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"Sabotage d'une installation téléphonique allemande. Affaire c/ Le Cam Fernand"

Légende :

Plan extrait du dossier de police "Sabotage d'une installation téléphonique allemande. Affaire c/ Le Cam Fernand"

Genre : Image

Type : Plan

Source : © Archives départementales des Yvelines, 300W62 Droits réservés

Détails techniques :

Plan en couleur

Date document : 26 avril 1941

Lieu : France - Ile-de-France - Essonne - Palaiseau

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Analyse média

Le 23 avril 1941, cinq câbles téléphoniques ont été sectionnés dans les terrains vagues à proximité du pont de chemin de fer de la route de Versailles sur le territoire de la commune de Palaiseau. Le rapport de police stipule : "Une trace nette dans le sable permet de conclure que ces câbles ont été sectionnés à l'aide d'un objet tranchant, vraisemblablement une serpe ou une hachette." Chargée de l'enquête, la Gestapo, appuyée par la police française, porte ses soupçons sur un nommé Fernand Le Cam, demeurant à Palaiseau. Ce dernier reconnaît "s'être rendu sur les lieux dans la matinée du lundi 21 avril, jour où le sabotage pourrait avoir été commis, pour couper des rames à l'aide d'une serpe." Deux témoins déclarent l'avoir vu couper les câbles. "D'une reconstitution faite sur les lieux, il résulte que la serpe de Le Cam pouvait facilement servir à trancher les câbles et provoquer une section analogue."


Auteur : Fabrice Bourrée
Source : Archives départementales des Yvelines, 300W62 (rapport de police - 26 avril 1941).

Contexte historique

Les sabotages de lignes téléphoniques en Seine-et-Oise 1940-1941

Entre juin 1940 et décembre 1941, les rapports officiels mentionnent une trentaine de sabotages de lignes téléphoniques en Seine-et-Oise. Dans son rapport mensuel de décembre 1940, le préfet de Seine-et-Oise signale que "dans diverses communes, des ruptures de fils téléphoniques allemands se sont à nouveau produits, cependant ces actes de sabotage sont de moins en mois fréquents."

Les actes de sabotage des années 1940 et 1941 sont dans la plupart des cas des actes isolés. Seules deux arrestations ont été effectuées, et dans les deux cas, les auteurs ont agi seuls. Les premiers sabotages mentionnés dans les rapports de police en août 1940 se situent au Chesnay, à Mantes, au Plessis-Trévisse, à Saint-Ouen-l'Aumône, Versailles et Corbeil. A titre de sanction à la suite de sabotages de lignes allemandes situés l'une entre Versailles et Saint-Germain-en-Laye et l'autre à Mantes entre le 18 et le 20 août, la Feldkommandantur a ordonné la surveillance de la ligne de jour et de nuit par les habitants de ces localités.

Le 27 octobre 1940, une ligne téléphonique est sectionnée à Neauphle-le-Château. Il s'agit d'un des deux cas où l'auteur du sabotage a été arrêté. Il s'agit de Gustave Morize, ouvrier agricole. Le 12 novembre 1940, le tribunal militaire de la Feldkommandatur de Saint-Cloud le condamna à la peine de mort. Cette peine est commuée par la suite en 10 ans de réclusion.

Le 5 avril 1941, une ligne téléphonique allemande est sabotée dans le bois de Viroflay, au lieu-dit "La Grand Cordon". L'auteur du sabotage a utilisé un crochet de fabrication artisanale pour atteindre la ligne. A la suite de ce sabotage, la commune de Viroflay a du pendant 15 jours assurer une surveillance spéciale à proximité du lieu où les coupures ont été faites.

Le sabotage de Chaville du 7 octobre 1941 a été effectué sur une ligne téléphonique située rue Anatole France à la hauteur du numéro 32. "Cette ligne de 10 mm de diamètre environ, est composée de fils de cuivre sous caoutchouc. Elle paraît avoir été sectionnée à l'aide d'un couteau. Une longueur de près de deux mètres manque. D'après les indications recueillies, à l'endroit où la coupure a été faîte, la ligne pendait à hauteur de main d'une personne passant sur le trottoir. C'est donc sans effort, ni escalade que l'auteur de ce sabotage a pu opérer." (ADY, 300 W 62).

A travers la lecture de ces différents exemples, on peut remarquer un fait significatif. Dans tous les cas, les câbles téléphoniques se trouvaient à hauteur d'homme : à Neauphle, le câble téléphonique "traînait à terre", et à Chaville le câble "pendait à hauteur de main d'une personne". Il a donc pu s'agir, dans ces cas, d'actions spontanées, non préméditées. C'est là l'une des caractéristiques essentielles de la Résistance durant ces années 1940-1941. En revanche, on peut considérer le sabotage de Viroflay du 5 avril 1941 comme un acte prémédité puisque l'auteur de ce sabotage a fabriqué un crochet pour pouvoir attrapé le fil téléphonique.

Les sanctions prévues pour ces actes de sabotage sont la peine de mort ou des peines de prison assez longues. Une affiche allemande non datée, mais vraisemblablement de 1940, annonce que "tout endommagement de moyens de transmission est interdit sous peine de mort". (AM Versailles, H4/277/12). Le 16 septembre 1940, à Thiverval, c'est le maire lui-même sur qui pèse une éventuelle sanction si un câble téléphonique était de nouveau saboté. Lorsque l'auteur du sabotage n'est pas retrouvé, une sanction est prise contre la ville dans laquelle a eut lieu le sabotage. Nous avons observé ce cas pour Mantes et Versailles en août 1940. La plupart du temps, un certain nombre d'habitants de la localité concernée sont requis pour surveiller la ligne pendant une période déterminée. Voici, par exemple, un ordre de réquisition établi par le maire de Versailles à la demande des autorités allemandes suite au sabotage d'août 1940 : "Un câble téléphonique a été cisaillé dans la nuit du 18 au 19 août. Quoique ce méfait n'ait pas été commis à Versailles, notre ville a été désignée comme ville responsable et un service de garde diurne et nocturne est imposé à ses citoyens. Désormais, et jusqu'à nouvel ordre, 100 Versaillais devront assurer la garde nocturne entre Versailles et Saint Germain du câble qui a été cisaillé et 25 de nos concitoyens en assureront la surveillance diurne. Les gardes seront désignés par voie de réquisition civile. Ils recevront une indemnité calculée sur la base de 5F l'heure. (...) Tout abandon de poste serait sévèrement réprimé par les autorités allemandes, des rondes seront faites par ces mêmes autorités pour vérifier si chacun est à l'emplacement qui lui a été désigné." (AM Versailles, H4/2467).

Parallèlement à cet ordre de réquisition, une réglementation de la surveillance du câble est mise en place ; elle comprend l'organisation générale des équipes de surveillance, la disposition de ces équipes, les inspections par les Allemands, etc. De même, pour le sabotage du 18 novembre 1940 qui a eut lieu entre Versailles et Jouy-en-Josas selon certains rapports ou entre Jouy-en-Josas et Villacoublay selon d'autres rapports, "les autorités militaires allemandes estimant qu'il s'agit d'un sabotage et non pas d'un accident ont ordonné que cette ligne téléphonique soit gardée par la population" (AM Versailles, H4/277/4). De plus, un avis informe la population qu'"à titre de sanction, à la suite de rupture d'un câble téléphonique, la circulation sur les voies publiques, qui était autorisée jusqu'à 23 heures, est interdite de 21 heures à 5 heures du matin à dater du 19 novembre 1940 sur les territoires des communes et hameaux ci-après : Versailles et faubourgs, Le Chesnay, Viroflay, Pont-de-Jouy, Jouy-en-Josas et hameau des Metz, Bièvres et hameaux de Vauboyen et des Roches, et Vélizy-Villacoublay." (ADY, 300 W 62). Voilà les deux types de sanctions les plus souvent prises à l'égard des localités où les sabotages ont lieu lorsque le coupable n'est pas découvert, ce qui est le plus fréquemment le cas.

 


Auteur : Fabrice Bourrée
Sources :
Archives nationales, F1CIII 1190 (rapports du Préfet de Seine-et-Oise).
Archives départementales des Yvelines, 300 W 62 (Sabotages de lignes téléphoniques).
Archives municipales de Versailles, H4/277 (Sabotages lignes téléphoniques allemandes, 1940) , H4/2467 (Rupture d'un cable sur la route de St Germain en Laye, 1940).