Instructions du capitaine Alain pour établir des barrages routiers

Légende :

Note de l'état-major FFI pour la mise en défense des routes d'accès au Diois (système de barrages routiers) adressée au capitaine Pons.

Genre : Image

Type : Note de la Résistance

Source : © Archives Albert Fié, fonds de la compagnie Pons Droits réservés

Détails techniques :

Document dactylographié 21 x 20 cm.

Lieu : France - Auvergne-Rhône-Alpes (Rhône-Alpes) - Drôme - Saillans

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Analyse média

Il s'agit d'une des nombreuses notes envoyées aux chefs de compagnies par le commandant d'un bataillon pour la mise en défense d'un secteur stratégique pour la protection méridionale du massif du Vercors.

L'en-tête précise l'origine de la note. Elle émane de l'état-major du commandement des opérations de la zone sud, sous-entendu de la Drôme. Alain est le pseudonyme de Pierre Raynaud, commandant le secteur Drôme-sud. On peut remarquer la qualité formelle du document : en-tête, texte bien dactylographié, pratiquement pas de fautes de frappe. Elle révèle une organisation bien structurée de l'état-major émetteur. Elle s'adresse à un commandant de compagnie, le capitaine Paul Pons. Le sujet essentiel est la défense de la vallée de la rivière Drôme au niveau de Saillans, porte d'accès au Diois et au sud du Vercors.

Deux mesures sont précisées : mise en place de barrages routiers anti-chars et filtrage des personnes. Les barrages devront s'échelonner depuis Mirabel-et-Blacons jusqu'à l'est de Saillans. Le filtrage des personnes, à partir de Saillans, doit être sérieux et doit interdire l'accès de personnes indésirables au cœur du système de défense. Cela doit permettre aussi d'appréhender des suspects, voire des espions au service de l'occupant ou de Vichy.

Une nouvelle fois est évoquée la question de l'immatriculation des hommes de la compagnie. C'est nécessaire pour connaître les effectifs et pour donner, théoriquement, le statut de soldat aux Résistants.

Le document porte la signature d'un lieutenant d'Alain.

Dans le post-scriptum, est signifiée l'urgence d'une réponse sur les mesures prises par le capitaine Pons. Il est nécessaire de le transcrire.

« Je vous demande de me faire savoir d'urgence les mesures que vous avez prises en ce qui concerne votre secteur, ainsi que la position des barrages établis et leur importance. »


Auteur : Alain Coustaury

Contexte historique

Le document se situe un mois après le débarquement de Normandie qui a vu la Résistance française se dévoiler au grand jour. Dans la Drôme, des accrochages, des sabotages ont révélé les forces et les faiblesses de la Résistance armée dans ce département.

En ce début du mois de juillet 1944, la vallée de la Drôme est un lieu sensible car elle commande l'accès sud-ouest du massif du Vercors où sont regroupés environ 4 000 Résistants plus ou moins bien armés et entraînés. Les Allemands sont conscients du danger potentiel qu'ils représentent. Le commandement de la Résistance soupçonne la Wehrmacht de vouloir réduire cette « forteresse ». C'est dans cette hypothèse qu'elle prend des mesures pour protéger et interdire tous les accès au massif du Vercors, notamment ceux empruntant la vallée de la Drôme.

Il est nécessaire d'établir de solides barrages routiers. Dans d'autres notes, ces ouvrages sont décrits. Ils seront constitués de morceaux de rails plantés dans des chapes en béton. On mesure l'importance des travaux nécessaires pour établir de telles défenses. Elles traduisent la hantise de voir le Vercors attaqué par des chars d'assaut, l'armée allemande étant encore très puissante et crainte. De façon paradoxale, la Résistance essaie d'établir des défenses statiques, alors que la force principale, du faible au fort, est de mener une guerre de guérilla, par définition très mobile. Plusieurs barrages doivent être établis sur une dizaine de kilomètres entre Mirabel-et-Blacons et Vercheny. Le commandement de la Résistance veut aussi maîtriser le flux de personnes qui voudraient pénétrer dans le système défensif du Diois, antichambre du Vercors. Ce filtrage traduit les nombreux mouvements désordonnés de personnes dans l'atmosphère particulière de ce mois de juillet 1944, alors que l'enthousiasme né du débarquement de Normandie commence à être tempéré par des opérations militaires menées par l'occupant. Les chefs de la Résistance veulent améliorer l'organisation du mouvement, empêcher la pénétration d'espions ennemis ou à la solde de l'État de Vichy. Pour contrôler les déplacements de personnes, un laissez-passer est donc nécessaire. Il ne peut être délivré que par les autorités officielles qui résident à Die.

Le dernier paragraphe est un rappel d'une mesure développée après le 6 juin 1944, l'immatriculation des combattants. Elle doit permettre d'abord d'établir des tableaux d'effectifs des unités. Théoriquement, elle accorde au Résistant le statut de soldat, bénéficiant ainsi des lois de la guerre et non celui d'un franc-tireur ou terroriste que l'occupant peut exécuter sans autre forme de procès. L'immatriculation, permet, par les renseignements demandés, de connaître le parcours des hommes qui s'inscrivent et de déceler d'éventuels espions qui voudraient infiltrer la Résistance.

Cette note, courte, précise, permet de bien saisir l'ambiance du moment, à quelques jours d'une attaque allemande que le commandement pressent.


Auteur : Alain Coustaury