Plaque en hommage aux policiers résistants, Paris IVe
Légende :
Plaque apposée sur la Préfecture de Paris, rue de la Cité, le 25 août 2014
Genre : Image
Type : Plaque commémorative
Producteur : Claude Richard
Source : © Collection Claude Richard Droits réservés
Détails techniques :
Photographie numérique en couleur
Date document : 25 août 2014
Lieu : France - Ile-de-France - Paris - Paris
Contexte historique
Au delà des trous noirs et mythes qui la caractérisent, la résistance dans la police fut bien réelle et même précoce puisqu'on trouve trace à la Préfecture de police, dès l'automne 1940, d'un groupe formé au commissariat des Ternes qui détourne une partie des armes que les policiers ont pour mission de collecter auprès de la population. Sa dénonciation par un collègue, la condamnation et la déportation, en mai 1941, de 16 de ses membres, illustrent bien les dangers courus par les résistants dans un milieu sensible à la propagande et à l'idéologie de Vichy comme au devoir d'obéissance et au respect de la loi. Le silence qui entoure ce groupe et cette affaire à la Libération montre aussi la gêne d'une institution dont la hiérarchie dénonça elle-même cette tentative aux Allemands. C'est sans doute ce qui explique que, pour le groupe de résistance qu'il essaya de constituer en 1941, le brigadier Arsène Poncey le fit en dehors du milieu policier (Valmy-Armée des volontaires).
C'est là une des constantes qui caractérisent la résistance policière : l'engagement y est individuel et souvent extérieur au milieu professionnel. Les réseaux Béarn, Brutus, Turma-Vengeance, l'OCM, l'AS, l'ORA, le Front national, Libération-nord, Ceux de la résistance, Alliance… recrutèrent et accueillirent les policiers désespérant du patriotisme de leurs collègues.
Si on en juge par le nombre de policiers arrêtés, emprisonnés, déportés, exécutés, résister au cœur d'un appareil répressif soumis à la surveillance omniprésente des Allemands et à leurs provocations comportait des risques réels : Arsène Poncey, Edmond Dubent - créateur de la première mouture de Honneur de la Police - les commissaires Bénézech et Sabourin du réseau Turma-Vengeance, d'autres encore tombèrent victimes de dénonciations à l'automne 1943 et au printemps 1944.
Leur situation dans la machine répressive conférant aux policiers résistants une importance capitale, tous les réseaux insistèrent pour qu'en dépit des risques encourus et de leurs états d'âme, ces policiers restent en place. En effet, l'ambiguïté de cette résistance tient au rôle répressif que devaient continuer à remplir les policiers résistants dont l'efficacité était liée au zèle apparent et à l'activité affichée. C'est à ce prix qu'ils pouvaient connaître les affaires en cours, révéler les opérations projetées, les dénonciations, les arrestations, les aveux et renseignements obtenus des résistants arrêtés, continuer à fournir faux papiers authentiques, tampons et documents officiels, faux ordres de missions, assurer transports délicats… tout ce qui rendait cette résistance irremplaçable et précieuse.
Une minorité de policiers résistants a ainsi joué un rôle important quoique méconnu jusque au sein des fameuses BS des RG. Mais pour jouer ce rôle, "casser" des affaires, ils devaient donner le change et continuer leur métier donc participer à la répression. Ce double jeu - qui leur valut parfois félicitations, primes et récompenses de la part des autorités allemandes ou de l'État français - explique l'incrédulité qui entoura, dès la Libération, la révélation de leur engagement comme les menaces, représailles qu'ils subirent parfois et les destins contrastés qu'ils connurent… Des policiers, résistants authentiques, avaient participé à des arrestations que les victimes ou leurs familles ne pouvaient leur pardonner…
Le rôle joué dans les combats de la Libération par le personnel d'une Préfecture de Police qui avait beaucoup à se faire pardonner, n'a pas suffi pour améliorer une image durablement ternie par le rôle que Vichy avait fait jouer aux policiers français. La légion d'honneur attribuée à la police parisienne par le général De Gaulle en octobre, la fourragère rouge que portent les gardiens de la paix depuis ne provoquent souvent que moquerie ou railleries incrédules. Les épisodes de l'épuration et de l'immédiat après-guerre qui traduisent bien les divisions d'une Résistance traversée par des fractures idéologiques et hiérarchiques, les règlements de compte auxquels ils donnèrent lieu n'arrangèrent pas la perception d'une Résistance qui s'était surtout développée au premier semestre de 1944 et étoffée à l'été. Cet afflux de "résistants du 25 août", le rôle joué par les mouvements spécifiques à la PP - Police et patrie, Honneur de la police, le Front national police - comme Ajax pour la Police nationale, dans la répartition des postes et responsabilités à la Libération - mais le fait n'est pas spécifique à la police - ont achevé de déconsidérer une Résistance dont les pionniers avaient payé cher leur engagement.
Jean-Marc Berlière in DVD-ROM La Résistance en Ile-de-France, AERI, 2004