LE MARECHAL PETAIN SAUVEUR MODERNE DE LA PATRIE ADRESSE, AUJOURD'HUI, UN MESSAGE RADIODIFFUSE
Légende :
Titre de l'éditorial du Petit Marseillais du 11 mai 1941 annonçant que la France et l'Empire fêtent aujourd'hui Jeanne d'Arc.
Genre : Image
Type : Journal
Producteur : MUREL PACA
Source : © Archives municipales de Marseille Droits réservés
Lieu : France - Provence-Alpes-Côte-d'Azur - Bouches-du-Rhône - Marseille
Analyse média
Le 11 mai 1941, le Petit Marseillais consacre une grande partie de sa une à la fête de Jeanne d'Arc. L'importance donnée à l'événement par le régime de Vichy est en rapport avec la taille des caractères utilisés dans les gros titres de la tribune. Ce dispositif typographique est au service de la mise en valeur du nom de Jeanne d'Arc qui frappe le regard du lecteur par la place centrale occupée, procédé encore amplifié par l'emploi de caractères encore plus gros.Lafoi et le sacrifice de l'héroïne qui ont fait survivre la Nation sont à mettre en rapport l'importance de la foi dans l'idéologie vychiste et le sacrifice du maréchal Pétain, lui aussi saveur de la patrie, qui a fait don de sa personne à la France, le 17 juin 1940.L'emploi du terme "Nation" en corrélation avec Jeanne d'Arc semble établir une pérennité historique qui irait du XVe à l'époque du journal, alors même qu'il a renvoyé à des conception différentes au cours des siècles. Le message radiodiffusé du maréchal Pétain se présente comme une recension des faits accomplis par Jeanne d'Arc, depuis sa naissance jusqu'à sa mort, qui ont fait de la petite paysanne lorraine "la sainte de la patrie".
Auteur: Alain Giacomi
Contexte historique
Pendant la Première Guerre Mondiale, le culte de Jeanne d'Arc a pris une grande importance qui va encore se développer après la fin du conflit, et se traduire le 18 mai 1919 par la première célébration de la fête de Jeanne d'Arc et le 16 mai 1920 par sa canonisation par le pape Benoît XV.
Peu de jours avant, Maurice Barrès, oeuvrant pour l'instauration d'une fête de Jeanne d'Arc, tenait ces propos devant l'Assemblée nationale, le 14 avril 1920:
"Il n’y a pas un Français, quelle que soit son opinion religieuse, politique ou philosophique, dont Jeanne d’Arc ne satisfasse les vénérations profondes. Chacun de nous peut personnifier en elle son idéal. Êtes-vous catholique ? C’est une martyre et une sainte. Êtes-vous royaliste ? C’est l’héroïne qui a fait consacrer le fils de Saint-Louis par le sacrement gallican de Reims… Pour les Républicains, c’est l’enfant du peuple qui dépasse en magnanimité toutes les grandeurs établies… Enfin les socialistes ne peuvent oublier qu’elle disait : « J’ai été envoyée pour la consolation des pauvres et des malheureux".
D'abord considérée, de par son origine paysanne et populaire, comme sa propriété par la gauche, Jeanne d'Arc, sur la base de cette symbiose entre les domaines religieux et politique, sera ensuite récupérée par les différentes factions de l'extrême droite pour donner naissance à l'idéologie collaborationniste et au culte du maréchal Pétain, ce qui aboutira entre autres à faire de celui-ci le "sauveur moderne de la patrie". Il est toutefois pertinent de remarquerque le parallèle entre Jeanne d'Arc et le maréchal reste surprenant, dans la mesure où la première a – selon une expression quelque peu synthétique – "bouté les Anglais hors de France", tandis que le second a accueilli sur le territoire national les troupes hitlériennes et développé une politique de collaboration avec l'occupant.
Auteur: Alain Giacomi
Sources
KRUMREICH, Gerd: Jeanne d'Arc à travers l'histoire, Belin, Paris, 2017.
LAURENT, Valentin: Jeanne d'Arc au fil des siècles, revue-histoire.fr, 2024.
