Extrait de la condamnation prononcée contre Fernand Belino
Légende :
Jugement de condamnation prononcé par le tribunal militaire de Périgueux à l'encontre de Fernand Belino le 28 octobre 1940.
Genre : Image
Type : Extrait de jugement exécutoire de condamnation
Source : © Archives départementales de Lot-et-Garonne, 940W36 Droits réservés
Détails techniques :
Formulaire pré-rempli dactylogaphié
Date document : 28 octobre 1940
Lieu : France - Nouvelle-Aquitaine (Aquitaine) - Dordogne - Périgueux
Analyse média
Le jugement exécutoire de condamnation présenté ici concerne Fernand Belino. Ce dernier, arrêté à Paris le 13 mars 1940, est tout d'abord incarcéré à la prison de la Santé avant que l'exode pénitenciaire ne le conduise au camp de Gurs d'où il sera dirigé sur Périgueux pour être jugé par le tribunal militaire permanent de la XIIe région. Le jugement est rendu le 28 octobre 1940.
Fernand Belino est jugé coupable d'infraction au décret portant dissolution des organisations communistes. Le tribunal le condamne à 4 ans de prison et 1.000 francs d'amende. En outre, Belino est interdit "pendant cinq années des droits mentionnés à l'article 42 du Code pénal" ; lui sont donc supprimés ses droits civiques et civils (droit de vote et d'élection, d'éligibilité, d'être appelé ou nommé aux fonctions de juré ou autres fonctions publiques, ou aux emplois de l'administration ou d'exercer ces fonctions ou emplois, du port d'armes...).
L'acte comprend ensuite l'état-civil du condamné puis sa description physique. A noter dans les marques particulières, une cicatrice à la jambe droite, séquelle d'une de ses blessures lorsqu'il combattait dans les rangs des brigades internationales.
Ce jugement doit être mis à exécution le 12 novembre 1940. La détention préventive de Bélino ayant commencé le 16 mars 1940.
Fabrice Bourrée
Contexte historique
Le 10 juin 1940, en raison de l’offensive allemande sur Paris, Georges Mandel, ministre de l’Intérieur, est contraint de faire évacuer 1 865 prisonniers des prisons du Cherche - Midi et de La Santé. Au terme d’un exode pénitentiaire mouvementé - plusieurs centaines d’évasions et une quinzaine d’exécutions sommaires - 1 020 détenus parviennent au camp de Gurs (Basses-Pyrénées, devenues Pyrénées-Atlantiques en 1969), dans le plus grand désordre. Pour la plupart, en attente de jugement, l’instruction de leur affaire est en cours.
Dans un pays encore sous le choc du désastre de son armée et sur le point de perdre son régime républicain, la réorganisation de la justice militaire se fait dans la plus totale confusion. Dans un premier temps, le repli des tribunaux militaires de Paris est prévu à Bordeaux. C’est ce qu’indique le ministère de la Défense nationale et de la Guerre dans un télégramme du 13 juin 1940 adressé à l’état-major de la 18e région militaire : « Recevrez incessamment environ deux mille prévenus devant tribunaux militaires Paris repliés et onze condamnés à mort. Stop. Prendre toutes dispositions d’urgence pour incarcération dans locaux disponibles ou pontons… ». Sept jours plus tard, les prisonniers du Cherche-Midi et de La Santé - formant la prison militaire de Paris - arrivent à Bordeaux. La ville vient de subir des bombardements. On dénombre 68 morts et 185 blessés. La préfecture de la Gironde est encombrée de réfugiés… Rien n’étant prévu pour les recevoir, les prisonniers poursuivent leur chemin, en autobus et sous escorte, jusqu’au camp de Gurs.
Le 3 juillet 1940, le général Altmayer, commandant la 18e région repliée à Pau, signale l’installation d’un tribunal militaire permanent à Oloron-Sainte-Marie, capitale du Haut-Béarn, ce que confirment les registres d’écrou de la prison militaire de Paris. À la même date, la ville de Limoges est également choisie par l’état-major de l’armée afin d’y créer immédiatement un tribunal militaire. Le 5 juillet, le ministre de la Guerre fait parvenir un télégramme au général Frère, commandant la 12e région militaire, dont voici les termes : « …Par modification à D . M . 172 C / 10 du 29 juin 1940 procédures en cours devant 1e 2e 3e et 4e tribunaux militaires région Paris seront portées devant tribunal militaire 12e région. Stop. Personnel tribunaux militaires Paris désignés ci-dessus et présent à Périgueux est affecté tribunal militaire 12e région … ».
Depuis les réformes territoriales d’août 1923, la 12e région militaire regroupe six départements (Charente, Corrèze, Creuse, Dordogne, Haute-Vienne, Indre) et huit subdivisions militaires (Angoulême, Bergerac, Brive, Guéret, Limoges, Magnac - Laval, Périgueux et Tulle ). Cependant, dans un pays désorganisé, les instructions provenant de l’autorité militaire circulent difficilement. Le 10 juillet 1940, le capitaine Kersaudy, commandant la prison militaire de Paris, évoque la dissolution des tribunaux militaires de Paris et leur rattachement à la 13e région, à Clermont-Ferrand ! Au bout du compte, c’est bien la 12e région qui hérite des dossiers d’instruction. Contre toute attente, son tribunal militaire est établi au chef-lieu d’une de ses huit subdivisions militaires, à Périgueux, et non au siège de l’état-major, à Limoges. Enfin, le 11 juillet, le général Frère annonce l’installation immédiate du tribunal militaire permanent « à Périgueux, École normale d’instituteurs, place Faidherbe ». En dernier ressort, le tribunal s’installe au n° 4, rue de la Bride, dans l’immeuble de l’Hôtel de la Tour Mataguerre, dont l’arrière-cour donne sur le cours Fénelon. Les dossiers sont instruits au siège du tribunal militaire, et c’est au palais de justice de la ville que se tiennent les séances.
Extrait de Jacky Tronel, "Périgueux : siège du tribunal de la 12e région militaire", revue Arkheia n°21, 2009.