), DE COLOMBEL Ivan (77040), GOURC Marcel (21916), GUELET Louis (43829), LEGAY Roger (52393), OUDIN Jacques (52466), RINGOT Kléber (113735) et VINCENT Marius (51973).

L’opération terminée, le train reprend sa progression et rejoint Dömitz, Ludwigslust, Wittenberge, Nauen, l13 avril où le convoi est bombardé. À Neustadt, une nouvelle fosse est creusée près de la voie à hauteur de Segeletz dans laquelle 186 nouveaux décédés sont inhumés. Puis le train repasse par Nauen et Neustadt pour finalement atteindre Heinkel le 16 avril. Il aura fallu 10 jours et 11 nuits pour faire seulement 215 km ! Une nouvelle fosse est creusée à l’arrivée pour les derniers morts du train. Il s’agit probablement du plus meurtrier des convois d’évacuation partis depuis le complexe de Mittelbau-Dora. Pour mesurer les conditions particulièrement inhumaines subies par les déportés, il faut notamment lire le témoignage d’Etienne Lafond-Masurel écrit dès juin 1945 et publié sous le titre « Survie ».

Grace au logiciel cartographique développé par Jean-Michel Dozier, on peut établir aujourd’hui que ce véritable train de la mort a parcouru en réalité plus de 720 km !


Laurent Thiery

-SHD-Caen dossier 21p522061

-© Arolsen Archives, 2021

-documents familiaux Jacques Oudin - souvenir d'un résistant deporté (jacques-oudin-resistant.fr)

-Archives nationales, série F7. 

-Bds Dora, Jean-Michel Dozier

-Livre des 9 000 déportés de France au camp de Mittelbau-Dora, Cherche-Midi, 2020