Jeanne Allègre et Renée Coursange au maquis aux Pilles (Drôme)

Légende :

Deux femmes, parmi d'autres, qui jouèrent un rôle important dans la Résistance.

Genre : Image

Type : Photo

Producteur : Inconnu

Source : © AERD, fonds Audibert Marius Droits réservés

Détails techniques :

Photographie argentique noir et blanc.

Date document : Sans date

Lieu : France - Auvergne-Rhône-Alpes (Rhône-Alpes) - Drôme - Curnier

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Analyse média

Photographie prise en 1944 par un maquisard, du maquis FTP (Franc-Tireur et partisan) Morvan probablement, de Jeanne Allègre (« Katia »), fille d’Emma Allègre, épouse Petitjean, au maquis aux Pilles (Drôme), en compagnie de Renée Coursange (« France »), épouse Audibert.

 


Auteurs : Claude Seyve

Contexte historique

La participation des femmes à la Résistance, comme leur contribution à l'économie de guerre en 1914-1918, a interpellé les deux sexes dans le vif de l'action, et également plus tard.
Marius Audibert exprime avec franchise ses réactions personnelles, à chaud, lorsqu'il est mis en face de ce fait, au début de l'été 1944, en tant que sous-lieutenant CE (Commissaire aux effectifs), au PC de Curnier, village situé à 10 kilomètres de Nyons, dans la vallée de l'Eygues.

"Là, à Curnier, je découvre les femmes dans la Résistance. Je n'étais pas favorable du tout. Je craignais des perturbations parmi la troupe. Puis, honnêtement, je ne croyais pas qu'elles pouvaient être capables de vivre une vie aussi dangereuse et d'y être aussi efficaces. J'ai vite compris que, pour les missions dans les endroits dangereux, elles étaient inimaginables ; elles savaient bien mieux que nous se confondre avec madame tout le monde ; elles furent des soldats". L'une d'elles, Renée Coursange, "France" de son nom de Résistance, deviendra l'épouse de Marius Audibert.

Renée Coursange ("France") et Jeannette Allègre ("Katia") sont aussi sous les ordres de Marius Audibert. Selon les propres termes du sous-lieutenant CE, elles lui "démontrent" leurs talents, dans la réalité. "J'ai pu les voir accomplir des tâches très diverses sous mes ordres, qui passaient du rôle d'infirmière à celui de secrétaire ou d'agent de liaison. Et même, sans jamais être des charges, elles furent des soldats."

Marius Audibert, convaincant, relate une mission accomplie par les deux femmes : "Le 24 août 1944, les Américains arrivent à La Roche-Saint-Secret, où nous cantonnons. C'est une journée extraordinaire : les maquisards fraternisent avec les Alliés ; tous ensemble, avec la population, c'est la fête !

Hélas ! Le même soir, les Américains se replient, laissant un char en panne. C'est la consternation dans la population, qui prend peur. La nuit, nous sommes tous en alerte, dans le secteur de La Roche-Saint-Secret. Presque toute la population part dans les bois.

Je demande à "France" et "Katia" de partir aussi dans la montagne, avec la sacoche de la compagnie, où sont conservés tous les papiers contenant les noms des gars. Je leur donne un explosif, afin de faire sauter la sacoche en cas de danger. Puis, au dernier moment, le CP [commissaire politique] amène deux prisonniers civils (collaborateurs), arrêtés je crois la veille. C'est "France" et "Katia" qui en auront la garde pour la nuit."

L'avènement des maquis, la démonstration que les combattantes ont fait devant lui durant les mois de Résistance, amènent Marius Audibert à reconsidérer en grande partie sa conception du rôle de la femme dans la France occupée. Ainsi semble naître, avec l'approche de la Libération, un immense espoir d'émancipation de ce côté-là aussi.

Quelque chose a bougé sans aucun doute, dans les années 1943 à 1946, sans atteindre pourtant le niveau escompté par les plus progressistes. Ania Francos reçoit, à ce propos, cette confidence de Germaine Tillon [1], dans les années 1970 [2] : "La Résistance n'a pas changé la situation de la femme. La guerre avait provisoirement transformé les femmes en chef de famille [3]. Mais si elles ne travaillaient plus ensuite, tout rentrait dans l'ordre traditionnel. C'est la pilule qui a remis en question la condition féminine. La femme a toujours été un objet depuis l'âge paléolithique. La charge de l'enfant retombe sur la femme. C'est sa plus grande joie, mais c'est en même temps ce qui la tient au sol. Les femmes sont "attachées" dans tout le sens du mot. Elles sont ternes. L'homme est plus libre, plus apte aux initiatives, à l'action ". Elle ajoute que la Résistance a prouvé que les femmes étaient aussi audacieuses que les hommes et les hommes aussi intuitifs que les femmes. Elle dit aussi, poursuit Ania Francos, que les femmes ont moins parlé sous la torture, ce que je sais ".

[1] Germaine Tillon, "Ethnologue, s'engage dans les premiers mouvements de Résistance, trahie par un informateur français, elle fut arrêtée, jugée et déportée à Ravensbrück", dans Les Combattantes de l'ombre.
[2] Ania Francos, Il était des femmes dans la Résistance…, éd. Stock, 1979.
[3] ...ou en combattantes ! Margaret Collins Weitz, Les Combattantes de l'ombre, Histoire des femmes dans la Résistance, préface de Lucie Aubrac. 30/03/05.


Auteurs : Claude Seyve
Sources : Dvd-rom La Résistance dans la Drôme-Vercors, éditions AERI-AERD, février 2007.