Plaque en hommage aux morts du groupe Matabiau, Toulouse (Haute-Garonne)
Légende :
Plaque apposée sur la façade de la gare Matabiau
Genre : Image
Type : Plaque commémorative
Producteur : Marie-Geneviève Tokarz
Source : © Collection Marie-Geneviève Tokarz Droits réservés
Détails techniques :
Photographie numérique en couleur
Date document : 2016
Lieu : France - Occitanie (Midi-Pyrénées) - Haute-Garonne
Analyse média
"Hommage aux morts du Groupe Matabiau, à ceux qui donnèrent le signal de l'insurrection à Toulouse le 19 août 1944
Amorgaste Emile - Bataille Marcel - Benet Roger - Binsiau Jacques Bonneu Gilbert - Boudard Charles - Boudin Gaston - Bredillard Jacques Brayada Yves - Continente Mariano - Escudié Paul - Falga Maurice - Froumentin André - Farineau Arthur - Baby Frédéric - Graule André Jacob André - Leroux Emile - Mathieu René - Mendy Ambroise - Olivie Antonin - Rouge Marc - Roux Henri - Salamon Georges - Salles Robert - Vabre Paul - Valente Marius - Verdier Roger - Hebrard André - Alegre Guy"
Contexte historique
Le 19 août 1944, c'est autour de la gare Matabiau que se déroulent les combats les plus violents des deux journées libératrices de Toulouse. Dans le rapport qu'il adresse à la direction de la SNCF, le chef de gare de Toulouse décrit ainsi les faits :
"Au premier moment, le contrôleur technique Meyer se révéla un chef sûr et s'exposa aux balles ennemies en se portant au devant d'une colonne allemande de 200 hommes qui débarquait en Gare Basse. Usant de sa parfaite connaissance de la langue allemande, Meyer n'a pas hésité à entamer des pourparlers avec les officiers allemands. En les invitant à se rendre, Meyer risquait d'être fusillé ou, tout au-moins, de tomber prisonnier entre leurs mains, d'autant plus que ces derniers, n'acceptant pas les propositions qui leur étaient faites, décidaient de débarquer et de traverser Toulouse. A 15 heures 30, après rupture des pourparlers, une poignée de cheminots encadrés par Meyer et deux civils (devenus depuis Commandant Léon et Capitaine Sol du Groupe Matabiau) n'hésitèrent pas à attaquer cette importante colonne avec quelques armes et grenades prélevées à l'ennemi. Ceux qui prirent part à ce premier combat ont rivalisé d'initiatives, de mépris du danger et ont été magnifiques dans cette bataille inégale. Toute la soirée du 19, ils luttèrent sans arrêt, les premiers renforts FFI ne leur parvenant en effet que 8 heures après le commencement du combat ". Les événements décrits ici sont sans doute plus complexes. Les témoignages oraux abondent, mais les tentatives de reconstitution des faits donnent une impression de confusion, les témoins de l'époque n'ayant pas gardé les mêmes souvenirs et la mémoire s'altérant avec le temps.
Durant la période clandestine, la 35e brigade MOI, la 3402e compagnie FTPF de Damien Menou ("commandant Franck") et le groupe de Résistance-Fer se sont bien implantés chez les cheminots toulousains. Au petit matin du 19 août, le mot d'ordre de grève insurrectionnelle est donné, et des éléments de la CGT clandestine prennent le contrôle de la gare. Vers 10 heures du matin, en haut des allées Jean Jaurès, Damien Menou et deux de ses camarades attaquent une camionnette allemande, s'emparent des armes qu'elle contenait et les portent aux cheminots insurgés. Jean Bédrède, qui est le responsable du groupe Matabiau en 2002, situe vers 11heures-11 heures 30 l'arrivée devant la gare d'un " camion bourré de cheminots allemands armés ", suivie de l'intervention du capitaine Meyer. Mais son témoignage contredit le rapport du chef de gare. Il souligne que les officiers allemands, se croyant en danger, ont décidé de se rendre : " on les a désarmés et on a eu là les premières armes vraies, des grenades, des revolvers, des fusils, c'était le premier armement qu'on a eu (...) " .
Le groupe Matabiau se serait constitué spontanément dans la matinée. Il aurait vu ses effectifs grossir rapidement, grâce à l'arrivée de volontaires désireux " d'agir tant qu'il est encore temps ". On a prétendu que " beaucoup de gens sont venus pour se blanchir (...). C'est possible qu'il y en ait eu quelques uns ", reconnaît Jean Bédrède, mais beaucoup sont également venus pour mener le combat jusqu'au bout, à l'exemple de ces " 640 jeunes qui se sont engagés en octobre 1944 pour la durée de la guerre ", c'est à dire jusqu'en 1945. L'ensemble constitue un groupe hétérogène de civils et de cheminots mélangés. Des FTPF, comme Georges Malgouyres (" Jean Rolin "), côtoient des membres de l'AS, de Résistance Fer (comme le capitaine Meyer ), de France au Combat (comme le capitaine Pailhé) ou des personnes non engagées jusque là. Léon Rudin (" commandant Léon "), sans doute membre d'un groupe-franc de l'AS, est à la tête du groupement, qui devient le groupe Matabiau. Il prend les mesures nécessaires pour protéger les installations ferroviaires de toute destruction et s'opposer à tout éventuel retour de l'ennemi. Un Alsacien obtient la reddition d'une unité de territoriaux allemands chargés de réparer des voies, mais qui sont bloqués dans un train, à l'entrée de la gare. Un témoin, le docteur Crehange, raconte : " Il les fit mettre en file indienne et revint, suivi de ses cinquante prisonniers. Pour avoir capturé seul (exploit unique dans les annales de la Résistance) un convoi tout entier, il sera décoré, quelques semaines plus tard, par le général de Gaulle en personne ". Des armes sont ainsi récupérées, mais elles restent encore insuffisantes. Un cheminot, Jean-Baptiste Séguelas, membre de la CGT clandestine, enlève le drapeau allemand, et hisse un drapeau français au-dessus de l'horloge de la gare.
Dans l'après-midi et dans la soirée, les membres du groupe Matabiau participent, avec des combattants MOI et FTPF, au harcèlement de militaires allemands en fuite. Des affrontements ont lieu autour du pont et de la gare Raynal. Des véhicules ennemis sont attaqués. Il y a des échanges de coups de feu, des morts et des blessés : le buffet de la gare doit être transformé en infirmerie.
Les Allemands définitivement partis, le groupe Matabiau cherche à se structurer autour du "commandant Léon" et du capitaine Meyer. Différents services sont créés : renseignements, transports, santé (avec le docteur Pierre Créhange), service social etc. Mais la Libération terminée, la finalité du groupe devient incertaine. "Nous devenons encombrants, écrit le docteur Crehange. Les militaires de carrière commencent à reprendre du poil de la bête. Avec nos tenues souvent débraillées, nos airs conquérants et les grades élevés que nous nous sommes octroyés, nous les dégoûtons visiblement ". Le groupe est transféré à Castelginest, à une quinzaine de kilomètres de Toulouse. Il est officiellement dissout à compter du 1er octobre 1944. Ses éléments sont rattachés au 2e régiment de la Haute-Garonne et envoyés à Saint-Girons, en Ariège, avant de recevoir un ordre de départ en Italie " pour tenir les positions récemment abandonnées par les Allemands ". Mais tout le monde ne suit pas. "Après avoir souffert moi-même de l'occupation, écrit le docteur Crehange, je n'avais aucune envie d'aller occuper les autres ! Je me suis fait démobiliser ".
Michel Goubet, "Le groupe Matabiau et les combats autour de la gare de Toulouse (19 août 1944)" in CD-ROM La Résistance en Haute-Garonne, AERI, 2009