Combats en juin 1940

Légende :

Schéma des combats de juin 1940 autour de Peyrins et de Mours-Saint-Eusèbe.

Genre : Image

Producteur : Léon Dumas

Source :

Détails techniques :

Le schéma est tiré de l'opuscule « L'héroïque défense de l'Isère » de Léon Dumas, Officier d'Académie

Lieu : France - Auvergne-Rhône-Alpes (Rhône-Alpes) - Drôme - Mours-Saint-Eusèbe

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Analyse média

Le schéma est tiré d'un opuscule paru immédiatement après la défaite de juin 1940 et alors que l'État de Vichy se met en place. Il a été publié en octobre 1940, donc quasiment contemporain de l'événement. L'ouvrage, de petit format, 14 cm sur 20, comporte 31 pages et coûte 6 francs. Il relate différents épisodes des combats de juin 1940 le long de la rivière Isère, notamment ceux de Romans-sur-Isère, Bourg-de-Péage, Pont-de-l'Isère. À la page 19, un schéma relate les opérations aériennes qui se déroulèrent le 24 juin autour de Peyrins et de Mours-Saint-Eusèbe. C'est l'unique schéma de l'ouvrage ce qui tendrait à prouver que ces événements ont marqué les contemporains. On peut noter une approximation dans le respect des échelles. La distance entre Peyrins et Mours est sous-évaluée alors que celle de la route D112 est exagérée, traduisant, comme une anamorphose l'importance du secteur où se situent convois et batteries d'artillerie. Le schéma montre deux types d'avions, des chasseurs et les Bombardiers bimoteurs à double dérive. Le type de chasseur est connu. Il s'agit de Morane-Saulnier 406, appareil sur lequel Henri Raphenne est abattu près de Mours. Quant au bombardier, l'auteur de la notice n'a pas trouvé de trace dans de nombreux ouvrages traitant du sujet. Léon Dumas évoque « un gros bombardier qui survole la batterie à cent mètres à peine venant par le nord. Bombes sur bombes, coups tirés par le canon arrière se succèdent à grands fracas » Cette description tendrait à montrer l'intervention d'un Léo 450, excellent bombardier moyen, bimoteur à double dérive, doté d'un canon de 20 mm tirant vers l'arrière. Mais ce n'est qu'une hypothèse. L'intérêt du schéma et de la description est de montrer que le dernier jour de combat, des actions aériennes multiples ont été menées, alors que l'histoire retenait surtout la mort de Henri Raphenne.


 

Auteurs : Coustaury Alain Sources : Léon Dumas,  L'héroïque défense de l'Isère , imprimerie Deval à Romans-sur-Isère 31 pages, 3 octobre 1940

Contexte historique

Le titre de l'ouvrage traduit très bien la volonté de son auteur et le contexte historique du moment. Pensé pendant l'été 1940, publié en octobre, l'ouvrage est une œuvre de circonstance. Il fait partie de la multitude de publications locales ou régionales rendant compte des événements de juin 1940. Le traumatisme causé par la défaite de juin touche tous les Français. Ils essaient de le surmonter par différents moyens. Le plus fort est l'appel à un sauveur, à un rédempteur. Ils le trouvent, pour la majorité, dans l'arrivée au pouvoir du maréchal Pétain. L'acceptation d'un nouveau régime incarné par l'État de Vichy traduit également le trouble de la population. Un des moyens de surmonter les conséquence du désastre est d'en trouver les responsables, notamment parmi les hommes politiques. Dans cette ambiance, l'acte constitutionnel N° 5 du 30 juillet 1940 institue une Cour suprême de justice qui est chargée de l'instruction d'un procès qui doit juger les responsables de la défaite. La Cour prit ses fonctions le 8 août à Riom. Une autre voie pour lutter contre l'abattement causé par la défaite est de mettre en valeur des lieux, des épisodes où l'armée française, plus précisément des unités de cette armée, se sont distinguées pendant les combats de mai et juin 1940. C'est ainsi que va être produite, tantôt au niveau national par le fait de personnalités militaires ou civiles, tantôt au niveau local par de simples citoyens, une abondante littérature tendant à montrer que l'armée française s'est bien battue et que les responsabilités de la défaite sont à trouver ailleurs, dans le personnel politique. Le procès de Riom s'inscrit dans cette démarche. C'est dans ce genre de publications que se situe l'opuscule de Léon Dumas. Officier d'Académie, c'est-à-dire portant un titre accordé de droit aux proviseurs, censeurs, à certains professeurs, il est également capacitaire en droit. On peut donc le considérer comme un notable de l'agglomération romanaise. Le titre de son ouvrage est révélateur des circonstances du moment précisées précédemment : « L'héroïque défense de l'Isère ». Les lieux de ces actes de bravoure sont cités : Romans-sur-Isère, Bourg-de-Péage, Vernaison (pont de chemin de fer à l'aval de Romans-sur-Isère ), Pont-de-l'Isère, Saint-Nazaire-en-Royans, Voreppe, toutes cités bordant ou proche de la rivière Isère. Cette dernière constituait une des ultimes lignes de défense opposée à la Wehrmacht en juin 1940. Elle en marque l'extrême avance avant la signature de l'armistice du 22 juin 1940, armistice entré réellement en vigueur le 25. Plusieurs publications du moment essaient de démontrer que si l'Isère n'a pas été franchie par les Allemands, c'est grâce à l'action de l'armée française. Sans minimiser les combats soutenus par les Français, les échecs locaux de la Wehrmacht le long de l'Isère, cette dernière n'a pas franchi la rivière tout simplement parce que les négociations d'armistice étaient avancées et que l'armistice franco-allemand était signé le 22 juin. C'est dans ce cadre que l'épisode du 24 juin prend une tournure dramatique et que la mort d'Henri Raphenne à bord de son Morane-Saulnier 406 est apparue pour certains comme inutile. Léon Dumas a une autre interprétation et, sans citer une seule fois l'armistice du 22 juin, il trace l'action des unités françaises dans divers secteurs, le long de l'Isère. Grâce à un témoignage précis d'un Romanais, il donne une place particulière aux opérations aériennes du 24 juin à Peyrins et à Mours-Sain-Eusèbe. Il réalise un schéma précisant les différentes attaques de l'Armée de l'air contre les convois et batteries allemandes. Alors que le seul épisode, très souvent retenu, est la mort d'Henri Raphenne, Léon Dumas met en évidence plusieurs attaques par les chasseurs français et même par un bombardier. Il ne raconte que le combat sans préciser avec quels avions mal équipés, ne disposant plus d'obus perforants pour les chasseurs ou la conduite d'une attaque quasiment suicide par un seul bombardier. C'est un simple récit au but de montrer que les Allemands ont été arrêtés sur l'Isère par des unités françaises. En cela, l'opuscule de Léon Dumas s'inscrit bien dans la littérature du moment où l'on essaie d'exorciser la défaite de juin 1940. Dans un autre registre, le poète romanais Gaston Bouchet magnifie dans un poème la résistance des troupes françaises

« Bravo ! fier pays de la pogne. [pogne : gâteau local renommé]

Avoir le Rhin au long parcours Et la Meuse qui toujours hogne, [grogner, murmurer entre ses dents]

Puis s'arrêter - grâce au concours Des " brûleurs de loups " [sobriquet des Dauphinois, écrit dans la marge d'alentour] -

 Sans aller voir [raturé : atteindre, censuré !] la Cannebière ..

Cela se passe de discours ! Ils sont demeurés sur l'Isère. [vers raturé, cf. supra]

 Ils n'ont pas pu franchir l'Isère. »

Jean Bruller, le futur Vercors, soldat en garnison à Mours en septembre 1939, à Romans-sur-Isère en juin 1940, a une vision différente de celle, officielle, recommandée, de Léon Dumas. Dans La bataille du silence, il montre désorganisation et désarroi des troupes, mal armées, mal équipées face à la Wehrmacht. En conclusion, l'ouvrage de Léon Dumas, œuvre de circonstance, traduit bien les dispositions d'esprit de nombreux Français et les enjeux politiques de l'État de Vichy


Auteurs : Coustaury Alain Sources : Léon Dumas,  L'héroïque défense de l'Isère , imprimerie Deval à Romans-sur-Isère 31 pages, 3 octobre 1940