Émile Bollaert : un préfet en Résistance (1890 – 1978)

Légende :

Dépôt d'une gerbe par Émile Bollaert après le défilé du 1er mai 1945 sous l'Arc de Triomphe des déportés du camp de concentration de Mittelbau-Dora.

Genre : Image

Type : Photographie

Producteur : Laurent Thiery

Source : © Fondation de la Résistance Droits réservés

Date document : 26/02/2025

Lieu : France - Ile-de-France - Paris - Paris

Ajouter au bloc-notes

Contexte historique

Le 29 avril 2025, date anniversaire du retour de Bergen-Belsen d’Émile Bollaert, sa tenue rayée de déporté des camps de Buchenwald, Dora et Bergen-Belsen sera confiée au Musée de l’Ordre de la Libération.

Alain, son fils cadet, décédé le 13 juin 2024 à l'âge de 93 ans, a travaillé avec opiniâtreté sur la biographie d'Émile Bollaert jusqu'à juin 2024 afin de rétablir le maximum de vérité sur la vie de résistant de son père. Il lui a consacré un site Interner spécifique : Émile BOLLAERT – Biographie

Avec Yann Bollaert (petit-fils d’Émile), une chronologie parallèle entre les périodes de résistance de Jean Moulin et d'Émile Bollaert a été établie (voir dans l’album).

 

Émile Bollaert

Mobilisé comme sous-lieutenant de chasseurs alpins le 3 août 1914, il termine la Grande Guerre avec cinq citations et la Légion d'honneur. Revenu à la vie civile fin juillet 1919, il gravit les échelons de l'administration préfectorale. Successivement chef de cabinet du préfet de la Loire (1919-1921), secrétaire général du Gers (1921-1922), sous-préfet d’Arcis-sur-Aube (Aube), Émile Bollaert, radical-socialiste, collabore étroitement avec Édouard Herriot dont il devient le chef de cabinet à la présidence du Conseil de juin 1924 à avril 1925. Sous-préfet de Carpentras (Vaucluse) puis de Brest (Finistère) en juillet 1926, il entre de nouveau dans le cabinet d’Édouard Herriot en 1927. En février 1929, il est nommé préfet de Haute-Marne puis des Vosges (1931) avant de devenir directeur de cabinet d’Édouard Herriot de juin à décembre 1932.

Directeur général des Beaux-Arts en 1933, il est préfet du Rhône à partir de février 1934. Lors de la mobilisation de 1939, il demande à partir comme chef de bataillon du 93e bataillon de chasseurs alpins mais le ministre de l'Intérieur le met en appel différé, en raison de sa situation professionnelle. Comme préfet, il est chargé d’organiser le départ des parlementaires pour Vichy dans le cadre du vote du 10 juillet 1940. Avant de les quitter, il les salue en criant « Vive la République ! ». Farouche adversaire de l'occupation allemande, il est révoqué par Vichy le 25 septembre 1940. Il ne demande à l’État aucune compensation et trouve alors un emploi de courtier d’assurance. Surveillé à Lyon, il tente de rentrer à Paris mais n’ayant pas d’autorisation, il doit attendre avril 1941 pour obtenir un Ausweis lui permettant de gagner la capitale. En 1942, il est désigné par le Comité national français de Londres comme futur préfet de Police puis comme commissaire à l'Intérieur à la Libération. Le 1er septembre 1943, il est nommé par le général de Gaulle, pour succéder à Jean Moulin en qualité de délégué général du Comité français de la Libération nationale (CFLN) et à ce titre, diriger l'action de la Résistance. Fin septembre 1943, il retrouve à Paris, Pierre Brossolette, chargé de l'aider dans sa prise de fonctions. Émile Bollaert, alias « Baudouin », fait alors l'apprentissage de son rôle de délégué général face aux mouvements de résistance, aidé par ses adjoints Claude Bouchinet-Serreulles et Jacques Bingen. Il réside alors à Paris, 26 rue Vavin (6e).

Appelé à Alger pour rencontrer le général de Gaulle, il embarque le 2 février 1944, avec Pierre Brossolette et 27 autres passagers, à la Pointe de Penmarch (Finistère) sur le Jouet des Flots ; le bateau fait naufrage et de retour à terre, il est arrêté le 3 février, par le SD, en compagnie de Brossolette, sur la route d’Audierne. Internés à Quimper, les deux hommes sont transférés le lendemain à Rennes puis à Fresnes le 19 mars. Interrogé au siège de la Gestapo, avenue Foch, avec Pierre Brossolette, Émile Bollaert est témoin du suicide de ce dernier. Il quitte la France, depuis la gare de Pantin, par le convoi du 15 août 1944 pour l'Allemagne et arrive le 20 août 1944 au KL Buchenwald où il reçoit le matricule 77127. Il est envoyé à Dora dès le 3 septembre.

Le 4 avril 1945, il est évacué dans l’un des convois qui finira par arriver à Bergen-Belsen. Enfermé au « camp des casernes », il est élu délégué des 60 000 détenus à la libération du camp par l’armée britannique le 15 avril 1945.

Rapatrié le 30 avril 1945, il défile le 1er mai sur les Champs-Élysées avec plusieurs camarades portant leur tenue de déporté.

Il est nommé commissaire de la République pour l'Alsace le 1er juin 1945. En décembre 1946, il devient conseiller de la République puis en mars 1947, haut-commissaire en Indochine. En mai 1949, il est nommé président du conseil d'administration de la Compagnie nationale du Rhône jusqu'à sa retraite, en 1960. Président d’honneur dès sa création, en mai 1946, de l’Amicale des déportés de Dora-Ellrich, Émile Bollaert est décédé le 18 mai 1978 à Paris où il est inhumé.

Titulaire de nombreuses distinctions, Émile Bollaert était notamment grand-croix de la Légion d'honneur, compagnon de la Libération et médaillé de la Résistance avec rosette.

 

 

 


Laurent Thiery

Livre des 9 000 déportés de France à Mittelbau-Dora, Cherche Midi, 2020, p. 229, notice rédigée par Vladimir Trouplin, Musée de l'Ordre de la Libération

Sources : 

-Documents transmis par Yann Bollaert (février 2025)

-Mémorial des fonctionnaires du corps préfectoral et de l'administration centrale

-Dossier SHD-Caen 21p659917

- © Arolsen Archives, 2021

-Archives de l’ordre de la Libération, dossier Émile Bollaert