Le général Collet, le colonel

Légende :

Le général Collet s'entretenant avec Jean-Pierre Vernant sous l'oeil de Robert Noireau alias "colonel Georges".

 

Genre : Image

Type : Coupure de presse

Source :

Détails techniques :

Coupure de presse.

Date document : Septembre 1944

Lieu : France - Occitanie (Midi-Pyrénées) - Haute-Garonne - Toulouse

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Analyse média

Photographie publiée dans La Dépêche du Midi du 19 février 1967.


Contexte historique



A la Libération, deux états-majors FFI coexistent principalement : un état-major des troupes et un état-major territorial. Les rapports entre ces deux états-majors toulousains, au début très étroits, ne tardent pas à se dégrader. Le commandement des troupes estime que les 25 000 hommes envoyés par la région combattre sur le front, sont "équipés et armés de matériel léger". Il souhaite "lancer une nouvelle division à destination de la Première Armée française". Mais l'état-major territorial freine le mouvement. Il est accusé de ne pas fournir l'équipement nécessaire. Les bons de déblocage de fournitures ne sont délivrés qu'au compte goutte, et plusieurs officiers et services sont accusés de "manque d'énergie, d'esprit d'initiative, ou de sabotage caractérisé". Le cas de l'habillement est caractéristique : des stocks existent, mais ils ne sont pas débloqués ou réquisitionnés, alors que, à l'approche de l'hiver, les besoins des troupes en vêtements chauds sont importants. En fait, entre les responsables FFI, sortes de "nouveaux soldats de l'an 2" issus de la clandestinité, et les responsables militaires d'active, que les premiers ont tendance à considérer comme ... de la naphtaline, le dialogue est de plus en plus difficile (aux mess des FFI, chacun mange de son côté et on ne se mélange pas ).

D'autant que l'amalgame a du mal à se réaliser. En septembre 1944, un rapport d'origine FFI résume ainsi la situation toulousaine : "les besoins considérables d'une troupe aux effectifs de 54 000 hommes posent des problèmes particulièrement onéreux. Le commandement territorial ne paraît pas comprendre toute l'importance que représenterait le départ d'une nouvelle division sur le front. Aussi, tous les efforts ne sont pas faits de ce côté pour doter convenablement ces unités de matériel, d'habillement, d'armement en rapport avec la situation. Les troupes, mal vêtues, mal logées, traînent lamentablement dans les rues des villes et des villages de la région toulousaine". Un autre exemple permet d'illustrer les difficultés de reconnaissance des mérites des FFI : c'est celui de l'assimilation de leurs grades et de la façon de les intégrer dans l'armée traditionnelle. Jean-Pierre Vernant présente des dossiers, et il en discute au ministère de la Guerre. Il est lui-même colonel FFI. Quand son cas est abordé, on lui propose royalement de le reconvertir dans un poste de ... "olonel des pompiers de Paris", avec tous les avantages attribués à la fonction. Il trouve cette proposition "burlesque", et il la refuse. En dernier ressort, on lui propose un grade de lieutenant-colonel, mais il préfère ne pas rester dans l'armée, car, dit-il, "ce n'est pas notre métier". Il est démobilisé après l'armistice du 8 mai 1945. D'autres de ses compagnons réagiront de la même façon, à l'exemple d'un "Pendariès" (Pierre Bénech), qui quitte l'armée en 1945, "devenu antimilitariste, écoeuré par l'attitude des militaires d'active qui méprisaient les FFI".

C'est l'arrivée du général Collet à Toulouse à la tête de la Région militaire qui permet de normaliser la situation. Sa venue est annoncée lors du voyage du général de Gaulle le 16 septembre. Elle est interprétée comme une volonté de remettre de l'ordre dans le microcosme militaire toulousain. Il a la réputation d'être un homme à poigne. C'est un militaire de carrière, connu pour avoir été " l'homme des Druzes " en Syrie durant l'entre-deux-guerres. Mais c'est aussi un esprit ouvert. Jean-Pierre Vernant se souvient de l'avoir entendu dire qu'on lui avait demandé d'arrêter les chefs FFI, que Robert Noireau (" le colonel Georges "), le chef des FTPF du Lot en rupture de ban avec le parti communiste, était prêt à le faire, mais que lui-même avait refusé de donner l'ordre. Au contraire, il a su découvrir et apprécier le courage comme l'esprit des FFI, qui lui rappelaient sans doute ceux des Druzes. Il n'en a pas moins assaini la situation. Pendant une quinzaine de jours, installé à la préfecture, il reçoit, se fait apporter des dossiers, étudie soigneusement le contexte. Une crise cardiaque retarde sa décision. Une fois remis, il tranche. Le 22 octobre 1944, il organise un état-major unique, dans lequel sont maintenus des cadres de l'ex-état-major des troupes (comme le " commandant Tavernier " - Georges Sarrazin - à la tête du Premier Bureau et le " commandant Besse " - Germain Carrère - à la tête du Quatrième Bureau), ainsi que quelques membres de l'état-major territorial. Le colonel Chevalier est le nouveau chef d'état-major. C'est la fin de l'état-major FFI en tant que commandement.

Le général Collet prend officiellement son poste le 26 octobre, avec le titre de commandant de la 17e Région militaire, celle de Toulouse. En pratique, la normalisation se fait en douceur, mais toujours au détriment des FFI. La création d'une armée citoyenne expérimentée à Lespinet n'est pas poursuivie, l'esprit qui était à son origine n'est plus revendiqué. De facto, les FFI disparaissent. Ceux d'entre eux qui sont encore à l'état-major sont " progressivement éliminés ", et un rapport d'origine FFI constate que " les officiers FFI furent rendus à la vie civile, tandis que les vieux retraités étaient rappelés à l'activité. Lentement, le calme dissolvant s'étendit sur la région de Toulouse. (...) " . Plusieurs cadres FFI restent quand même dans l'armée. Ils y sont considérés avec méfiance, leurs mérites ne sont guère reconnus, leur avancement est souvent freiné. Le cas de Serge Ravanel est exemplaire. Rétabli de son accident, il choisit de rester dans l'armée. Mais il considère qu'on " n'y aimait pas beaucoup les officiers issus de la Résistance, surtout lorsqu'ils portaient des grades élevés acquis dans les combats ". En 1949, il préfère démissionner et reprendre des activités d'ingénieur dans le secteur privé.




              General Collet, Colonel « Georges » and Vernant 

At the moment of the liberation, two major FFI staffs coexisted in principle: the troops' staff and the staff of the liberated territory. Relations between these two staff groups in Toulouse, which were very strained at the beginning, quickly declined. The leaders of the troops estimated that the 25,000 men sent from the region to fight on the front, were « weakly equipped and armed ». They wished « to launch a new division with the goal of joining the First French Army ». But the staff of the liberated region blocked the movement; they were accused of not providing the necessary equipment. The supplies were only released in small batches, and many officers were accused of « a lack of energy, initiative, or even blatant sabotage ». A case involving uniforms is characteristic: clothing stocks existed, but they were not released or requisitioned, while with winter approaching the troops' need for warm clothing was very important. In fact, between the FFI leaders (those who had come from the underground resistance groups and likened themselves to the Revolutionary soldiers from 1789) and the active army's leaders (who the first group considered to be old and stuffy), the dialogue became more and more difficult; in the FFI dining hall, everyone ate on his own side and there was no intermixing).

The particularly uneasy mixture between the two groups became more and more evident. In September 1944, an FFI report summarized the situation in Toulouse: « the considerable needs of a troop of up to 54,000 men pose particularly onerous problems. The leaders of the territory do not appear to understand the importance that the departure of a new division to the front represents. Also, all possible efforts were not made on this side in order to properly equip these units with material, clothing and arms in relation to the situation. The troops, poorly dressed, poorly lodged, were training lamentably in the streets of the cities and towns in the Toulouse region ». The issue of how FFI ranks were to be incorporated into the traditional army is an example of the difficulties the FFI faced to have their merits recognized. Jean-Pierre Vernant, himself an FFI colonel, presented the files of FFI ranks to the War Minister and sought to discuss the issue with him. When his case was addressed, they condescended to offer him the new post of « colonel of the Paris firemen », with all the advantages attributed to the post. He found this proposition « ludicrous » and he turned it down. As a last resort, they offered him the rank of lieutenant-colonel, but he preferred to leave the army because, as he said, « it wasn't our real job ». He was demobilized after the armistice on May 8 1945. Some of his other comrades reacted in the same way, an example being one « Pendariès » (Pierre Benech) who left the army in 1945, « became anti-war, disgusted by the attitude of the members of the active military who despised the FFI ».

It was the arrival of General Collet in Toulouse as head of the military region that allowed the situation to stabilize. His arrival was announced during General de Gaulle's visit to Toulouse on September 6. It was interpreted as a willingness to restore order in the small world of the Toulouse military region. He had a reputation of being a strong-willed, career military man, known for having been « the Druses man » in Syria during the inter-war years. But he was also open-minded. Jean-Pierre Vernant remembered a story he heard, that when Collet was told to arrest the FFI leaders he refused to follow the order, while Robert Noireau (« Colonel Georges ») the head of the Franc-Tireurs et Partisans Français in Lot was ready to make the arrests because he was at odds with the Communist party. On the contrary, Collet came to appreciate the courage and spirit of the FFI fighters, which undoubtedly reminded him of the Druses fighters, but he could do nothing to remedy the situation. Within two weeks of moving into the prefecture he had case files brought to him and carefully studied the context of the situation. A heart attack delayed his decision. Once recovered, he split the staff leadership. On October 22 1944 he created one single staff in which the staff members of the former troop headquarters (like « Major Tavernier or Georges Sarrazin as the head of the First Bureau and « Major Besse » or Germain Carrère as head of the Fourth Bureau) as well as several members of the former territory staff. Colonel Chevalier became the new Chief of Staff. This marked the end of the leadership of the FFI.

General Collet officially accepted his post on October 26, with the title of Commander of the 17th Military Region of Toulouse. In practice, the normalization of the region went smoothly but always to the detriment of the FFI. The creation of an experimental citizen army at Lespinet was not pursued, the spirit which was at its heart no longer boasted about. In fact, the FFI disappeared. Those among the FFI who were still a part of the staff were « progressively eliminated » and a memorandum that originated from the FFI stated that « the FFI officers were forced to return to civilian life, while old pensioners were brought back to active status. Slowly, calm spread over the Toulouse region ». Nevertheless, many FFI leaders stayed in the army. They were regarded with distrust, their merits were never recognized and their advancement in the ranks was often thwarted. Serge Ravanel's case is a clear example. Recovered from his accident, he chose to remain in the army. But he believed that « officers who came from the Resistance were not well liked, especially when they had earned high ranks during combat ». In 1949, he chose to resign and return to his career as an engineer in the private sector.



Traduction : Carolyn Burkett


Source(s) : Michel Goubet, "La normalisation dans le domaine militaire après la Libération" in CD-ROM La Résistance en Haute-Garonne, AERI, 2008.