Plaque à la mémoire des patriotes qui furent internés et torturés dans la prison d'Alençon par la Gestapo (Orne)
Légende :
Plaque apposée sur la façade de l'ancienne maison d'arrêt d'Alençon
Genre : Image
Type : Plaque commémorative
Source : © Lieux de mémoires ww1 et ww2 (Facebook) Droits réservés
Détails techniques :
Photographie numérique en couleur
Date document : 2015
Lieu : France - Normandie (Basse-Normandie) - Orne - Alençon
Contexte historique
Le 21 mars 1944, les prisonniers politiques internés jusqu'ici à la caserne Bonet, sont transférés au château des Ducs – résidence de la Renaissance transformée en prison – à la suite de plusieurs évasions. Les prisonniers internés pour faits de Résistance sont séparés des droits communs, placés dans la tour couronnée. Les prisons allemande et française sont donc séparées.
Voici à quoi pouvait ressembler une journée-type : "A six heures un cerbère ouvrait le judas, et nous lançait un "auchstein" retentissant sans réplique. C'était quelque chose comme le "Debout là-dedans" de la caserne. L'ennui pour un chef de chambre était alors de faire obéir ses hommes. Ils ne comprenaient pas qu'on les fasse lever à 6 h du matin pour ne rien faire de la journée. A sept heures, la louche de simili café ou l'infecte tisane que l'on avait baptisée "Les quatre pères chartreux"… A midi et à cinq heures, deux louches de jus de soupe sans légumes et sans pain. Le reste du temps, inaction la plus complète ; deux fois par jour, cependant, la corvée pour vider les récipients sans couvercle qui ornaient les extrémités de chaque chambre. Dans un logis de 40, ils n'étaient pas sans utilité mais non sans odeur. (…) La journée se terminait sur un petit cérémonial digne des galériens. A 9 heures, nous devions être au lit. Le garde venait. Un homme avec une mitraillette gardait la porte, un sous-officier parcourait les lits accompagnés d'un autre homme armé. Jusqu'à la fin, ils poussaient la précaution de soulever les couvertures pour s'assurer si nous avions enlevé nos pantalons. Deux à trois fois par nuit, le judas s'ouvrait sans bruit et soudain la lumière jaillissait. C'était un chleuh qui surveillait notre sommeil " (Ouest-France, 5 février 1947).
D'autres détenus sont parqués dans une pièce appelée la Chambre 13. Cette cellule est celle des condamnés à mort, pièce assez vaste, un peu plus haute en plafond que les autres et ne recevant le jour que par une étroite ouverture se rétrécissant vers l'extérieur. La porte est constamment gardée par une ou deux sentinelles, toujours en armes. En face, se trouve la chapelle convertie pendant l'Occupation en corps de garde. Là, ont séjourné en particulier ceux qui ont été fusillés à Condé-sur-Sarthe ou à Saint-Germain-du-Corbéis. Une petite pièce, à part, sert aussi aux nombreux supplices infligés par les séides de la Gestapo aux résistants ; les détenus l'appellent la "chambre des tortures". "Dans cette petite pièce, témoigne monsieur Poisson, se trouvait la table sur laquelle, au cours des interrogatoires, étaient attachés à plat ventre, mains liées par les menottes, au pied de la table, les patients qui ne voulaient pas parler. Souvent cette table sur laquelle je coupais le pain pour la chambrée était encore tachée de sang. Devant nous, au mur, étaient pendus les schlagues (genre de lames d'acier enfermées dans une gaine de cuir), les matraques, les nerfs de boeuf, et ce que nous appelions vulgairement les tuyaux d'arrosage, espèces de tubes de caoutchouc demi-pleins, de 60 cm de long environ." (Ouest-France, 5 février 1947). Pour le supplice de la baignoire, les bourreaux se servent alors d'un grand chaudron.
Parfois, les détenus ont pu avoir la chance de bénéficier de l'aide des gardiens français. Ces derniers, en discutant assez fortement sur un chemin situé au pied, communiquent, par exemple, des nouvelles aux détenus. Souvent, la nuit, alors que les Allemands gardent soigneusement l'extérieur de la prison, madame Guillet vient rôder sous les fenêtres. A un signe convenu, une ficelle est descendue. On y attache un paquet et, par ce monte-charge improvisé, les prisonniers peuvent se ravitailler et recevoir de chez eux les objets de première nécessité. Cette opération est surnommée parachutage : il a même été question de monter par cette voie des armes et des munitions dont les prisonniers se seraient servis dans le cas où une expédition venue de l'extérieur aurait tenté de les libérer. Ce projet ne fut jamais mis à exécution.
Près de cinq cents détenus sont passés soit par la caserne Bonet, soit par la prison. La moitié d'entre eux seulement est rentrée. Une bonne partie des détenus a en effet été envoyée vers Compiègne puis vers les camps de concentration. Seuls quelques-uns ont été libérés à l'occasion de la panique qui s'est emparée des Allemands lors des bombardements. Autre événement marquant dans l'histoire de cette prison, deux jours avant la Libération, les derniers Allemands, quittant la prison, emmènent avec eux plusieurs prisonniers qu'ils massacrent à l'Hôme-Chamondot près de Longny-au-Perche.
Gérard Bourdin et Thomas Pouty in CD-ROM La Résistance dans l'Orne, AERI, 2004