Plaque en hommage à Edmond Dubent et Charles-Henri Porte
Légende :
Plaque en hommage au commissaire de Police Edmond Dubent, fondateur du groupe résistant Honneur de la Police, à Charles-Henri Porte, de la Sûreté nationale, aux inspecteurs de Police Paul Turgne, mort au cours des combats de la libération de Paris, et Raymond Boudier ainsi qu'au gardien de la Paix Marcel Pruvost et à Raymond Micheli, arrêtés le 28 décembre 1943 et tous déportés, située sur la façade du café Le Zimmer, 1, Place du Châtelet, Paris Ier
Genre : Image
Type : Plaque
Producteur : Association Libération-Nord
Source : © Association Libération-Nord Droits réservés
Détails techniques :
Photographie numérique en couleur scannée.
Lieu : France - Ile-de-France - Paris
Analyse média
Cette plaque a été inaugurée le 31 janvier 2013.
Contexte historique
Edmond Dubent
Né le 21 janvier 1907 à Choisy-le-Roi (Seine), entré à la Préfecture de Police en 1930, il est commissaire en 1938. Patriote intransigeant, dès 1940, dans son commissariat du quartier Saint-Fargeau, avec son adjoint Jean Andréani, il en découd avec un Français collaborateur, un certain Laffont, qui mobilise la Feldgendarmerie contre eux et les fait condamner par le Tribunal correctionnel de Versailles. En 1941, Dubent demande à être relevé de son commandement à la tête du commissariat de Noisy-le-Sec, où il trouvait trop de personnes favorables à la collaboration. Commissaire aux Services techniques, en juillet 1942, il dirige le secteur du matériel automobile. Successeur d’Arsène Poncey, il crée, en particulier avec les survivants de l’Armée Volontaire, dans les premiers mois de 1943, L’Honneur de la Police, rattaché au mouvement Résistance par l’entremise de Pierre Frichet, ultérieurement déporté. Il structure le nouvel organisme à marche forcée autour de l’organisation administrative de la police parisienne. Puis il est chargé de constituer la section paramilitaire du NAP. Le comité directeur se réunit au domicile d’Edmond Dubent, 9 rue Jules Dumien (19e): sa femme Marguerite Aufort sert de secrétaire. Il est constitué de policiers appartenant à la Police municipale, aux Services techniques, mais aussi aux Renseignements généraux et à la Police judiciaire. Dubent reçoit souvent ses correspondants dans son bureau des ST, et retrouve les spécialistes du renseignement dans le café qu’a ouvert, au 3 rue de la Folie Regnault (11e), un inspecteur révoqué par Vichy: Octave Crohare. Edmond Dubent transmet les renseignements obtenus par ses collègues des Renseignements généraux, notamment au sein des Brigades spéciales, fournit des armes et des fausses cartes d’alimentation, organise le camouflage et l’évasion d’aviateurs alliés, prépare des parachutages et des caches d’armes, tout en repérant avec l’inspecteur technique Léon Girardet des caches appropriées. Il est en liaison avec Londres et fait diffuser des messages dont il est l’auteur. Il noue des contacts directs avec la France Libre lors de voyages qu’il semble avoir faits vers Genève. Avec le commissaire de la Sûreté nationale Charles Porte, lequel dirige un groupe d’action immédiate, il envisage de faire sauter le siège de la «Gestapo française» de la rue Lauriston. Il est victime d’une dénonciation, qui conduit vers lui Boitel, un séide de Laffont. Dubent et deux adjoints sont arrêtés avec Porte, dans les sous-sols du restaurant Zimmer, place du Châtelet, dans la soirée du 28 décembre 1943, la veille de la réalisation de ce projet. Il est suspendu le 1er janvier 1944, pour n’avoir « pas repris son service…». Emprisonné à Compiègne et déporté le 27 janvier 1944, il finit ses jours à Nordhausen, le 17 mars 1945, deux semaines avant l’arrivée des armées alliées.
Charles Henri Porte
Charles Henri Porte est né en 1906 à Villeurbanne. A la suite de son service militaire de deux ans dans la marine, il intègre en décembre 1929 la police de Marseille comme simple gardien de la paix. A peine marié (1930) et père d’une fille (1933), il travaille d’arrache-pied à sa promotion professionnelle : inspecteur puis commissaire au concours de 1937. Après Langres, Versailles et Orly, Porte est muté à Chartres en juillet 1939 où il fait la connaissance du préfet Jean Moulin. Une relation de confiance et d’amitié se noue entre les deux hommes, au service de la République. Ensemble, ils s’emploient à assurer la sécurité dans le département d’Eure-et-Loir, mais la débâcle du printemps 1940 a raison de tous leurs efforts. Le régime de Vichy a tôt fait, en novembre 1940, de révoquer le préfet Moulin trop compromis avec l’ancien régime radical-socialiste. A son mentor, Charles Porte exprime sa solidarité et sa volonté de l’accompagner dans la disgrâce. Moulin parvient à l’en dissuader : il importe que le commissaire demeure en poste. De la sorte, il pourra rendre de précieux services à la Résistance naissante. Le temps du double jeu commence.
Un attentat insignifiant – une vitrine brisée et un incendie mort-né – commis le 15 mars 1942 par des résistants communistes contre la librairie militaire allemande de Chartres, rue du Bois-Merrain, cause sa perte. Porte est mis sous pression par le préfet collaborationniste Pierre Le Baube : s’il ne parvient pas à arrêter promptement les coupables, l’intervention de la Brigade spéciale de Paris, une unité de policiers spécialisée dans la lutte antiterroriste, sera sollicitée. Le commissaire, qui redoute par-dessus tout que le noyau de résistance local qu’il a commencé à mettre en place (lié au réseau Frédéric de Henri Mahnès) soit démasqué, se résoud à faire du zèle. En dix jours, il parvient à appréhender neuf militants communistes et à obtenir leurs aveux. Or, courant avril, un autre attentat contre l’armée d’occupation, sanglant celui-là, se produit en région parisienne. En représailles, le commandement allemand décide d’exécuter des otages. Font partie du lot quatre hommes récemment arrêtés par Charles Porte. Le 30 avril, ils sont extraits de la prison de Chartres et fusillés dans les bois de Chavannes, sur la commune périphérique de Lèves. Ils s’appelaient Brousse, Allart, Cormier et Maugé. Ce même jour, Porte, officiellement en congé auprès de sa famille à Marseille, rencontre Jean Moulin, de retour de Londres. Qu’importe, quoi qu’il fasse, pour la résistance communiste, Porte est devenu un traître à la Cause et l’homme à abattre. En sursis Le policier est ébranlé par cette affaire, mais n’a pas le temps de s’apitoyer sur son sort.
Au cours de l’été 1942, ses relations avec son collègue commissaire principal Jean Dutheil, responsable des Renseignements généraux, deviennent exécrables : Porte refuse de l’aider à recenser les juifs dans le département. Néanmoins, ce dernier conserve la confiance du préfet Le Baube, d’où la mutation de Dutheil "dans l’intérêt du service". La situation change au début de 1943. Le caractère difficile du commissaire irrite de plus en plus Pierre Le Baube et Raymond Gilbert, le maire de Chartres, complaisant avec l’occupant. En outre, Charles Porte se sait surveillé par Lorenz Kreuzer, le chef de l’antenne départementale du SIPO-SD (le service de sûreté allemand). Il aggrave son cas en participant le 23 mars à la réception du premier parachutage en Eure-et-Loir, à Meslay-le-Grenet, d’agents, d’armes et de matériels en provenance d’Angleterre, aux côtés de cinq autres patriotes dont André Gagnon, responsable régional du BOA. Le 11 mai 1943, Porte, qui vient de demander à sa hiérarchie de bénéficier d’une mise en disponibilité pour raisons familiales, est convoqué par Kreuzer. Son instinct lui commande de s’échapper au plus vite vers Paris, en train.
Devenu clandestin, évoluant de planque en planque, Charles Porte, alias "Henri", se met au service de Pierre Meunier, Henri Mahnès et Robert Chambeiron qui gravitent dans l’entourage de l’ancien préfet d’Eure-et-Loir. Le 27 mai, le commissaire révoqué de la veille par Vichy assure la protection de la première réunion du Conseil national de la Résistance au 48 rue du Four à Paris sous la présidence de "Max"-"Rex"-Jean Moulin. Moins d’un mois plus tard, le 21 juin 1943, "Max" et sept cadres de la Résistance sont arrêtés à Caluire. Les autres responsables du CNR ordonnent à "Henri" de se rendre de Paris à Lyon pour faire la lumière sur la rafle catastrophique et tenter de délivrer le patron du CNR des griffes du SIPO-SD de Lyon. Pour se faire, il se voit confier par Daniel Cordier, secrétaire de "Max", une importante somme d’argent. Le 27 juillet, "Henri" adresse un long rapport au colonel Passy, chef du BCRA en Angleterre, dans lequel il rend compte amèrement de l’échec de sa mission d’exfiltration, faute de coordination et de moyens humains. C’est encore lui qui, le 25 août, à la requête de Claude Bourdet (représentant de Combat au sein du CNR), se déplace à Solignac, dans une ferme du Limousin, pour y interroger René Hardy. Le responsable de la résistance ferroviaire de Combat et de l’Armée secrète, fugitif miraculé de l’affaire de Caluire, est soupçonné d’avoir trahi. Dans un second rapport envoyé à Londres, "Henri" exprime des doutes sérieux sur les explications – confuses – fournies par le suspect.
De retour à Paris, "Henri" Porte se rapproche d’un autre commissaire, Edmond Dubent, qui a créé au printemps 1943 le réseau Honneur de la police, après le démantèlement du groupe Valmy par les nazis. Parallèlement à la production de faux-papiers, de tracts et à la fourniture d’armes légères, il constitue un groupe d’action destiné à combattre la police allemande et ses supplétifs français. Le 28 décembre 1943 au soir, Porte, Dubent et quatre compagnons se retrouvent dans les sous-sols de la brasserie Le Zimmer, place Châtelet, pour régler les derniers détails de l’attentat qu’ils ont programmé de commettre le lendemain contre le siège de la Gestapo française, rue Lauriston. Ils tombent dans un guet-apens : quelques heures auparavant, les nazis ont arrêté un membre du réseau qui a fini par donner l’adresse du rendez-vous. Il est incarcéré à la prison de Fresnes. Le 21 mars 1944, il est transféré au camp de transit de Royallieu-Compiègne, puis déporté outre-Rhin le 26 avril. Il échoue successivement dans les camps de concentration d’Auschwitz, Buchenwald, Halberstadt et Langenstein (dans la région de Magdebourg). Dans la France libérée, sans qu’il le sache évidemment, Charles Porte se voit reprocher d’avoir fait preuve "d’une grande activité dans la répression des menées patriotiques” pendant l’occupation. Le 21 novembre 1944, la commission d’épuration du ministère de l’Intérieur examine son cas. Néanmoins, celle-ci réserve son avis eu égard à sa situation de déporté. Lorsqu’il est délivré par l’armée américaine le 11 avril 1945, Porte est dans un tel état de délabrement physique qu’il faut l’hospitaliser, jusqu’au 1er mai. Son rapatriement en France se concrétise une semaine plus tard. Il fait un court passage à l’hôtel Lutetia à Paris, centre d’accueil des déportés sur le retour, avant d’être pris en charge par un couple d’amis à son domicile de Neuilly-sur-Seine.
Courant juin, sa convalescence s’achève. Il se prépare à rejoindre sa famille à Marseille quand il repère un commando communiste chargé de l’exécuter en représailles de l’affaire de Chavannes d’avril 1942. Porte s’échappe de justesse et retourne à la clandestinité. Dans la foulée, le 20 juin 1945, sur plainte du Comité départemental de libération d’Eure-et-Loir, noyauté par le Parti communiste, le juge d’instruction chartrain François inculpe l’ex-commissaire pour atteinte à la sûreté extérieure de l’État et délivre un mandat d’arrêt contre lui. Dans le dossier instruit par le juge François, les témoignages à charge s’accumulent contre Porte. Ce ne sont pas seulement les familles et les proches des militants communistes fusillés en 1942 qui lui reprochent sa collaboration avec l’occupant et ses méthodes brutales de répression, mais également d’anciens subordonnés policiers qui profitent de la situation pour régler son compte à leur ex-supérieur exécré à cause de son intransigeance dans le service. De son côté, l’ex-policier en fuite prend soin de monter son propre dossier à décharge. Il recueille le soutien d’amis de l’ombre reconnus, dont Gagnon, Girardet, Meunier, Mahnès et Laure Moulin, soeur de "Max". Se sachant doublement traqué, il multiplie les précautions. Mais son talon d’Achille est sa maîtresse Marguerite Crochet-Ossola. En février 1946, une lettre anonyme dénonce à la police sa liaison illégitime et il s’en faut de très peu, en avril, qu’il soit appréhendé chez sa compagne à Neuilly. Impossible pour Porte de trouver refuge dans sa famille marseillaise placée sous surveillance. Alors, il se terre encore plus profond. La mort dans l’âme, aigri, se sentant en sursis face aux tueurs, il ne se résout pas à venir témoigner au procès de René Hardy devant la cour de justice de la Seine en janvier 1947.
Le comble, c’est qu’il n’apprend la décision du 30 septembre 1949 du parquet de la cour de justice de la Seine de lui accorder un non-lieu, de le blanchir de toutes les accusations portées contre lui, qu’en février …1951. Le mois suivant, il sollicite sa réintégration dans la police et est affecté en juin à Melun comme commissaire divisionnaire. Dans l’exercice de ses fonctions, il continue à subir régulièrement les foudres du PCF, qui n’accepte pas la réhabilitation du policier. En mars 1961, Charles Porte épouse en secondes noces Marguerite Crochet. En décembre, il prend sa retraite, à sa demande. Le couple se retire à Saint-Raphaël (Var). Après le décès de sa femme en 1972, il s’exile quelque temps à Alicante en Espagne. Mais des problèmes de santé nécessitent son rapatriement en France. Porte s’est éteint le 29 mai 1982 à Fréjus.
Paul Turgné
Inspecteur de Renseignents Généraux, Paul Turgé est né le 16 juillet 1906 à Paris. Membre du mouvement Valmy, il fait passer des Juifs en zone Sud, raison pour laquelle il est arrêté le 13 mars 1942, pour être relâché deux semaines plus tard. Il est de nouveau arrêté le 13 avril 1943 et emprisonné à la prison du Cherche-Midi pour trois mois. Il rallie ensuite le mouvement Honneur de la Police et devient l'un des adjoints d'Edmond Dubent. Il travaille aussi avec le Commissaire Charles Porte de la Délégation générale, avec lequel il enquête sur la Gestapo française de la rue Lauriston. Il est arrêté avec Dubent, Porte et leurs agents de protection le 28 décembre 1943. Incarcéré à Fresnes puis à Drancy, il s'évade d'un train vers la déportation. Le 19 août 1944, dans le 12e, Paul Turgné essaie de rejoindre la PP en vélo, avec son collègue Lucien Baranger. Ils sont faits prisonniers lors d’un contrôle allemand à l’ angle rue Traversière-rue de Charenton. Recherché depuis longtemps, Turgné essaie de fuir, mais il est abattu de trois balles.
Raymond Boudier, Marcel Pruvost et Raymond Micheli
L’inspecteur Raymond Georges Boudier a joué un rôle de premier plan au sein de L’Honneur de la Police. Ce proche d’Edmond Dubent est né le 13 mars 1906 à Courgenay (Yonne). Recruté à la PP comme gardien de la paix en 1930, il devient inspecteur spécial en 1939. Révoqué le 14 juin 1940, réintégré à la Police Judiciaire le 15 avril 1941, il héberge à deux reprises un parachutiste allié, détourne des armes qu’il stocke dans son garage, et constitue un fort noyau de résistance à la PJ, avec les inspecteurs Perrin et Ferrand. Raymond Boudier est chargé par Dubent de convoyer les tracts fabriqués à Montrouge par l’imprimerie de Rudder. Il livre aussi des faux-documents et des tickets d’alimentation imprimés par une officine de L’Honneur de la Police sise rue de Coulmiers, et par la Mairie du 14e arrondissement. Arrêté le 28 mars 1943, Boudier retrouve la liberté. Le 28 décembre, il fait partie de l’équipe qui entoure le commissaire Dubent : le voilà arrêté en même temps que lui et l’inspecteur Turgné à la brasserie Zimmer. Du côté du commissaire Porte, deux de ses collaborateurs civils sont arrêtés aussi : Marcel Pruvost et Raymond Micheli. Il s’évade avec eux et Turgné du train qui les emmène en déportation. Le 28 janvier 1944, à hauteur de Vitry-le-François, les quatre hommes sautent du wagon après avoir creusé au couteau une ouverture dans le bois. Boudier, sérieusement blessé à la tête, à la jambe droite et aux reins sera hébergé par le docteur Laurent, maire d’Etrepy dans la Marne. Il ne peut revenir à Paris qu’en septembre 1944. Réintégré, ce père de deux enfants termine la guerre comme inspecteur principal, décoré de la Médaille de la Résistance avec rosette, et homologué chargé de mission de 3e classe. Il prend sa retraite en mai 1958.
Luc Rudolph, Au coeur de la Préfecture de Police : de la Résistance à la Libération, Mairie de Paris, 2011
Biographie de Charles-Henri Porte par Gérard Leray