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UNE FRANCE ! UN CHEF ! le Petit Marseillais, 18 juin 1940.

Légende :

Titre de l'éditorial du Petit Marseillais annonçant que le maréchal Pétain entame avec l'Allemagne des négociations en vue d'un armistice.

Genre : Image

Type : Journal

Producteur : MUREL PACA

Source : © © Archives municipales de Marseille Droits réservés

Lieu : France - Provence-Alpes-Côte-d'Azur - Bouches-du-Rhône - Marseille

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Analyse média

Le 18 juin 1940, Le Petit Marseillais, un des principaux quotidiens régionaux, consacre l'essentiel de sa Une au maréchal Pétain devenu Président du Conseil le 16 juin (voir contexte historique).

L'éditorial composé d'un portrait de Philippe Pétain et d'un court texte annonce ce qui deviendra le culte du maréchal :

            -La photographie : le maréchal en uniforme, le képi aux feuilles de chêne rappelant sa dignité, le regard droit, gage de franchise et de sincérité et même temps établissant une distance avec le spectateur, l'expression grave à la hauteur des enjeux.

             -Le titre en majuscule : UNE FRANCE ! UN CHEF ! qui n'est pas s'en rappeler la devise hitlérienne

« EinVolk, Ein Reich, EinFürher » (un Peuple, un Etat, Un Chef).

             -Le premier paragraphe pose d'emblée que le choix du maréchal Pétain comme président du Conseil était le seul possible. Le passé répond du présent et de l'avenir.

             -Dès le troisième paragraphe, la décision de demander à l'Allemagne l'armistice est suggérée : « Sa conscience de chef et de citoyen va assumer la décision capitale. ». Le quatrième paragraphe, tout en flattant le lecteur (Il serait injurieux …),montre l'effacement total des responsables politiques civils, pourtant démocratiquement élus, devant les militaires. Les trois paragraphes suivants convoquent les thèmes du sacrifice et de la douleur qui seront par la suite abondamment repris :

D’abord l’ambassade de Pétain auprès du général Franco est entourée d’allusions météorologiques (lorsqu’on alla le [le maréchal] chercher dans sa retraite, il y a deux ans, en lui demandant un service difficile, sur les routes enneigées de la vieille Castille …), puis : nul Français ne souffre plus que le maréchal et en conséquence, tous ne peuvent que s'incliner et accepter ses décisions. Le maréchal se situe à un niveau inaccessible au commun des mortels. Il est exempt de toute ambition personnelle et se sacrifie pour la nation.

L'article se termine par la glorification du pouvoir solitaire et autoritaire « Nous avons un chef. La France vivra. Vive la France ! » Les choix politiques du journal apparaissent clairement dès le 18 juin et ne feront que se confirmer par la suite, faisant du Petit Marseillais un des organes les plus zélés du régime de Vichy et de la collaboration.

           

               


                                                                                           Auteure : Sylvie Orsoni

Sources

Cogniez Hugo, La mort de la IIIe République, 10 mai-10 juillet 1940. De la défaite au coup d'Etat. Editions Perrin, Paris, 2024.

Le culte du maréchal Pétain, EncyclopediaUniversalisen ligne.

Contexte historique

Le 18 juin 1940, le maréchal Pétain, président du Conseil depuis deux jours enregistre sa première allocution à la nation et une de ses plus célèbres. Sa nomination a été annoncée le matin même aux Français qui croient encore que le maréchal se situe sur la ligne de son prédécesseur, Paul Reynaud, et entend poursuivre la lutte. Après un hommage à « l'admirable armée qui lutte avec un héroïsme digne de ses longues traditions militaires », exonérant ainsi de toute responsabilité les chefs militaires qui ont conduit au désastre, le maréchal Pétain montre sa conception du pouvoir : « Je fais à la France le don de ma personne pour atténuer son malheur en ces heures douloureuses. » Un pouvoir personnel dont il est le seul dépositaire car sa souffrance est sans commune mesure avec celle de ses compatriotes. Le passage sur les « pauvres réfugiés » permet d'arriver à l'essentiel du message : « C'est le cœur serré que je vous dis qu'il faut cesser le combat ». Alors même que la France et le Royaume-Uni s'étaient engagés à ne pas négocier séparément et que l'on est dans l'ignorance de la réponse allemande, cette phrase jette le trouble dans l'armée et provoque sa désagrégation, les soldats se débandant en masse et tombant ainsi aux mains de l'ennemi. Le ministre des Affaires étrangères éprouve le besoin de préciser « le gouvernement ne prendra les décisions nécessaires-quelles qu'elles soient- que dans l'honneur », accentuant la confusion. Le maréchal Pétain avait depuis longtemps arrêté sa position : que le pouvoir civil signe un armistice permettant à l'armée de ne pas porter la responsabilité de la défaite et se trouve ainsi discrédité pour permettre le passage à un régime autoritaire et antidémocratique.

Le Petit Marseillais, de tendance conservatrice avant-guerre, soutient avec enthousiasme le maréchal Pétain et la Révolution nationale. Son tirage de 280 000 exemplaires le place en tête des quotidiens de la région.

                                                                                                          


Sylvie Orsoni

Sources

Cogniez Hugo, La mort de la IIIe République, 10 mai-10 juillet 1940. De la défaite au coup d'Etat. Editions Perrin, Paris, 2024.

Mencherini Robert, Midi rouge, ombres et lumières. 1. Les années de crise, 1930-1940. Paris, Syllepse, 2004.

Mencherini Robert, Vichy en Provence, Midi Rouge, ombres et lumières, tome 2.,Paris, Syllepse, 2009.