Stèle en hommage aux fusillés de Chailly-en-Brière
Légende :
Stèle inaugurée le 8 novembre 1981 en souvenir de cinq jeunes résistants abattus par les Allemands à cet endroit le 8 novembre 1941.
Genre : Image
Type : Stèle
Producteur : Louis Broch
Source : © Collection Louis Broch Droits réservés
Détails techniques :
Photographie analogique en couleurs
Lieu : France - Ile-de-France - Seine-et-Marne - Chailly-en-Brière
Analyse média
Plaque de marbre noir sur un bloc de grès pyramidal rapporté. Elle porte l'inscription :
A LA MÉMOIRE
DES RÉSISTANTS FUSILLÉS
LE 8 NOVEMBRE 1941
MESSENCE Gaston
LEGUAY Georges
BERGER Pierre
MARNEUX Marcel
ROBBA Clotaire
MORTS POUR LA FRANCE
Contexte historique
La condamnation à mort par le tribunal militaire de la Feldkommandantur de résistants considérés comme membres du PC et leur exécution en novembre 1941 s'inscrivent dans un contexte général bien précis. Il y eut le discours de l'été du Maréchal sur "le vent mauvais" suivi de la création des cours spéciales de justice. Surviennent surtout les attentats individuels contre des militaires allemands et les exécutions d'otages. En Seine-et-Marne, en l'absence du nouveau Préfet qui n'arrivera que le 15 décembre 1941, le secrétaire général qui rédige les rapports d'automne (4 octobre et 4 novembre 1941), doit bien mesurer les retombées de tous ces faits : si les attentats sont condamnés par "la partie saine de la population", "les mesures répressives prises par les autorités d'occupation ont été vivement ressenties...". Comme ailleurs, la répression s'accentue dans le département avec douze arrestations la première semaine d'octobre 1941, quinze à Provins et ses environs le seul dimanche 19, parmi les manoeuvres, les glaisiers les employés des PTT, – "L'émotion est forte dans la région" lit-on dans le rapport du commissaire au Préfet –, 40 entre Chelles et Lagny. Le commissaire spécial de Melun dit avoir examiné le cas de 400 communistes, fichés, depuis le mois d'août. 250 ont retenu l'attention de ses services. On compte, en octobre 1941, 27 internements à Châteaubriant et 17 à Rouillé.
Ainsi, dans le sillage de ce qui a pu se dérouler ailleurs, va-t-on faire un exemple en frappant plus fortement encore les milieux communistes. La multiplication des attentats sur place incite d'ailleurs à durcir la répression. On dénombre en effet entre le 5 et le 10 octobre, cinq incendies de récoltes à Brie, Chevry, Evry, Ferrolles-Attilly, Combs-la-Ville, l'incendie d'un hangar de paille à Jouy-le-Châtel et encore un sinistre dans une usine de Ponthierry. Le 10 octobre, vers midi, une meule de blé brûle à Cély-en-Bière (canton de Melun Sud). L'enquête, menée par le chef de la brigade de gendarmerie de Ponthierry et son adjoint est rapidement bâclée. Les témoignages sont fallacieux ou tronqués, les prévenus tabassés brutalement alors qu'on exerce des pressions sur leurs épouses avec le commandant de la brigade mobile de Melun. On s'oriente très vite vers d'autres accusations : détentions de tracts brûlés et de ce fait illisibles chez l'un, braconnage pour l'autre… Il est symptomatique que les enquêteurs aient immédiatement procédé à des interrogatoires sans qu'il y ait eu de quelconque flagrant délit. Les enquêteurs sont en revanche munis d'une liste de membres supposés du PC. Deux des futurs condamnés n'en étaient pourtant pas des militants.
Huit résistants sont arrêtés dans le cadre de cette enquête qui est close dès le 18 octobre. Ses résultats sont transmis aux Allemands qui procèdent à quatre autres arrestations dont celle de Clotaire Robba extrait de son camp d'internement de la Vienne. Le 30 octobre 1941, dix d'entre eux sont traduits devant le tribunal de guerre, siégeant en salle des Assises du Palais de justice de Melun. Huit condamnations à mort sont prononcées mais trois mesures de grâce interviennent en faveur de Serge Boulle, commis de perception à Saâcy-sur-Marne, de Pierre Boissoin, agriculteur à Fleury en Bière et Lucien Berger, cordonnier à Fleury. Les deux premiers seront finalement exécutés au Mont-Valérien en 1942 alors que le dernier sera déporté. Serge Makaroff, manœuvre à Cely, est condamné à cinq ans de travaux forcés et Maurice Guérin, ouvrier à Melun, à 3 ans.
Ainsi, le 8 novembre, au champ de tir de Fay, au lieu-dit "la Glandée" (commune de Chailly-en-Bière), sont passés par les armes :
- à partir de 18h15 : Gaston Messence, né en 1913, père de quatre enfants, ajusteur à Dammarie ; Georges Leguay, né en 1894, ouvrier à Cély ; Pierre Berger, né en 1907, ouvrier à Cély.
- à partir de 18h45 : Marcel Marneux, né en 1894, ouvrier à Fleury ; Clotaire Robba, né en 1910, ouvrier à Moisenay.
Ils ont été inhumés dans les cimetières de leurs communes, entre 4 et 6 heures du matin, en présence des maires et des autorités habituelles. Si le secrétaire général de la préfecture a pu noter que "la population est restée indifférente en présence de ces condamnations et exécutions", un rapport policier daté du 20 novembre est venu préciser que "l'immense majorité, favorable au Maréchal Pétain, [était] réservée depuis la rigueur exercée contre le parti communiste et le mouvement de Gaulle".
Claude Cherrier, "Les premières exécutions de résistants en Seine-et-Marne" in DVD-ROM La Résistance en Ile-de-France, AERI, 2004