Plaque à la mémoire du docteur Ténine, Gentilly (Val-de-Marne)

Légende :

Plaque apposée sur la façade du centre municipal de santé de Gentilly (6 rue Maurice-Ténine)

Genre : Image

Type : Plaque commémorative

Producteur : Claude Richard

Source : © Collection Claude Richard Droits réservés

Détails techniques :

Photographie numérique en couleur.

Lieu : France - Ile-de-France - Val-de-Marne - Gentilly

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Contexte historique

Fils d’immigrés juifs de Russie, qui avaient quitté leur pays en 1906 et s’installèrent en 1909 en France faute d’avoir obtenu un visa pour les États-Unis, Maurice Ténine fit de brillantes études secondaires d’abord au lycée Lakanal de Toulouse (Haute-Garonne) pendant la Première Guerre mondiale, puis au lycée Voltaire à Paris (XIe arr.). Il fut présenté en 1923 au concours général en mathématiques, français et histoire. Bachelier l’année suivante, il entreprit des études de médecine et obtint le titre de docteur en 1935. Son père, Aaron, qui, dans son pays, était ouvrier sculpteur sur bois, devint à Paris chauffeur de taxi à la compagnie G7 ; il était domicilié 18 rue René-Wurtz dans le XIIIe arrondissement. Sa mère s’appelait Bronia Borenstein. La famille Ténine était, dès avant 1917, acquise aux idées bolcheviques et, à l’âge de seize ans, Maurice Ténine fut arrêté au cours d’une manifestation en soutien à Sacco et Vanzetti. Ils furent cependant tous naturalisés le 30 juillet 1926. Maurice Ténine adhéra au Parti communiste et milita très activement durant ses études à l’Union fédérale des étudiants. Il fut chargé pendant l’été 1929 d’une mission en Alsace pour y prendre la parole en allemand devant un auditoire de jeunes. Il gagnait sa vie durant ses études en faisant des traductions de l’allemand ou du russe pour le compte des Éditions Payot et des Éditions Sociales internationales (ESI). Il fut ainsi le premier traducteur de Wilhelm Reich, alors communiste allemand (La Crise sexuelle, ESI, 1934). Il se maria le 8 octobre 1929 à Paris, dans le Ve arrondissement, avec Annette (Etléa) Galaburda, née le 30 novembre 1905 à Baltzi (Russie, aujourd’hui Moldavie), qui était venue faire ses études à Paris. Elle fut employée comme traductrice en 1930 par l’Internationale de l’enseignement, puis par la compagnie Radio-Cinéma et de 1932 à 1935 par Lin et Chanvre, représentant en France de la SA Exportlin de Moscou. En 1932, Maurice Ténine travailla à l’encadrement de la colonie de vacances de Villejuif (Seine, Val-de-Marne). Il participa à l’accueil des réfugiés allemands en 1933.

Accomplissant son service militaire d’avril 1934 à avril 1935 au camp d’Orly (Seine, Val-de-Marne), il fut, peu avant sa libération, mis aux arrêts de rigueur pour « avoir introduit des documents qui, s’ils étaient parvenus à la connaissance de la troupe, auraient été de nature à nuire gravement à son moral » et pour « avoir publié, sans l’autorisation de ses chefs, des traductions d’articles à tendance nettement extrêmiste ». Il s’agissait de sa collaboration à la Correspondance internationale qui lui permettait, disait-il pour se défendre, d’élever sa famille, sa fille Nadia étant née peu avant son incorporation en novembre 1933. Il fut cassé de son grade de médecin auxiliaire. Installé comme médecin à Fresnes, 2 avenue de la République, Maurice Ténine y fut élu conseiller municipal communiste le 4 juillet 1937 sur la liste dirigée par Maurice Catinat. Il vint exercer en 1938 à Antony (Seine, Hauts-de-Seine), commune voisine, au 119 avenue Aristide-Briant. Il fut mobilisé de septembre 1939 à juillet 1940 comme infirmier, à l’hôpital militaire Villemain à Paris, puis dans un hôpital d’évacuation secondaire. Le médecin-colonel Dreneau témoigna après guerre de « son dévouement et de son courage » : « il a opéré sous des bombardements violents à Évreux en juin 1940 ». Maurice Ténine n’obtint pas sa réintégration comme médecin auxiliaire. La préfecture de la Seine l’avait déchu de son mandat le 9 février 1940. À sa démobilisation, il fut victime de la loi du 16 août 1940 excluant les naturalisés de la profession médicale et fit tenir son cabinet par des amis.

En janvier 1941, il fut, avec le docteur Jean-Claude Bauer, un des deux fondateurs du journal clandestin Le Médecin français. Ses fonctions consistaient également en l’organisation du service médical pour les membres de l’Organisation spéciale (OS). Arrêté le 17 février 1941 par la police française, il fut interné à Clairvaux (Aube), puis en mai à Châteaubriant. Il évoquait dans ses lettres les difficultés de la période : « Tout est à nouveau clair, il ne peut y avoir de doutes désormais » (23 juin 1941) ou encore : « même sa douleur [il venait de perdre son fils âgé de quatre ans], il faut la situer dans la douleur universelle qui n’a jamais été aussi grande ». Selon des témoignages (Me Rapaport), il aurait bénéficié d’une permission pour les obsèques et serait revenu au camp sur les conseils d’un dirigeant communiste. Fusillé le 22 octobre 1941 à Châteaubriant, il fut déclaré « Mort pour la France » le 19 mars 1942, comme les autres otages, en raison de l’émotion suscitée par l’événement. Il fut nommé le 29 août 1945 chevalier de la Légion d’honneur à titre posthume et reçut la Croix de guerre avec palme en tant qu’un des pionniers de la Résistance médicale. Le grade de sous-lieutenant des Forces françaises de l’intérieur (FFI) (1951) et le titre d’Interné Politique (avril 1955) lui ont été attribués, mais celui d’Interné Résistant refusé (1955).

Sa femme, également membre du PCF, fut arrêtée près de Nice (Alpes-Maritime) en octobre 1943, internée à Drancy (Seine, Seine-Saint-Denis) et mourut en déportation à Auschwitz (Pologne). Elle fut reconnue « Morte pour la France » et obtint à titre posthume un certificat d’appartenance aux Forces françaises libres (FFL) mais sa famille se vit refuser l’application de l’accord conclu le 15 juillet 1960 entre la France et la République fédérale d’Allemagne (RFA) car l’administration ne lui reconnaissait pas la nationalité française.


Nadia Ténine-Michel, Claude Pennetier pour le Maitron-en-ligne